Au moment où les observateurs s'attendaient à un duel entre le Premier ministre travailliste sortant, Gordon Brown et son challenger conservateur, David Cameron, c'est l'outsider, Nick Clegg, chef du parti libéral-démocrate, qui a réussi à séduire les électeurs au terme du premier débat télévisé dans l'histoire du Royaume-Uni, diffusé jeudi soir. Par Abdelghani Aouifia Tel est le constat établi par un sondage réalisé par la chaine de télévision ITV, qui a diffusé cette première manche de trois séries. D'après l'étude, effectuée sur un échantillon de 4.000 votants, Clegg a pris le meilleur sur ses deux rivaux, recueillant le soutien de 43 pc des Britanniques, loin devant le conservateur David Cameron (26 pc) et Gordon Brown (20 pc). Tenant un discours simple et franc, le jeune chef des libéro-démocrates s'est gardé de faire "des promesses creuses", invitant les électeurs à essayer une nouvelle alternative aux deux grandes formations britanniques, les travaillistes et les conservateurs, "qui se sont succédés au pouvoir pendant 65 ans de promesses brisées et d'erreurs répétées". "Non aux anciennes politiques, oui à une nouvelle alternative", a lancé Clegg, lors de ce débat suivi par des millions de Britanniques. Clegg s'est démarqué des positions diamétralement opposées des travaillistes et des conservateurs sur les principales questions débattues dont le déficit budgétaire, l'immigration, la sécurité et la santé. Sur le registre de l'immigration, Brown a rappelé les efforts déployés par son gouvernement pour renforcer le contrôle des frontières à travers notamment la mise en place d'un système d'immigration par points. Ces mesures, a-t-il dit, ont permis de réduire les flux migratoires. De son coté, David Cameron a adopté une position plus rigide sur cette question, soulignant que son parti imposera, en cas de victoire lors des législatives du 6 mai prochain, un système de quotas pour les immigrés en-dehors de l'Union européenne. Or, Clegg s'est distingué, en soulignant le rôle important que jouent les immigrés au sein de l'économie britannique. Il a plaidé pour une nouvelle approche régionale, à l'instar d'autres pays comme le Canada, pour régler le problème à travers la distribution des immigrés dans les régions britanniques qui ont le plus besoin de leur contribution. Brown a, pour sa part, centré la défense du programme de son parti sur la gestion de la récession et l'intervention musclée que son gouvernement a opéré pour faire sortir le pays de sa sévère crise financière et économique. Réagissant d'une manière virulente à son challenger conservateur qui l'accusait d'être responsable du déficit budgétaire dans lequel s'est enfoncé le pays, Brown a souligné qu'une telle intervention était nécessaire eu égard à l'ampleur de la crise qui a menacé de faillite plusieurs des grandes banques de la place financière Londonienne, véritable locomotive de l'économie du Royaume-Uni. Le chef des travaillistes a mis en garde contre le retrait des plans de relance, sous un gouvernement conservateur, précisant que cela risquerait de replonger le pays dans la récession. Il a souligné que son parti poursuivra les efforts de renforcer la reprise économique, tout en soutenant les principaux secteurs publics, notamment ceux de la santé et de l'enseignement. Les arguments avancés par Brown n'ont pas eu l'écho souhaité auprès des électeurs, selon le sondage d'ITV, qui a démontré que seulement 28 pc des votants se sont dits convaincus par le programme labour contre 38 pc pour les conservateurs et les libéro-démocrates. Affichant une sérénité et une éloquence, qui a rappelé aux Britanniques leur ancien Premier ministre travailliste Tony Blair qui tenait en haleine son audience, Clegg a souligné que son parti, loin de verser dans un discours politicien, "offre une réelle alternative pour bâtir une société plus équitable et dotée d'un système fiscal plus juste, d'une éducation plus solide et d'un système politique plus transparent". Clegg a certes réussi, lors de cette première manche de 90 minutes, à damer le pion aux travaillistes et aux conservateurs, mais sa performance ne fera que renforcer l'incertitude qui s'empare toujours des Britanniques à l'approche du jour J. Tout porte à croire que le scrutin du 6 mai débouchera sur un parlement sans majorité, une situation qui forcera le vainqueur d'entrer dans une alliance avec d'autres formations pour pouvoir former un gouvernement de coalition. Handicapé par un mode de scrutin largement favorable aux travaillistes et aux conservateurs, le parti libéral-démocrate s'impose d'ores et déjà, au vu de la performance de son chef, comme un véritable "faiseur de rois". Mais Clegg veut faire mieux que les 20 pc dont son parti est toujours crédité dans les sondages, affirmant que sa formation "n'est pas un simple faiseur de rois" mais bel et bien un parti qui a son mot à dire dans le Royaume-Uni nouveau. Visiblement épaté par la performance du leader libéro-démocrate, Gordon Brown a, à maintes reprises, souligné la convergence de vues entre cette petite formation et le labour. Ces réactions pourraient renvoyer sur une éventuelle alliance entre les deux partis qui partagent des affinités idéologiques. Après cette première manche consacrée aux questions internes, les trois leaders devront s'affronter lors de deux nouveaux débats pour étayer leurs programmes économiques et de politique étrangère dans l'espoir de conquérir la confiance des électeurs.