Marcel Alain de Souza, président de la Commission de la CEDEAO Le président de la Commission de la CEDEAO, Marcel Alain de Souza, était au Maroc la veille de l'annonce, par le royaume, de son intention d'intégrer l'espace économique ouest-africain. Dans cette interview, il estime que le Maroc peut devenir la 16e économie de la CEDEAO, même sans y adhérer. Les Inspirations ECO : Quel regard portez-vous sur la présence marocaine dans les pays de la CEDEAO ? Marcel Alain de Souza : Le Maroc entretient, depuis fort longtemps, des relations avec un certains nombre de pays de la CEDEAO. La présence de banques marocaines comme Attijariwafa bank ou encore la BMCE Bank of Africa en est une illustration parfaite. Nous savons également qu'un certain nombre de projets d'infrastructures sont exécutés par des entreprises marocaines. Nous notons donc une véritable percée du Maroc dans notre sous-région. L'absence du Maroc à l'Union africaine était très remarquée, mais sur le plan économique, le royaume était très présent sur le terrain, avec une offensive commerciale importante. Les Marocains organisent ou participent souvent à des foires dans les pays de la sous-région, ainsi que des missions B to B avec les hommes d'affaires locaux. Malgré cela, le potentiel de ces relations est encore limité. Il faut les booster à travers un système bancaire fort, qui puisse fiabiliser les investissements, mais il nous faut aussi une volonté politique pour faire évoluer les relations entre notre sous-région et le Maroc, voire même avec les autres pays arabes. Comment renforcer ces relations, selon vous ? Le Maroc a une avance en matière de produits manufacturés. La production automobile gagne en vitesse. Globalement, même sans ressource pétrolière, le Maroc réussit des investissements énormes sur son sol, mais aussi à l'étranger. Il s'agira pour nous de voir, dans le cadre d'une stratégie à moyen et long termes, comment tisser et renforcer les passerelles pour que le Maroc puisse davantage pénétrer les marchés de la CEDEAO. La CEDEAO, c'est un ensemble de 15 pays, avec une population totale de 320 millions d'habitants, soit un marché très important. Nous visons à bâtir un destin commun en intégrant une 16e économie. Cela passe par la suppression des barrières tarifaires, la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services. Nous voulons également un système financier renforcé. Qu'en est-il de l'accord de libre-échange entre le Maroc et la CEDEAO ? Le projet gazier reliant le Nigeria au Maroc est une preuve tangible du fait que nous pouvons concrétiser beaucoup de projets. Le Nigeria représente aujourd'hui 30% des réserves pétrolières africaines et 31% des ressources en gaz. Si le Maroc réussit à tisser ce type de relations avec le Nigeria, qui est la locomotive de la CEDEAO, c'est une preuve qu'une zone de libre-échange peut être créée entre la CEDEAO et le Maroc. Nous avons un dispositif important. Nous sommes en train de créer une union douanière. Celle-ci viendra concrétiser ses relations avec le Maroc, car cette union est un préalable à la constitution d'un marché commun. Le Maroc étant situé un peu loin de notre zone géographique, nous ne pouvons pas encore trancher s'il peut intégrer la CEDEAO, mais nous pouvons mettre en place un partenariat gagnant-gagnant. Nous souhaiterions que cela puisse être le cas. Le projet gazier est encore là pour le confirmer. Où en êtes-vous dans le projet de monnaie unique pour les pays de la CEDEAO ? Le projet de monnaie unique demeure. Nous avons un pacte de stabilité et de convergence. Ce pacte nous permet d'avoir des indicateurs que nous devons respecter, à savoir le financement du déficit budgétaire, la maîtrise de l'inflation et l'harmonisation de la politique de l'endettement. Malheureusement, ce pacte n'est pas respecté. Pour que la monnaie unique puisse être créée, nous devons assurer cette convergence, sinon cette monnaie n'aura pas de valeur. Les chefs d'Etat ont mis en place une task force présidée par le président du Niger, afin de proposer des pistes pour parvenir à cette monnaie unique. Nous estimons que nous devons y arriver et nous détacher du franc CFA. Vous avez assisté à Rabat au lancement du programme «Arab-Africa Trade Bridges». Quel sera son apport ? Nous envisageons de renforcer notre partenariat avec l'ensemble des pays arables, et surtout avec le Maroc. Dans ce cadre, le programme Arab-Africa Trade Bridges vient à point nommé. Il y a un système d'identification des potentialités, un système de renforcement des capacités et une plateforme qui doivent permettre de booster les échanges avec les pays africains, particulièrement avec la CEDEAO. Notre espace économique mène une politique sous-régionale, et chacune des politiques nationales des pays membres doit s'arrimer à la politique de la CEDEAO afin que l'intégration économique soit vraiment une réalité. Nous pensons qu'avec le Maroc, nous pourrons faire des progrès importants. La volonté y est. Il faut arrimer les stratégies nationales à celle de la CEDEAO. Tags: Maroc-CEDEAO Union africaine Marcel Alain de Souza