Neuf mois après avoir prononcé l'annulation de l'Accord agricole liant le Maroc et l'Union européenne, la Cour européenne de justice (CJUE) s'achemine vers une révision de son arrêt. C'est ce que l'on pourrait croire à la lecture des avis de l'Avocat général de la CJUE, publiées ce mardi 13 septembre. En effet, le Belge Melchior Wathelet, Premier avocat général à la CJUE et juriste émérite, a présenté ses conclusions au tribunal européen, allant dans le sens de l'annulation de l'arrêt du 10 décembre 2015, qui avait déclenché la réaction immédiate du Maroc, consistant à suspendre toutes les relations de Rabat avec l'UE. Que dit l'Avocat général dans ces conclusions ? Il développe un argumentaire en 6 points : 1/ Il relève « les erreurs de droit relatives à la capacité du Polisario d'ester en justice devant les juridictions de l'Union ». En clair, le Front n'a pas capacité à représenter les Sahraouis devant les instances européennes. 2/ Il constate « les erreurs de droit relatives à la qualité du Polisario ». En d'autres termes, qui est le Polisario et de quelle existence et nature juridiques peut-il se prévaloir ? 3/ Il souligne « l'erreur de droit relative au contrôle, par le Tribunal, du pouvoir d'appréciation dont jouit le Conseil dans le domaine des relations économiques extérieures ». Ce qui signifie, en clair, que la CJUE n'a pas pouvoir de contester les relations et accords contractés par la Commission de Bruxelles, dans le domaine économique, avec des pays tiers. 4/ Il rejette le fait que « le tribunal ait statué ultra petita », une expression juridique désignant le fait que le juge a accordé plus qu'il n'a été demandé, ce qui confirme l'argumentaire 3. 5/ Il met en évidence « les erreurs de droit relatives à l'application de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles », ce qui porte à penser que l'Avocat général récuse l'argumentaire consistant à imposer que les ressources en provenance du Sahara doivent être réaffectées aux populations du territoire, ce qui serait une ingérence flagrante dans la politique intérieure d'un pays tiers, le Maroc en l'occurrence. 6/ Il met, enfin, en cause, « l'erreur de doit relative à l'étendue de l'annulation de la décision litigieuse », à savoir l'exigence par le Tribunal de l'annulation de l'Accord agricole avec Rabat. Pour toutes ces raisons, l'Avocat général recommande : 1/ D'annuler l'arrêt de la CJUE du 10 décembre 2015, annulant lui-même le traité d'Accord de libre-échange contracté en 2012 entre Bruxelles et Rabat ; 2/ De rejeter le recours en annulation du Polisario, comme irrecevable, car non fondé. On retiendra de cet épisode la réaction vigoureuse de Rabat, qui avait décidé, en janvier, de suspendre toutes discussions et relations avec l'Union européenne, tant que l'arrêt de la CJUE n'aura pas été invalidé. Et on retiendra également le soutien dont avait bénéficié le Maroc de la part de plusieurs pays amis, comme la France, l'Espagne, la Belgique, et d'autres encore. Cette position de l'Avocat général de la CJUE, si elle se traduit dans l'arrêt définitif des juges, sera le deuxième succès diplomatique majeur de Rabat durant cette année 2016, après le bras de fer contre le Secrétaire général de l'ONU toujours pour la même raison, la souveraineté du Maroc sur le Sahara. L'offensive du royaume en direction de l'Union africaine renforce d'autant la position internationale de Rabat sur les différents - et nombreux - fronts extérieurs.