Le premier projet de Loi de finance du gouvernement Elotmani vient d'être adopté en première lecture à la Chambre des représentants pour suivre actuellement son processus législatif à la Chambre des conseillers. Dans cette première tribune, sera présentée une lecture sur les ressources du budget, avant de proposer prochainement un deuxième article qui dressera une analyse des dépenses, dans le cadre d'une vision prospective du rôle de la politique budgétaire pour un nouveau modèle de développement. Il va de soi que dans une économie en bonne santé, le système fiscal est l'instrument des politiques publiques garantissant une cohésion sociale à travers une répartition équitable des richesses. Aujourd'hui, le Maroc peine toujours à avoir un système social global, ni même une organisation comptable faisant ressortir le budget de la sécurité sociale comme le préconise la définition internationale des finances publiques. Sans parler de la faiblesse des secteurs sociaux qui reste à ce jour incapable d'offrir un service de qualité. Pour faire face à cette problématique, et pour qu'un pays puisse jouer son rôle d'Etat providence, il faut mobiliser le financement nécessaire, à travers une fiscalité performante et juste. C'est ainsi que le citoyen bénéficiera alors d'une école de bonne qualité, d'un hôpital fonctionnel et de tous les services nécessaires à une vie décente. Ceci consoliderait d'un côté les piliers de la société, et permettra d'un autre côté aux citoyens d'augmenter leur pouvoir d'achat. Or, aucune loi de finances sur ces six dernières années n'a proposé une réforme globale de cet instrument qui est aujourd'hui en-deçà de sa capacité potentielle. En effet, le gouvernement précédant et sur sa voie l'actuelle équipe, n'a fait qu'appliquer des mesures inefficaces qui ont retentit négativement sur la demande intérieure. En effet, la consommation finale des ménages est passée de 60,4% du PIB en 2012 à 58,4% prévu pour 2018. Et ceci, sans réellement augmenter les recettes fiscales qui ont connu ces six dernières années une évolution quasi-nulle de 0,2% en moyenne par rapport au PIB. Ce ralentissement qui a affecté la demande ( -2% depuis 2012) a causé des répercussions négatives sur les recettes, ce qui rend les hausses d'impôts inefficaces en l'absence de réforme globale compensant les écarts et biais pouvant exister. Parmis les mesures pouvant affecter la demande, les hausses de TVA touchant des produits de fortes consommation comme les carburants ou les produits alimentaires. Et vu que les recettes fiscales dépendent de l'activité économique dans la mesure où une augmentation de 1% du PIB engendre une hausse de 1,6% des recettes fiscales. De ce fait, tout ralentissement de la croissance à cause d'une baisse de la demande intérieure rend ces mesures fiscales inefficaces. Malheureusement, le PLF 2018 continue sur cette logique, en se limitant à des mesures techniques, dont certaines sont certes justifiées, mais dont la majorité restent inexplicables, sans réellement comprendre l'impact escompté. On cite par ailleurs l'augmentation de la TVA sur les carburants, ou encore du prix de certains timbres fiscaux (qui dans leur ensemble ne représentent que 8,28% des recettes). Il va sans dire, qu'à ce rythme nous sommes loin d'arriver à des ressources budgétaires capables de faire face aux nombreux défis sociaux qui nous attendent. Aujourd'hui les pistes d'actions ne manquent pas, d'autant plus que nous avons à notre actif plusieurs rapports et travaux d'institutions nationales ayant traité cette question. C'est dans ce cadre que le rapport de la cour des comptes de 2013 avait mis le doigt sur l'inefficacité de la Direction Générales des Impôts (DGI), montrant qu'un nombre important de contribuables (Concernés par l'Impôt sur les sociétés et les taxes professionnelles) déclarent de faibles bénéfices, voir même des résultats déficitaires pour ne s'acquitter que du minimum imposé. Ce qui constitue un énorme manque à gagner pour le budget. Le gouvernement propose aujourd'hui comme solution la télédéclaration, mais le problème repose sur la véracité des informations transmises et non sur l'action elle même. De ce fait, seul un système électronique de traçabilité des bénéfices pourrait aboutir à des résultats concluants. On peut également évoquer les assises de la fiscalité, organisées en avril 2013 sous la direction de M. Nizar Baraka alors ministre des finances, et celà quelques mois avant son départ. Ce qui avait découlé sur plusieurs recommandations courageuses allant dans le sens d'une réforme radicale du système fiscal, mais qui n'ont malheureusement pas eu de suite. Les travaux de ces assises avaient par exemple appelé à réformer l'Impôt sur le Revenu (qui est aujourd'hui l'un des plus haut taux de la région), ou encore à procéder à la fiscalisation progressive du secteur agricole (qui est aujourd'hui exonéré là où les TPE/PME ne le sont pas), et bien d'autres propositions qui allaient dans le sens d'une réforme globale. Face à cette carence des ressources de l'Etat, il est devenu urgent que le gouvernement présente une réforme globale et radicale du système fiscal du pays, assurant une plus grande assiette et des taux plus faibles, et ce pour libérer le pouvoir d'achat et l'entreprenariat. C'est ainsi qu'on pourra optimiser les ressources pour faire face aux enjeux sociaux qui nous attendent, en plus d'accélérer l'activité économique de notre pays. Nous constatons une évolution très mitigée des recettes fiscales (rapportée au PIB), qui sont restés assez stagnantes sur la période avec une variation moyenne de 0,2%, malgré un léger pic enregistré en 2012. Nous avons évoqué dans le texte l'unes des raisons étant à la cause de cette situation. Au niveau du ratio d'autosuffisance fiscale, qui représente la part des recettes fiscales dans l'ensemble des dépenses, on constate que malgré l'évolution qu'a connu cet indicateur, son niveau reste loin d'une situation confortable dégageant des marges de manœuvre pour les pouvoir publics, avec un manque d'environ 24% pour que les recettes fiscales suffisent à couvrir toutes les dépenses. C'est à dire au même niveau que la moyenne de la période 2002-2010. Et même en ajoutant les recettes non fiscales à ce ratio, cette couverture ne dépasserait pas les 85%, c'est dire qu'il reste beaucoup de travail à faire. ----------------- Younès Takki Chebihi est étudiant en économétrie et statistique à l'Université de Strasbourg