La Conférence de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a donné, à Monrovia, son accord de principe à la demande d'adhésion du Maroc à ce groupement régional. Elle a également décidé d'inviter le Roi Mohammed VI à la prochaine session ordinaire de la CEDEAO, pouvait-on lire dans le communiqué final sanctionnant les travaux du 51ème Sommet ordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO. Les leaders ouest-africains ont ainsi « donné leur accord de principe pour l'adhésion du Royaume du Maroc à la CEDEAO, eu égard aux liens forts et multidimensionnels de coopération » qui lient le Maroc aux Etats de cette organisation sous-régionale. Le sommet a instruit la commission de la CEDEAO d'examiner les implications d'une telle adhésion conformément aux dispositions du traité révisé de la CEDEAO et de soumettre les résultats à sa prochaine session. La partie n'était pas gagnée d'avance et le pari pouvait paraître trop audacieux, voire utopiste mais un palier a été franchi et l'adhésion du Maroc à la CEDEAO devient réalisable et possible. Ceux qui se sont permis il y a quelques mois des commentaires critiques concernant le long périple africain de Sa Majesté doivent admettre et reconnaître aujourd'hui, après coup, que le Souverain a mis en place une stratégie étudiée et planifiée sur plusieurs étapes, à commencer par des visites d'Etat chez plusieurs pays africains, avec comme objectifs le retour du royaume au sein de l'UA et puis la demande d'adhésion à la communauté de la CEDEAO. Une stratégie qui, apparemment, n'a rien laissé au hasard puisqu'elle repose sur un agenda précis et des étapes ciblées. En chiffres, la CEDEAO c'est quinze Etats membres, trois cent cinquante millions d'habitants, 5,1 millions de km2 de superficie, 700 milliards de dollars de PIB. Selon Marcel Alain de Souza, ancien ministre béninois du Développement et président de la CEDEAO depuis début 2016 : " La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest a réalisé de nombreuses avancées ces dernières années. C'est un bloc qui évolue vers une union économique et monétaire. Comme nous sommes en train de mettre en place un tarif extérieur commun, le Maroc, qui exporte déjà beaucoup d'engrais et de produits pharmaceutiques vers la zone et où, en outre, ses banques sont très bien implantées, souhaite accéder plus facilement à ce marché commun de 350 millions de consommateurs ». A cet effet, le Roi Mohammed VI se dit disposé à faire le nécessaire, y compris à aligner les tarifs extérieurs du Royaume sur ceux de la CEDEAO. L'affaire n'était absolument pas gagnée d'avance et il a fallu user de stratégie et abuser de diplomatie pour rendre le pari réaliste car les obstacles pour l'adhésion du Maroc à la CEDAO n'étaient pas moindres. Dans sa livraison numéro 2931 du 12 au 18 mars 2017, notre confrère parisien Jeune Afrique publiait un entretien où Marcel Alain de Souza, président de la commision de la CEDEAO, tenait des propos sceptiques et paraissait très peu emballé : « Je dis simplement que les textes actuels posent deux conditions pour être membre de notre organisation : être géographiquement situé en Afrique de l'Ouest et avoir signé le traité portant création de la CEDEAO. La Tunisie et le Maroc ne remplissent pas ces deux conditions. Par ailleurs, accepter leur demande d'adhésion irait à l'encontre des principes de l'Union Africaine pour laquelle le continent est un ensemble de cinq communautés économiques régionales. Le mieux serait de faire du Maroc et de la Tunisie des partenaires économiques privilégiés sans qu'ils ne deviennent pour autant des membres à part entière de la CEDEAO". C'est dire la valeur du travail entrepris et la pertinence de la diplomatie royale car, justement, en diplomatie même les montagnes peuvent bouger et c'est ce qui explique comment les choses ont évolué dans le bon sens avant la réunion du 4 juillet prochain, date à laquelle la réunion de haut niveau des chefs d'Etat de la CEDEAO prendra sa décision. Agriculture durable, développement responsable, eau potable, petite et grande hydraulique et traitement des eaux usées, énergies renouvelables, pluies artificielles et lutte contre la sécheresse et la désertification, mise en place de plans d'adaptation aux effets du changement climatique, industrie pharmaceutique et agro-foresterie sont autant de domaines où le Royaume du Maroc pourra apporter son expertise et permettre à des entreprises marocaines de s'implanter dans cette zone là où ce n'est pas encore le cas. Toutefois, le projet le plus ambitieux et dont l'impact régional est considérable reste celui de la mise en place du gazoduc «Trans african pipeline». Celui-ci traversera toute la côte ouest-africaine pour relier le Nigeria et l'Europe via le Maroc. Il permettra au Nigeria, grand producteur de gaz, et les futurs producteurs de gaz de la côte ouest-africaine (Côte d'Ivoire, Ghana, Sénégal, Mauritanie, etc.) d'exporter plus facilement leur production vers le continent européen. Le mémorandum d'entente pour la valorisation de la Baie de Cocody, qui sera la vitrine d'Abidjan à l'horizon 2020 dans le cadre d'un projet piloté par le marocain Marchica Med, est également une très belle prouesse réussie par la diplomatie économique marocaine. H. F. F.