«Demain, tu franchiras la frontière. Demain, tu entameras la Marche, tu fouleras une terre qui est tienne. Demain, tu embrasseras un sol qui fait partie intégrante de ton pays» ! (Hassan II, discours du 16 octobre 1975). C'est en ces termes que le défunt Roi avait répondu à sa manière le 16 octobre 1975 à l'avis de la Cour internationale de justice (CIJ). Dans un discours célèbre, il prit donc acte du jugement prononcé par les juges de la Cour de La Haye sur le Sahara qui stipulaient que qu'après des mois de délibération à la demande du Maroc, «le Sahara occidental, dit espagnol, n'a jamais été une «terra nullius» (Une terre sans maître) lorsque l'Espagne décida de l'occuper...» ! «Qu'il existe des liens juridiques d'allégeance qui unissent les populations sahraouies et les Rois du Maroc..». Il ne fallait pas plus au Roi Hassan II qui un an auparavant, avait sollicité l'avis de la CIJ, pour en prendre acte et annoncer le lancement de la Marche verte pour le 6 novembre qui suivait. Le discours du 16 octobre, long et inédit dans sa méthodologie et son contenu, nous apprenait que le Roi avait envisagé la célèbre marche tout seul, en catimini, en se concertant avec un comité plus que restreint de personnalités dont SM Mohammed VI, alors Prince héritier qui était âgé de 12 ans seulement. L'organisation de la marche, la logistique, le rythme même du mouvement le plus populaire, la mobilisation de pas moins de 350.000 Marocains avaient été soigneusement tenus secrets. Le lendemain du discours annonciateur de la Marche verte, la presse nationale et internationale s'était livrée à une surenchère de «manchettes», les unes plus aguichantes que les autres, certaines – notamment en Espagne – soulignant le danger d'une confrontation maroco-espagnole plus que plausible. Entre le 16 mai, date du verdict de la CIJ et le 6 novembre suivant, il se passa vingt jours où les préparatifs de la Marche allèrent bon train, tandis que la diplomatie parallèle reprenait ses droits. Sur fond d'agonie du général Franco, Marocains et Espagnols avaient décidé de négocier directement, prenant de court et l'ONU et l'Algérie qui en concevait de l'aigreur. Car, en effet, le mérite de la Marche verte, entre autres, était de révéler la nature perfide et l'ambivalence d'un Houari Boumediène, président de la République algérienne qui a failli s'étrangler en apprenant le lancement de la Marche verte et qui n'hésita pas à menacer d'une guerre le président mauritanien, Mokhtar ould Daddah... Le 6 novembre s'approchant, alors que le Roi Hassan II avait déplacé son Etat-major de Marrakech à Agadir, une longue et laborieuse négociation commença à Madrid entre le Maroc, la Mauritanie et l'Espagne. Elle était conduite côté marocain par Ahmed Osman, Premier ministre, Ahmed Laraki, ministre des Affaires étrangères, du côté mauritanien par Hamdi ould Meknass, ministre des Affaires étrangères et du côté espagnol, par Pedro Cortino Mauri, ministre des Affaires étrangères également. Une partie de poker s'était engagée, ponctuée de navettes des responsables marocains entre Agadir et Madrid, à l'ombre de cette «statue de commandeur en agonie» qu'était le Caudillo, dont l'hostilité au Maroc et à son peuple ne se démentait jamais. Le 6 novembre fut déclenchée la Marche verte, le 9 novembre le Roi Hassan II ordonne aux marcheurs d'arrêter leur marche, le 20 novembre Franco rendit l'âme et entre temps, les négociations débouchèrent sur le fameux accord de Madrid, signé le 14 novembre qui mit fin à la colonisation du Sahara par l'Espagne et qui provoqua l'ire de Boumediène. La décision annoncée le 16 octobre 1975 - il y a donc 39 ans jour pour jour- d'organiser une Marche verte qui mobilisait 350.000 Marocains répondait à une analyse pertinente du Roi Hassan II qui, la mort dans l'âme, s'était résolu à l'hypocrisie algérienne et au double jeu de Boumediène. Ce dernier n'affirmait-il pas quelques mois auparavant que «l'Algérie n'était pas partie prenante dans l'affaire du Sahara» ! Et qu'elle soutiendrait le Maroc dans sa lutte pour la récupération de son territoire sous domination espagnole. Mais c'était se méprendre sur le cynisme algérien qui héritait en fait l'expansionnisme français...