Les opérations de prise d'otages, érigées en "business plan" par Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), ont généré des flux de liquidités qui ont permis à ce groupuscule de se payer les services de mercenaires du polisario dans le but d'assurer la réussite à leurs opérations dans la région sahélo-saharienne. -Fouad ARIF- Des experts et des médias américains, de CBS News à Fox News en passant par l'Associated Press, n'ont pas manqué de relever dernièrement qu'"un ancien haut responsable" du polisario du nom de Omar Ould Sid Ahmed Hama, alias "Omar Sahraoui", avait rejoint les rangs d'AQMI et pris part à des opérations d'enlèvement de ressortissants occidentaux opérées dans le Sahel. Pour le premier vice-président du Comité national pour la politique américaine, Peter Pham, "le cas d'Ould Hama constitue une parfaite illustration des capacités grandissantes d'AQMI et de l'utilisation de ses nouvelles ressources financières pour recruter des mercenaires aguerris". "En faisant appel aux combattants mercenaires du polisario, qui sont généralement plus expérimentés que les recrues lambda d'Al-Qaida au Maghreb Islamique, ce groupuscule entend ainsi garantir un plus grand succès à ses opérations de prise d'otage, qui font désormais partie intégrante de sa stratégie dans la région", analyse cet expert américain, auteur de plusieurs articles et essais sur AQMI. Augmentation de 550 pc des actes terroristes d'AQMI depuis 2001 Ayant recensé les actes terroristes d'AQMI dans la région du Sahel, un rapport rendu public par le Centre international des études sur le terrorisme, qui relève de l'Institut de recherche US Potomac, indique que les attaques perpétrées par ce groupe ont connu une augmentation exponentielle de 550 pc depuis le 11 septembre 2001. Les actes d'assassinat et de prises d'otage, revenus au premier plan de l'actualité internationale avec la libération récente de ressortissants espagnols, et la revendication par AQMI de l'enlèvement de cinq Français, d'un Togolais et d'un Malgache travaillant au Niger pour le compte de la compagnie française Areva "démontrent que sans la mise en oeuvre de mesures antiterroristes effectives, la menace de ce groupe terroriste planera à terme sur les Etats Unis et les pays de l'Union européenne", prévient ce document. Ce même constat a été fait récemment par le coordinateur-adjoint de la lutte antiterroriste au Département d'Etat, Robert Godec, qui a affirmé qu'AQMI "pose la plus grande menace à la région du Maghreb et au Sahel et constitue une menace réelle et immédiate aux ressortissants américains et occidentaux". Le responsable US, qui s'exprimait lors d'une rencontre organisée par le think tank washingtonien, Center for Strategic International Studies (CSIS), a tenu à rappeler que ce groupe terroriste avait assassiné un travailleur humanitaire US, un otage britannique, des soldats de pays du Sahel et kidnappé des ressortissants européens. La jeunesse spoliée de Tindouf, proie facile pour les recruteurs d'AQMI Un ancien haut responsable au sein de l'agence anti-drogue US (DEA) tire, pour sa part, la sonnette d'alarme en affirmant que "la jeunesse spoliée de ses droits dans les camps de Tindouf, qui plus est dans des conditions de vie abjectes, et sans l'espoir d'un lendemain meilleur (...), constitue une proie facile pour les recruteurs d'AQMI". "Les organisations terroristes puissantes telle qu'Al-Qaeda au Maghreb Islamique passent pour des experts en matière de détection de personnes présentant de tels signes de vulnérabilités", a-t-il dit, notant qu'en l'occurrence les camps de Tindouf représentent "une mine d'or pour les recruteurs de groupes comme AQMI". Michael Braun a, d'autre part, soutenu qu'AQMI "n'est pas uniquement une organisation terroriste, mais également une puissante organisation criminelle". Ce groupe "est motivé par le goût du lucre que ce soit en Dollar ou en Euro", a-t-il indiqué. Pour cet expert en matière de lutte anti-drogue, "il n'y a aucun doute sur les liens et convergences d'intérêts entre AQMI et les forces armées révolutionnaires colombiennes, ainsi qu'avec les puissants cartels mexicains et colombiens". Il s'agit là "d'un mélange détonnant" de plusieurs menaces, a-t-il mis en garde, appelant "à ne pas les sous-estimer pour ne pas avoir à en payer l'ultime prix". Un article du "Los Angeles Times" souligne en effet qu'Al-Qaeda au Maghreb Islamique a étendu son contrôle sur le "trafic juteux" de cocaïne transitant par la région du Sahel, en vue de financer ses opérations contre des cibles occidentales. La publication, qui cite des enquêteurs occidentaux, relève qu'AQMI "s'autofinance aussi en offrant sa protection et en acheminant des cargaisons de drogues le long des routes de la contrebande" dans le vaste désert sahélien pour être écoulées en Espagne et en Italie. L'ONU "très préoccupée" par l'implication d'AQMI dans le trafic de cocaïne Le Directeur exécutif de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), M. Antonio Maria Costa, s'est dit, dans un entretien à la MAP, "très préoccupé" par l'implication d'AQMI dans le trafic de la cocaïne sud-américaine vers l'Europe."Nous sommes très préoccupés par le fait que nous disposons encore une fois de preuves attestant de la collusion entre le trafic de drogues et le terrorisme", avait souligné le responsable onusien, en marge de la présentation à Washington du rapport 2010 de l'ONUDC sur le trafic de drogues dans le monde. M. Antonio Maria Costa avait relevé, en outre, que "les routes du trafic de la cocaïne sud-américaine passe par des territoires sahéliens contrôlés, à des degrés différents, ou marqués par la présence de la franchise d'Al-Qaeda dans le Maghreb". Et de conclure que cette situation, qu'il a qualifiée de "très grave", on la retrouve également dans d'autres points chauds de la planète, notamment en Asie de l'ouest, dans les Andes et aux Balkans".