Il y a quelques jours le Président de la République, Emmanuel Macron, demandait aux Français de lui accorder une large majorité à l'Assemblée nationale pour pouvoir mettre en œuvre sa politique et ses promesses de la campagne présidentielle. Les résultats viennent de tomber, et les Français ont désavoué massivement Emanuel Macron et sa politique des cinq dernières années après lui avoir renouvelé leur confiance lors de l'élection présidentielle d'avril 2022. Avec 234 sièges, selon IPSOS, l'alliance présidentielle est loin de la majorité requise. On hésite même de parler de majorité relative tant les 289 sièges visés sont trop loin de portée du groupe « Ensemble ». La Nupes, de Jean-Luc Mélenchon, n'a pas réussi non plus à atteindre la majorité susceptible de lui ouvrir les ports de Matignon. Avec 141 sièges, l'Alliance de Gauche portée par le leader de la France Insoumise fait une entrée fracassante à l'Assemblée. En revanche, la grosse surprise vient du Rassemblement National ( RN) qui signe une percée historique. Marine Le Pen revient en force au Palais Bourbon avec pas moins de 90 députés. La droite Républicaine, humiliée après la défaite de sa candidate à la présidentielle, Valérie Pecress, dès le premier tour, sauve l'essentiel, elle peut compter sur un groupe puissant de 79 députés. Le moins que l'on puisse dire, est qu'Emanuel Macron connait là un échec cinglant. Lui qui avait pour objectif avoué depuis 2017 d'affaiblir l'extrême droite, il a plutôt utilisé les extrêmes pour se maintenir au pouvoir. Résultat, le Rassemblement National est le premier parti d'opposition à l'Assemblée nationale. Marine Le Pen a réussi à traduire les 42% du second tour de la présidentielle, de la manière la plus efficace, en sièges à l'Assemblée. Le RN peut désormais constituer un groupe parlementaire avec les avantages non négligeables. Le parti de Marine Le Pen s'assure désormais des finances plus importantes, un temps de parole, la possibilité de saisine du Conseil Constitutionnel pour abroger une loi, la possibilité déposer une motion de censure sans avoir besoin du soutien d'un autre groupe. Le Groupe RN peut aussi obtenir la présidence de la commission des finances réservée traditionnellement au premier groupe d'opposition. Après avoir élu confortablement Emmanuel Macron pour un nouveau quinquennat le 24 avril 2022, les Français ont décidé de le priver de la majorité absolue, une première sous la cinquième république. Le président n'a pas réussi à transformer la victoire présidentielle en une majorité lui permettant de mettre en œuvre sa politique. Deux raisons à cet échec, d'abord l'abstention qui empoisonne tous les scrutins y compris la présidentielle, mais à moindre mal. Les élections législatives sont les plus impactées. Dans ce régime hyper présidentiel, les Français boudent les urnes dès lors qu'ils ont élu le président. Ils considèrent que la représentation nationale ne joue pas pleinement son rôle et que les députés sont des sacrés godillots. La seconde raison, la majorité n'a pas réussi à mettre en valeur le projet présidentiel, dans une campagne tiède et sans saveur. Connue pour ne pas être une vraie politique mais plutôt une technicienne, la première ministre Elisabeth Borne n'a pas su porter le costume de chef de la majorité. Quant au Président lui-même, sa stratégie qui consiste à se mettre au-dessus de la mêlée n'a pas réussi, contrairement à la présidentielle, l'effet guerre en Ukraine n'opérant plus. Il fallait aussi prendre en compte la « menace » Jean-Luc Mélenchon. Le chef naturel de la Nupes a réussi (au dire de tous les spécialistes) une campagne dynamique, structurée autour de sa candidature au poste du Premier ministre. Il a donné de l'espoir à l'électorat de gauche, et au-delà, avec des propositions allant du SMIC à 1500 euros, la retraite à 60 ans et une dose d'écologie à la hauteur des enjeux. Jean-Luc Mélenchon a gagné la bataille médiatique, a occupé le terrain et n'a laissé aucun répit au Président de la République, jusqu'à lui reprocher son déplacement en Ukraine à quelques jours du second tour. Le président, acculé et sentant le danger Nupes, a essayé de reprendre la main en fustigeant le programme de l'alliance de gauche, non chiffré et électoraliste, selon Emanuel Macron. Il s'est surtout appliqué à dénoncer le « danger » Nupes pour la République en mettant la Nupes et le Rassemblement National dos à dos. Stratégie non payante puisque les deux partis visés sont au plus haut niveau. La France est-elle encore gouvernable ? Sans majorité absolue, le Président doit trouver des stratagèmes pour composer et gouverner avec une majorité relative. Il a à sa disposition quelques outils prévus par la constitution. Le premier est le recours au 49.3, qui prévoit que « le Premier ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ». Dans ce cas, le projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent est votée. L'utilisation du 49.3 a été restreinte à la limite d'un projet par cession. D'autres outils sont prévus par la constitution, mais le président devra se tourner vers l'élargissement de sa majorité et sa consolidation par l'alliance avec d'autres formations politiques. Il devra mettre en place une majorité d'action. Cette position peut imposer à l'exécutif la mise en œuvre d'une coalition gouvernementale et faire entrer des personnalités en dehors du parti présidentiel « Ensemble » au gouvernement. Dans le paysage actuel seul LR coche toutes les cases. Les LR sont divisés à ce sujet, une partie estime naturelle une alliance avec le Président. L'autre partie, la plus majoritaire, rejette toute alliance avec Emanuel Macron et annonce rester dans l'opposition. Elle avance le risque de disparition totale en cas de rapprochement avec la majorité. Le président peut aussi opter pour des discussions au cas par cas, trouver au sein de l'Assemblée nationale une majorité pour chaque loi et pour chaque texte, d'où beaucoup de concessions et un dialogue permanent et des compromis. Quelque soit la solution choisie par le président, cette législature s'annonce compliquée pour lui et pour son gouvernement. Une autre méthode de gouverner devra être mise à l'épreuve. Alors qu'en 2017, LAREM a obtenu la majorité absolue mettant le président hors de toute pression même de ses partenaires, les résultats de ce dimanche devront pousser les Modem, Horizons, Agir, Territoires de progrès, En Commun et le Parti Radical à prétendre à une représentativité gouvernementale plus équitable. Elisabeth Borne a sauvé son poste de Première ministre, elle a été élue dans le Calvados, reste qu'elle le chef de la majorité et ce soir elle a une part de responsabilité dans cette déroute. Enfin, la constitution donne la possibilité au président de dissoudre l'Assemblée, mais pas avant un an, pourra-t-il tenir le cap d'ici là ? Dès lundi, le Président de la République doit s'atteler à trouver les solutions pour assurer une majorité nécessaire pour gouverner. Le second tour des législatives met fin à un processus électoral qui a débuté depuis très longtemps, et qui aura manqué cruellement de débat. Le peuple français est un peuple politique qui privilégie le débat et qui a tendance à mettre tous les sujets sur la place publique avant toute prise de décision. Ce débat n'a pas eu lieu pendant ces législatives et c'est ce qui explique la « fatigue démocratique » que le pays connait depuis quelques décennies, 54% d'abstention. Les détracteurs d'Emanuel Macron mettent à son débit la situation politique actuelle. Ce débat aura-t-il lieu dans l'hémicycle ou dans la rue ? Les décisions politiques à venir du Président de la République en donneront des indications.