Elections législatives françaises Des macronistes en force, une gauche réunie, le RN à l'offensive: à un mois du premier tour des législatives, les écuries politiques sont en place pour tenter de décrocher le Graal de la majorité ou, à défaut, un rôle de premier opposant sur les bancs du Palais Bourbon. Après des semaines de tractations parfois houleuses, les trois blocs ont aligné leurs candidats – vieux routiers ou néophytes – sur la plupart des 577 circonscriptions en jeu les 12 et 19 juin. Pas moins de 19 membres du gouvernement sortant – dont Gérald Darmanin (Intérieur), Elisabeth Borne (Travail) ou Jean-Michel Blanquer (Education) – tentent leur chance. « Ne vous laissez pas intimider (…) battez-vous! », a lancé Emmanuel Macron à ses troupes mardi. Jean-Luc Mélenchon, figure de proue de la gauche réunie dans la Nupes (Nouvelle union populaire, écologique et sociale), se verrait bien en Premier ministre de cohabitation. Mais il ne devrait pas briguer de mandat lui-même. Marine Le Pen, à nouveau candidate dans le Pas-de-Calais et forte d'un score inédit pour l'extrême droite au second tour de la présidentielle (41,5%), souhaite un groupe parlementaire le plus étoffé possible, mais sans se risquer à un pronostic chiffré. Reconquête! d'Eric Zemmour présentera des candidats presque partout, le RN ayant refusé de faire alliance. L'autre ex-candidat d'extrême droite à la présidentielle maintient le suspense sur sa propre participation. Les candidats de la Nupes recueilleraient au premier tour 28% des voix, contre 27% pour ceux du camp présidentiel, 22% pour ceux du RN et 11% pour les LR et leurs alliés UDI et centristes, selon un sondage Ifop Fiducial pour LCI. Mais après la réélection confortable d'Emmanuel Macron (58,5%), nombre d'analystes et même d'opposants s'attendent à ce qu'il conserve une majorité à l'Assemblée nationale autour de la troïka En Marche, MoDem, Horizons. Mode de scrutin majoritaire à deux tours aidant, le camp macroniste raflerait au final entre 310 et 350 sièges, contre 135 à 165 pour la Nupes, et 20 à 40 pour le RN, selon une projection de l'institut Opinionway. « Il n'y a pas de troisième tour de l'élection présidentielle », a insisté le chef de l'Etat mardi. Le porte-parole du PS Pierre Jouvet accuse Emmanuel Macron de vouloir « enjamber » ce nouveau scrutin pour n'avoir à parler ni de son bilan, ni de ses projets, notamment la retraite à 65 ans. Mais Marine Le Pen elle-même concède que « la logique des institutions veut que le président de la République ait une majorité ». « Tous ceux qui racontent autre chose racontent des fables », persifle-t-elle en direction de Jean-Luc Mélenchon et ses espoirs d'entrer à Matignon. « La vraie question », selon elle, « c'est quelle opposition » aura le chef de l'Etat face à lui. En clair, contester aux Insoumis et leurs alliés la place de premiers opposants de France. Depuis l'avènement du quinquennat en 2002, les législatives « ont perdu leur autonomie et sont très fortement indexées sur le résultat de la présidentielle », souligne Frédéric Dabi, de l'Ifop. Mais plusieurs facteurs créent des incertitudes: ampleur de l'abstention, longue durée de la campagne – presque deux mois entre la fin de la présidentielle et le premier tour des législatives -, chef de l'Etat réélu pour la première fois hors cohabitation… « Est-ce que les Français vont vouloir équilibrer, compenser leur vote? » questionne M. Dabi. Denys Pouillard, de l'Observatoire de la vie politique et parlementaire, estime aussi « que l'on va vers une majorité » reconduite pour le président de la République. « Mais le dosage reste une question » au sein d'une majorité macroniste qui va d'une aile gauche à des transfuges de la droite classique, ajoute-t-il. Incertitudes à gauche aussi, où l'électorat de tradition social-démocrate, « qui ne veut pas entendre parler du programme de M. Mélenchon, pourrait bien aller vers la République en marche », ajoute-t-il. Sans compter des candidatures « dissidentes » à gauche, qui pourraient faire trébucher des candidats de la Nupes. A droite, LR, sonné par la débâcle de Valérie Pécresse à la présidentielle (4,78%), compte sur son solide réseau d'élus territoriaux. Et espère ramener au bercail sa frange la plus conservatrice séduite par l'extrême droite, mais aussi enrayer les départs d'élus vers le camp présidentiel.