S'il est une vérité dominante dans le conflit du Sahara marocain, c'est bel et bien celle de la présence constante de l'Algérie. Quel que puisse être l'angle sous lequel on l'aborde, ce dossier nous renvoie au rôle qu'y joue depuis toujours le gouvernement algérien, à la place qu'il y occupe et aux responsabilités qu'il doit assumer devant l'Histoire. C'est une réalité triste et intangible que celle de voir l'Algérie contester au Maroc son irréversible légitimité sur son Sahara, alors que ce dernier avait tout entrepris, tout mobilisé pendant la guerre de libération algérienne de 1954 à 1962 , pour préserver son intégrité territoriale et son unité nationale. En accédant à l'Indépendance en 1956, le Maroc revendiquait avec force déjà la récupération de tous ses territoires, aussi bien à la France qu'à l'Espagne. Autrement dit, le parachèvement de son intégrité territoriale, par le retour des provinces du sud, le Sahara et les présides occupés par l'Espagne au nord. A l'époque, faut-il le rappeler, il n'existait ni Algérie, ni polisario ! L'adversaire du Maroc dans cette affaire de décolonisation était essentiellement le général Franco, dictateur de son état et irréductible adversaire de notre cause nationale. De toutes ses forces, il s'opposait au retour du Sahara à ce que la doctrine de l'ONU appelait son ayant-droit, le Maroc. A l'ONU, comme sur le terrain, l'Espagne était donc la puissance occupante et le Maroc, le pays qui revendiquait ses territoires spoliés depuis 1884, et qui avait déposé officiellement une requête en 1963 aux Nations unies pour les récupérer. La « guerre des sables » et l'esprit revanchard algérien Soit un an seulement après l'indépendance de l'Algérie et quelques mois avant que celle-ci ne provoquât une guerre contre le Maroc avec l'objectif de lui prendre encore et s'accaparer les villes de Tinjdoub, Hassi Beida voire Figuig. La « guerre des sables » n'était que le paravent décliné des ambitions expansionnistes du gouvernement algérien, présidé par Ahmed Ben Bella qui avait décidé d'enterrer brutalement les accords sur les frontières signés en juillet 1961 par Farhat Abbès, président du GPRA ( Gouvernement provisoire de la République algérienne) et le Roi Hassan II. La « guerre des sables » instituera un véritable complexe chez les dirigeants algériens et suscitera chez eux un incorrigible « devoir de revanche » qui, sous Boumediene notamment, prendra une dimension schizophrénique. Boumediene, maître en art de la duplicité, pactisa avec Franco pour empêcher le Maroc de récupérer son territoire, le « Sahara occidental » , leurs services de renseignements liguant leurs efforts pour créer en 1974 le polisario dans la perspective d'un référendum réclamé et préparé par le Caudillo... Intuitif et sentant le coup fourré, feu Hassan II réagit alors immédiatement et demanda l'arbitrage de la Cour internationale de Justice (CIJ). Le 15 octobre 1975, cette dernière rendit son verdit en soulignant les liens « historiques et juridiques des populations sahraouies » avec le Maroc. La face du problème du Sahara changea donc, la question étant alors du seul ressort du Maroc, que de l'Espagne, puissance coloniale enferrée dans son dilemme ou de l'Algérie qui se disait « puissance intéressée » au sort du territoire... A l'annonce et au déclenchement de la Marche verte le 6 novembre 1975, le président algérien Houari Boumediene ne pouvait nullement contenir sa rage ; il « convoqua » à Bechar le président mauritanien Mokhtar Ould Daddah sur lequel il mit la pression, qu'il menaça ouvertement, non sans proférer des insultes à l'endroit de feu Hassan II. Il avala cependant la couleuvre et comprit une fois pour toutes que le problème du Sahara était d'abord celui du peuple marocain. Lire aussi : SAHARA : PAS DE PANIQUE ! L'engagement solennel de Boumediene à soutenir le Sahara marocain Or, dans la foulée des événements successifs – et Dieu sait qu'ils étaient multiples et denses – , l'Algérie développa un discours, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il sacrifiait à la redoutable ambiguïté de la Realpolitik et du cynisme. « L'Algérie est intéressée par le règlement du problème du Sahara et de sa décolonisation », martelait Mohamed Bedjaoui, qui représentait son pays lors des délibérations de la Cour de La Haye (CIJ) pendant trois ou quatre mois ( entre juin et octobre 1975), et qui deviendra plus tard ministre des Affaires étrangères de Bouteflika. Son arrogance de grand juriste n'avait d'égale que sa haine antimarocaine. Une année auparavant , nous sommes en 1974 encore lorsqu'au Sommet de la Ligue arabe de Rabat, Boumediene, tout à sa prose ambivalente, déclara solennellement devant les chefs d'Etat réunis : « l'Algérie soutient de toutes ses forces la lutte du Maroc pour récupérer son Sahara, occupé par l'Espagne » ! Proclamation vertueuse, en effet, enregistrée dans les archives et les mémoires, mais qui corroborera tout simplement le cynisme que l'Algérie, depuis lors, hissera en politique d'Etat envers le Maroc et la communauté internationale. Car, au moment même où Boumediene annonçait à grands fracas de paroles fourvoyeuses son « soutien » au Maroc, ses services de renseignements, le fameux ancêtre du DRS ( SM : Sécurité militaire ) alors dirigé par l'impitoyable Kasdi Merbah, homme lige du président, boyscout hérité du boussoufisme cruel, fomentait en catimini la création du polisario en 1973 avec les services secrets du général Franco, soutenant le projet , à moyen terme, de contrecarrer les revendications du Maroc et de mettre en oeuvre l'organisation d'un référendum favorable aux séparatistes. Avec son assassinat en 1993, l'héritage répressif de l'Algérie des années soixante-dix sera non pas enterré mais gardé sous le coude... Le postulat d'un référendum faisait, bien entendu, la joie de Franco et de l'Algérie « socialiste » , impliquée déjà dans les basses œuvres, compromise à coup sûr –paradoxal ahurissement pour nous – avec le franquisme et le fascisme. Mais c'était sans compter avec la clairvoyance de feu S.M. Hassan II, ni avec sa volonté de briser le nœud gordien avec lequel les uns et les autres s'efforçaient d'enserrer notre pays. Quarante-trois ans plus tard, l'Algérie n'a pas changé d'un iota sa vision des choses, ni sa rhétorique emberlificoteuse , encore moins sa haine du Maroc...De simple « intéressée », elle est devenue « concernée » par le conflit du Sahara, ensuite littéralement impliquée et enfoncée jusqu'au cou : elle a crée le problème factice qui, à terme, anéantit les conditions et les chances d'un Maghreb uni et fédéré comme l'avaient souhaité les pères fondateurs, en 1958 et en 1987 ; elle a crée le polisario qu'elle défend mordicus et finance, qu'elle arme à tours de bras et dont elle se sert comme la paravent de sa politique étrangère, elle enferme derrières les miradors les sahraouis marocains, séquestrés depuis 43 ans, dont sa propagande meurtrière se sert sans état d'âme comme une devanture de son prétendu humanisme ; enfin – et ce n'est le moindre objectif – elle détruit les idéaux d'une jeunesse sacrifiée sur l'autel des intérêts sordides.