Le 10 octobre 2004 a marqué d'une pierre blanche une page indélébile de l'histoire juridique marocaine avec l'adoption de la loi n° 70.03, érigeant fièrement le Code de la famille, un rempart législatif pour une société aspirant à l'équité et à la modernité. Cependant, les dix-neuf années écoulées depuis ont vu s'estomper l'enthousiasme initial, cédant la place à une évaluation minutieuse, parfois sceptique, des fruits que porta ce texte avant-gardiste. Dans ce carrefour de pensées et d'analyse, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, percevant les enjeux avec une acuité visionnaire et une clairvoyance qui lui sont propres, a appelé à une révision audacieuse de la Moudawana le 30 juillet 2022. Son objectif est d'affiner ce Code pour consolider les droits et libertés des citoyens, en plaçant justice et équité au centre. Cependant, ce paysage législatif semble encore immuable, et le Souverain a promptement sonné le rappel, posant un ultimatum de six mois au Chef de gouvernement. Avec lucidité, il a mis en lumière les écueils socio-juridiques et culturels qui ont, jusque-là, freiné l'élan réformateur. Car, il faut le reconnaître, les avancées, malgré leur éclat progressiste, heurtent les remparts de traditions tenaces et de pratiques socioculturelles résistantes, engendrant des résistances et des incompréhensions. Or le nœud gordien ici est clair : pour que la Moudawana déploie ses ailes pleinement, une campagne nationale énergique de communication, de sensibilisation et d'éducation est impérative. Les citoyennes, premières destinataires de ces réformes, doivent être armées de connaissances et de conscience claires de leurs droits, faute de quoi ces derniers resteront des lettres mortes. Un déploiement pédagogique massif est donc de mise, visant à faciliter l'assimilation du texte par le grand public. Une telle démarche dissipera les malentendus, favorisant une adhésion profonde et éclairée aux principes et dispositions du code. LIRE AUSSI : Le Maroc dans le viseur des médias français : Manœuvre délibérée? Toutefois, la bataille ne s'arrête pas là. Au-delà de l'éducation et de la communication, l'effectivité du Code de la famille est tributaire des ressources – humaines et matérielles – mises à sa disposition. Face à des moyens insuffisants, les tribunaux de famille peinent à mettre en musique les nouvelles dispositions, rendant le processus d'implémentation titanesque. Tout bilan en ce moment charnière doit donc scruter avec équilibre les avancées réalisées et les défis encore à relever. La Moudawana, pierre angulaire de la justice familiale au Maroc, nécessite une vigilance et un investissement soutenus pour fructifier pleinement. Le récent appel Royal offre une opportunité inestimable de renforcer les acquis et de tracer la voie vers une société plus équitable. Aujourd'hui, le moment est propice à une réflexion approfondie et un dialogue inclusif sur les enjeux de la Moudawana. Avec une attention minutieuse portée à la révision et l'ajustement du texte, la Moudawana peut gagner son éclat, répondant ainsi à la dynamique socio-économique actuelle, aux engagements internationaux du Maroc et à l'esprit progressiste de la Constitution de 2011. La route est tortueuse, mais l'engagement collectif et déterminé permettra l'émergence d'un Maroc diversifié et égalitaire. La Moudawana, entre vision Royale et inertie gouvernementale L'appel du trône est clair, précis, et empreint d'une lucidité indiscutable : il est temps de repenser la Moudawana, ce Code de la Famille qui a jadis posé les jalons d'une révolution sociale, mais qui aujourd'hui apparaît, à bien des égards, déphasé et déconnecté des réalités et aspirations contemporaines du peuple marocain. Dans ce contexte, deux courants de pensée s'affrontent. D'un côté, un courant traditionaliste, rigide, sacralisant des pratiques d'un autre âge, comme le Taasib, au nom d'une fidélité inébranlable à une interprétation figée des textes sacrés. De l'autre, une vision alternative, audacieuse et lumineuse, propose une lecture renouvelée des textes, en adéquation avec les impératifs de justice, d'équité et de dignité humaine. Et alors que l'horloge tourne, certains aspects du Code nécessitent une mise à jour, voire une refonte. L'écho des préoccupations grandit : la gestion des biens matrimoniaux, la médiation familiale, les mécanismes de fixation des pensions alimentaires, ou encore l'utilisation des tests ADN. Les demandes pour des ajustements législatifs se multiplient et la quête de modernité et d'équité ne cesse de s'amplifier. Ces appels à la réforme reflètent les aspirations à une modernité et une équité renouvelées dans la société marocaine. LIRE AUSSI : Omar Hilale : Ode au défenseur inébranlable du Maroc à l'ONU Aussi le récent appel solennel de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à réviser la Moudawana met-il en lumière l'urgence de ces réformes. Avec un ultimatum de six mois lancé au gouvernement, le Roi espère accélérer la transformation du Code de la Famille. Cependant, si l'appel royal vibrant de 2022 avait trouvé peu d'écho au sein du gouvernement et des institutions concernées, on aurait pris de l'avance aujourd'hui. Les défis actuels de la Moudawana sont vastes et cruciaux. Les droits post-divorce, l'équilibre parental, la gestion des biens acquis durant le mariage, et autres enjeux similaires nécessitent une attention et une réflexion minutieuses pour des ajustements législatifs cruciaux. Des efforts renouvelés sont nécessaires pour répondre aux besoins actuels et futurs de la société marocaine, tout en respectant et mettant en œuvre la vision progressive et inclusive du Souverain. De plus, une attention toute particulière doit être accordée à la médiation familiale, envisagée comme une alternative viable à la conciliation judiciaire, facilitant ainsi la résolution des conflits familiaux. Un travail d'inclusion et de consultation est essentiel, impliquant une multitude d'acteurs – sociaux, juridiques, professionnels, et même la diaspora marocaine. D'autant plus que cela nécessite la constitution d'une assemblée d'Oulémas intègres et éclairés, capables de construire un cadre normatif qui, tout en respectant les valeurs musulmanes, se déleste des poids de l'inégalité et du patriarcat. La mission est ardue mais impérieuse, car une large frange de la société marocaine demeure attachée, parfois avec une sincérité désarmante, à des lectures des textes sacrés qui perpétuent des relations sociales injustes et discriminatoires, surtout envers les femmes. La nécessité d'une éducation et d'une sensibilisation massive s'impose donc, pour éclairer, orienter, et éventuellement réorienter les consciences. Face à ces impératifs, le débat sur la réforme ne peut être confiné aux seuls cercles académiques ou politiques. Il s'agit d'un débat national, inclusif, englobant toutes les strates de la société marocaine. Des questions sensibles, telles que le mariage des mineurs, la garde des enfants post-divorce, ou le statut des mères célibataires, méritent une attention particulière et une approche humaniste. Par ailleurs, Le Maroc est à l'aube d'une ère nouvelle, où justice, équité, et dignité ne sont pas simplement des idéaux, mais doivent devenir des réalités vécues, palpables, incarnées dans le quotidien de chaque citoyen et citoyenne. Chaque aspect, du statut des mères célibataires aux protections patrimoniales pour les femmes, mérite une analyse attentive. Seul un dialogue constructif et inclusif permettra d'aboutir à des solutions qui reflètent fidèlement les réalités et les aspirations du peuple marocain. Le temps presse, et l'appel à la réflexion et à la réforme est plus urgent que jamais. Dans ce contexte, il est impératif pour le chef de gouvernement de répondre avec engagement et détermination à cet appel, car c'est à ce prix que le Maroc pourra embrasser un futur de justice et d'égalité pour tous.