Au lendemain du premier tour des élections législatives, le ministre de l'Intérieur a rendu publiques les résultats définitifs, lundi 13 juin . Contrairement à ce qui a circulé toute la soirée du dimanche 12 juin, c'est finalement la Nupes qui sort en tête de ce scrutin avec 26.11% des voix, un peu plus que la coalition présidentielle Ensemble qui totalise 25.88%. Le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen fait mieux, nettement mieux, qu'en 2017 avec 18.68%, suivent en quatrième position LR-UDI-DVD avec 11.30% et en cinquième Reconquête avec 4.2%. Quelle donne nouvelle surgit-elle après ce scrutin qui met au coude à coude les trois forces gagnantes du champ politique ? Ces législatives ont été marquées par une abstention record de l'ordre de 52.49%, plus haut taux pour un premier tour. Les Français continuent à bouder les urnes et la tendance est confirmée élection après élection. Ce record peut s'expliquer par une défiance envers l'Establishment. Les Français ne font plus confiance aux hommes politiques pour régler leurs problèmes liés au chômage et au pouvoir d'achat. Les électeurs considèrent souvent que les vraies décisions ne se prennent plus au Palais Bourbon mais à Bruxelles, au sein du Parlement européen et surtout au cœur de la Commission européenne. La multiplication des partis est un facteur qui ne consolide pas la démocratie, bien au contraire, cette multiplication dégrade le rapport citoyen/responsable politique. Il est loin le temps d'un paysage politique clair et facilement lisible avec ses codes et ses tendances, des partis traditionnels de gauche, de droite, du centre et de l'extrême droite. L'électeur avait une lecture très facile des programmes, des projets et de la vision politique de chaque candidat. Il est loin le temps des députés-maires (avant la loi de non-cumul), des hommes et des femmes impliqués localement, proches du citoyen. Ils, elles recevaient les doléances du peuple et en faisaient écho dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. La France connait ce qu'on peut appeler une « fatigue démocratique ». Un Français sur deux a donc voté pour élire les 577 députés parmi 6 293 candidats issus de 20 partis différents, dont cinq candidats à l'élection présidentielle de 2022 : Marine Le Pen, Eric Zemmour, Fabien Roussel, Nicolas Dupont-Aignan et Nathalie Arthaud. Seules la Nupes et la coalition présidentielle avaient un objectif politique, celui d'élire un maximum de députés et obtenir la majorité absolue. Pour la Nupes, le but était de réaliser le « rêve » de Jean-Luc Mélenchon et l'installer à Matignon pour une autre politique plus sociale et plus écologique. Pour le groupe Ensemble, le projet est de permettre au président d'appliquer son programme avec une assemblée aux couleurs de la majorité sortante. Quant à Marine Le Pen, ses prétentions étaient plus modestes. Son but, permettre au Rassemblement National de former un groupe parlementaire en élisant au minimum 15 députés ce qui est synonyme de financement plus importants et de temps de parole. L'objectif est certainement atteint, la patronne de l'extrême droite peut tirer sa révérence la tête haute en confiant un parti fort et moins endetté à Jordan Bardella, l'actuel président par intérim. Les autres partis se sont engagés dans cette bataille pour assurer la survie financière de leur mouvement. En réalisant 1% des voix dans au moins 50 circonscriptions, ils touchent des subventions de l'état. C'est le cas de Reconquête d'Eric Zemmour. Un coude à coude pour rien ? Bien que la Nupes devance Ensemble de quelques milliers de voix, il est probable, selon les projections des institutions de sondage que la coalition de gauche obtienne moins de sièges à l'Assemblée nationale que celle du président Macron. Selon les mêmes projections, Ensemble obtiendrait de 255 à 295 contre 150 à 190 sièges pour la Nupes. Ceci s'explique par la particularité des élections législatives en France. En effet, il s'agit de 577 élections différentes au scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Tous les partis ont le droit de présenter un candidat au premier tour, mais ne sont retenus que ceux qui ont obtenu 12.5% des voix des inscrits. Ce qui donne lieu, au second tour, à des duels, des triangulaires et parfois des quadrangulaires. La mobilisation et surtout le report des voix sont les clés pour chaque candidat. Lors de la soirée électorale du dimanche, la Première ministre a mis dos à dos le Rassemblement National et la Nupes appelant à demi-mot à un Front Républicain. Rappelons que sous la cinquième République, le terme « front républicain » désigne le rassemblement, lors d'une élection, de partis politiques de droite et de gauche contre le Front National (devenu le Rassemblement National) considéré par ceux-ci comme parti d'opposition au régime républicain. Elisabeth Borne s'est ravisée en déclarant « pas une voix pour l'extrême droite ». Un perdant et deux gagnants La grande gagnante de ces élections est certainement Marine Le Pen. L'ex-candidate à l'élection présidentielle fait mieux que 2017. Elle a presque assuré un groupe parlementaire d'extrême droite pour la deuxième fois seulement dans l'histoire de la cinquième république. Pour Jean-Luc Mélenchon le verre est à moitié vide. A défaut de Matignon, le leader de la France Insoumise va envoyer une déferlante de députés de gauche à l'Assemblée nationale, avec à la clé la présidence de certaines commissions, le droit à la saisine du Conseil constitutionnel pour contester des lois et la magne financière non négligeable. Le perdant, est sans aucun doute le Président de la République. Son parti connait un recul par rapport à 2017. Et le camp du président n'est pas certain de décrocher une majorité absolue à l'Assemblée nationale à l'issue du second tour. Ce qui devait être une formalité pour Emmanuel Macron se transforme en une difficulté presque insurmontable. La majorité sortante a fait une campagne à demi-teinte laissant le champ libre à Jean-Luc Mélenchon et ses partenaires de gauche. Il reste une semaine pour convaincre, et dès le lendemain du premier tour, le Président de la République, sa Première ministre et les responsables d'Ensemble ont pris leur bâton de pèlerin pour sillonner la campagne et prêcher la bonne parole. Si Emmanuel Macron échoue dans sa quête d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale, pour pouvoir gouverner librement et faire passer ses réformes, il serait contraint de négocier des alliances. La question : Avec qui ? Dimanche 19 juin nous révélera ainsi la nouvelle configuration et déclinera le visage de la France à venir.