Mme Yasmina Baddou, secrétaire d'Etat chargée de la Famille, de la Solidarité et de l'Action Sociale se dit confiante quant à l'aboutissement de la réforme de la Moudawana. ALM : En tant que femme et députée, que pensez-vous de l'évolution de la réforme du statut de la femme dans notre pays ? Yasmina Baddou : J'ai beaucoup d'espoir dans l'aboutissement rapide de cette réforme tant attendue. Pour moi c'est comme une sorte de mise à niveau, aussi nécessare qu'incontournable. Et je pense que la révision se fera dans les meilleurs termes, car le texte de la Moudawana ne remplit plus son rôle. La femme et par conséquent la famille, ne sont plus protégées. Quand la femme reste dépourvue de ses droits, le résultat inévitable c'est l'exclusion, les enfants des rues, les mères célibataires et ainsi de suite. Je considère que l'on ne peut plus se permettre de continuer avec ce code. D'ailleurs c'est le même avis chez la majorité des Marocains toutes tendances confondues. Alors pourquoi cette réforme reste bloquée à votre avis ? Est-ce à cause de la prédominance du courant conservateur aux dépens de la modernité ? Il ne s'agit pas de cela. Je pense qu'il n'y a pas de blocage dans le vrai sens du terme. C'est juste une question de temps. Je conçois en revanche qu'il existe un peu de retard et que la réforme a un peu traîné, mais s'il existe des obstacles, ils sont de nature technique. Il faut reconnaître que ce n'est pas une tâche aussi simple qu'elle en a l'air. Car le code attendu doit impérativement être amélioré et adapté à l'évolution que connaît le Maroc dans d'autres domaines similaires. Il serait inconcevable de voir l'émancipation de la femme dans plusieurs secteurs de la vie alors qu'elle demeure dépendante de certains textes archaïques. La protection de la femme est une nécessité qui relève du respect des droits de l'homme. D'un autre côté la femme est la plus touchée par l'analphabétisme, la misère et l'expulsion. Je me demande comment on pourrait lutter efficacement contre la pauvreté si l'on continue à en fabriquer en permettant la répudiation des femmes avec des enfants. La polémique engendrée par la question de la réforme laisse à croire que le concept de la modernité va à l'encontre de la religion. Qu'en pensez-vous ? Je ne suis pas d'accord avec ce raisonnement pour la simple raison que dans le cas de la réforme de la Moudawana il ne s'agit pas de modernité mais d'injustice. Je réitère que la réforme de la Moudawana s'impose plus que jamais. Je vous rappelle que Feu Allal El Fassi avait recommandé dans l'un de ses ouvrages, publié dans les années 40 «Annaqd Dati» (autocritique) l'abolition de la polygamie. Il l'avait considérée comme une atteinte aux principes de l'Islam. La femme a besoin de protection car il en va du devenir de la famille et de la société en général dans le but de lui permettre de jouir de tous ses droits (égalité de l'emploi et du salaire) et de lutter contre la violence, dont elle est victime. On ne peut pas dissocier la condition féminine de la famille, puisque la femme est au cœur de la problématique familiale. Maître M'hamed Boucetta est sur le point de présenter le rapport de la commission chargée de la réforme de la Moudawana. Comment évaluez-vous cette perspective ? Je ne peux pas encore me prononcer sur le travail effectué par Me Boucetta à la tête de ladite commission. Mais ce que je sais de l'homme c'est qu'il est très ouvert et doté d'un grand sens de la justice et des droits. Sa présence aura inévitablement un impact très positif sur la réforme attendue. Et dans le cas très improbable où il y aurait des récalcitrants au sein des membres de la commission, je suis persuadée que Me Boucetta dispose d'une rare capacité de convaincre, comme il a la capacité d'imposer l'avis de la majorité dans le cadre de la réforme de la Moudawana.