La perspective d'un Parlement sans majorité absolue se renforçant, à onze jours des législatives britanniques du 6 mai, les libéraux-démocrates de Nick Clegg, faiseurs de roi potentiels, ont tenté dimanche de dicter leurs conditions au Labour de Gordon Brown comme aux Tories. Les derniers sondages publiés ce week-end donnent à l'opposition conservatrice entre 34% et 36% et aux libéraux-démocrates de 23% à 30%. Le Labour du Premier ministre Gordon Brown est au mieux deuxième, avec 28% à 30%, voire ex-aequo avec les "Lib Dems" ou, pire encore, relégué à une humiliante troisième place. La faible avance des Tories et la poussée des Lib Dems renforcent l'hypothèse d'une chambre des Communes sans majorité absolue, qui contraindrait travaillistes ou conservateurs à s'entendre avec les libéraux pour pouvoir gouverner. "Le Labour va vers sa défaite la plus cuisante depuis 90 ans", écrit le Sunday Telegraph, proche des Tories. Pour tenter de redresser la barre, le Labour ne peut guère se raccrocher qu'au troisième et dernier débat télévisé, jeudi, qui sera consacré à l'économie, un des rares domaines où Gordon Brown fait mouche dans les sondages. Le chef du gouvernement y retrouvera face à lui Nick Clegg, le chef de file des libéraux-démocrates, passé en une semaine d'outsider en faiseur de roi, à la faveur de ses bonnes prestations lors des deux premières confrontations télévisées. Tout auréolé de sa nouvelle popularité, le jeune leader, 43 ans, ose dorénavant poser ses conditions. Dimanche, sur la chaîne BBC One, il a rejeté un accord qui permettrait à Gordon Brown de se maintenir si son parti était sévèrement battu. "Je pense qu'un parti qui s'est classé troisième ne peut pas prétendre à choisir dans ses rangs le Premier ministre de ce pays", a-t-il tranché. En vertu du système électoral britannique, le Labour pourrait en effet continuer à avoir le plus grand nombre de députés, s'il ne perd que de manière modérée en termes de suffrages, ce qui lui permettrait de pouvoir désigner le Premier ministre. Gordon Brown a plusieurs fois clairement indiqué qu'il entendait rester à Downing Street s'il le pouvait. Quant aux conservateurs de David Cameron, Nick Clegg les avertit qu'il ne les soutiendrait que s'ils acceptaient de réformer ce système électoral inique, selon lui, une promesse que le Labour a déjà faite. "S'ils veulent bloquer la réforme, c'est leur choix", a-t-il dit au Sunday Times. Face à l'encombrant Nick Clegg, Labour et Tories soufflent le chaud et le froid, l'attaquant et le flattant à la fois dans un dangereux jeu d'équilibriste. David Cameron a ainsi à mots couverts suggéré la possibilité d'un accord avec les Lib Dems sur la réforme électorale, tandis que, dans un nouvel appel du pied du Labour aux libéraux, le ministre de l'Intérieur Alan Johnson a annoncé un débat, après les élections, sur la possibilité d'implanter une représentation proportionnelle pour les législatives qui se tiendront au-delà du 6 mai. Tories tout comme Labour s'empressent cependant de mettre en garde contre la perspective d'un Parlement sans majorité claire. Ce serait "mauvais" pour le pays, répète David Cameron de meeting en interview, évoquant "les chamailleries" qui ralentiraient l'assainissement des finances publiques.