Le gouvernement britannique, qui a hérité d'un lourd déficit budgétaire, devra annoncer mardi un programme d'austérité, qualifié du "plus sévère depuis la deuxième guerre mondiale". - Par Abdelghani Aouifia - Le Premier ministre conservateur, David Cameron, et son ministre de l'Economie et des Finances, George Osborne, n'ont pas cessé depuis l'entrée en fonction de leur gouvernement au lendemain des élections législatives du 6 mai dernier, de marteler que le Royaume-Uni n'a de choix que d'embarquer dans un programme drastique de réduction des dépenses publiques pour sauver le pays d'une situation désastreuse. Ainsi, quelques jours après son investiture, le gouvernement de coalition conservateur/libéral-démocrate a dévoilé un plan visant à économiser 6,2 milliards de livres durant l'exercice financier en cours. Cette réduction répond à l'impératif d'agir d'urgence pour éviter que la situation n'échappe à tout contrôle, avait averti le Chancelier de l'Echiquier. Par ailleurs, un rapport publié la semaine dernière a fait ressortir une légère amélioration de la situation financière du Royaume-Uni, expliquant que l'Etat britannique a emprunté 16 milliards de livres Sterling durant le mois de mai contre 18 milliards prévus par l'ancien gouvernement travailliste. Le déficit budgétaire s'est installé l'année dernière aux alentours de 154,7 milliards de livres, soit près de 12 pc du Produit Intérieur (PIB) du pays, au moment où le montant global de la dette publique se chiffre à 903 milliards de livres (62,2 pc du PIB). Ce montant record montre la tache titanesque que la coalition au pouvoir doit assumer dans un contexte marqué par une croissance économique toujours timide. Le bureau de la responsabilité budgétaire (OBR), crée par David Cameron au lendemain de son accession au pouvoir, vient de revoir à la baisse les prévisions de croissance de l'économie britannique, tablant sur un taux de 1,3 pc en 2010, 2,6 en 2011 et une moyenne de 2,7 par an jusqu'en 2015. Selon la même source, le déficit budgétaire devrait atteindre 155 milliards de livres en 2010-2011, soit 10,5 pc du PIB et 8 milliards de moins que le niveau prévu par les travaillistes. Dans un tel contexte, les réductions prévues par le gouvernement Cameron s'avèrent hasardeuses, estiment les analystes, dont certains n'écartent pas la possibilité d'un éclatement de la coalition. L'opposition travailliste critique les mesures préconisées par le gouvernement, tout en accusant leurs rivaux conservateurs d'utiliser les libéraux-démocrates, leurs partenaires au sein du gouvernement de coalition, comme couverture pour faire passer des "plans peu populaires". Ces plans, qui seront dévoilés mardi par le Chancelier de l'Echiquier, comprennent outre d'importantes réductions des dépenses, des augmentations des taxes, dont la TVA éventuellement. Les analystes de la City, dont Vicky Redwood de la compagnie Capital Economics, estiment que l'endettement continuera d'augmenter ce qui acculera le gouvernement à prendre davantage de mesures pour réduire les dépenses publiques et la mise en place de nouvelles taxes. David Cameron avait dès ses premiers jours au 10 Downing Street signalé que la situation financière de son pays était alarmante, allant jusqu'à prévenir que le manque d'action pour juguler le déficit budgétaire risquait de pousser le Royaume-Uni à sombrer dans une crise similaire à celle qui frappe la Grèce. "La Grèce est l'exemple de ce qui arrive aux pays qui perdent leur crédibilité ou dont les gouvernements prétendent que les décisions difficiles peuvent êtres évitées d'une manière ou d'une autre", avait-il dit. Le locataire du Downing Street a admis que les mesures qui seront annoncées par son gouvernement pourraient entamer la confiance des électeurs. Le gouvernement, qui fera du secteur des services publics, fierté des Britanniques, la première cible des compressions budgétaires, devra sans doute faire face à un été chaud avec la perspective de confrontations avec les centrales syndicales, en particulier celles proches de l'opposition travailliste. Une série de grèves risque fort bien de secouer le Royaume-Uni, rappelant la situation difficile que le pays avait connu à la fin des années 1970, quand la Grande-Bretagne était qualifiée de "l'homme malade de l'Europe".