La tension dans la zone tampon de Guerguerate montre « la grande fébrilité de l'Algérie », excédée par les succès diplomatiques marocains dans le dossier du Sahara, affirme Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), un Think tank spécialisé dans les questions de défense, géopolitique, géoéconomie et géostratégie. Pourquoi le blocage de Guerguerate, par le « polisario », a lieu maintenant ? C'est premièrement parce que le Conseil de sécurité vient d'adopter une résolution (2548), qui est une reconnaissance de la part de l'ONU de la proposition d'autonomie avancée proposée par le Maroc, souligne l'expert français dans une analyse recueillie, vendredi, par la MAP. Ces développements se produisent, aussi, concomitamment avec le renouvellement du mandat de la Minurso, lequel conforte l'idée selon laquelle la gestion de ce dossier est maintenant bicéphale avec une forte mobilisation onusienne à l'aune de l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle administration américaine et du Président Joe Biden qui a toujours été sur les mêmes longueurs d'onde que le Maroc. « De ce point de vue là, il y a eu une sorte d'accélération par rapport à cet agenda international », souligne Emmanuel Dupuy. Deuxième réalité de cette bicéphalie, poursuit le président de l'IPSE, est « la prise en compte, maintenant réelle, depuis le Sommet de Nouakchott en 2018, du dessaisissement du conseil Paix et sécurité de l'Union africaine du dossier du Sahara, où ce n'est plus le commissaire paix et sécurité qui est chargé de ce dossier et qui, accessoirement, a toujours été un Algérien comme tout le monde le sait, mais qui, vraisemblablement, ne le sera plus dans le renouvellement de la commission ». L'expert français a dans ce contexte pointé la responsabilité de l'Algérie dans cette escalade sans précédent. « En attisant la situation, l'Algérie, en crise institutionnelle interne, cherche une échappatoire », a-t-il affirmé. Pour lui, « les militaires algériens ne savent pas ce qu'il va advenir dans les semaines à venir. Du coup, ils créent des échappatoires ». A cela, s'ajoute « une situation économique qui fait que la stratégie de la tension est un puissant palliatif. Cela a été le cas en 2004. Et ce l'est de nouveau aujourd'hui, avec cette stratégie de la tension avec son voisinage pas seulement son voisinage marocain, mais aussi son voisinage tunisien (Alger reprochant à Tunis de mal gérer la question du terrorisme (…) et libyen où l'Algérie n'est pas contente d'avoir été distanciée sur le dossier de règlement de la crise libyenne (rencontres de Bouznika, accord de Skhirat ou encore forum du dialogue actuellement à Tunis). Et puis dernièrement la pression sur le Mali où la transition est regardée avec beaucoup d'attention (...) ». Tout cela, « avec en ligne de mire, des relations qui ne se sont pas améliorées avec la France : la récente visite du chef de la diplomatie française Jean Yves Le Drian et du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, n'a pas montré des signes encourageants d'une convergence de vues sur nombre de dossiers (migratoire, lutte contre le terrorisme ou encore coopération en matière de sécurité). Des agendas sur lesquels les deux parties ne sont pas du tout d'accord », relève le président de l'IPSE. Et de souligner dans ce contexte, que le blocage à Guerguerate est la suite logique. « Ce blocage est aussi une volonté de l'Algérie, excédée par les succès diplomatiques du Maroc (ouverture de consulats à Laayoune et Dakhla, fort positionnement au sein de l'UA..), de couper le Maroc de sa profondeur africaine et de nuire à ses intérêts économiques ».