Pour ce qui est des justes raisons de l'attribution du prix Nobel de littérature 2016 à Bob Dylan, on pourrait citer celle de Jean-Marie Pottier invoquant l'antique tradition littéraire du barde, du ménestrel et du troubadour dans la poésie : « L'art de la poésie est peut-être vieux de quinze mille ans, il a survécu principalement à travers sa force orale plus qu'à travers les récents moyens modernes de transmission. Dans notre époque moderne, Bob Dylan a ramené la poésie à sa transmission primordiale par le souffle humain et le corps; dans ses couplets, il a fait revivre les traditions du barde, du ménestrels et du troubadour.» - « Gordon Ball est le premier à avoir nommé le musicien pour le prix Nobel de littérature, qu'il vient de recevoir », Op.cit., p.1. A cet égard, Sigrid Hunke rappelle : « Le troubadour (nom dont on admet aujourd'hui qu'il vient de l'arabe tarrab, ménestrel) confère à ses poèmes (Guillaume IX) la forme et le rythme des chants arabes, imitant en particulier ceux du célèbre Ibn Qousman.» - « Le Soleil d'Allah brille sur l'Occident », Ed. Albin Michel, 1963, pp.378-379. De plus, Milcar Jeff Dorce met en exergue dans le Nobel-Dylan le duel entre écriture et oralité, en littérature coïncidant sans jamais s'exclure : «C'est aussi la vieille tension entre écriture et oralité qui refait surface. Mais, et si la voix serait considérée comme composante du corps du texte. Et si la voix est ce dispositif qui donne forme et vie aux règles. Et si Dylan est cette expression de la mise en scène de l'écriture et de la lecture, qui n'est autre qu'une dimension de la richesse de la littérature. La définition de la littérature, n'est-elle pas aussi dans sa non-définition? La littérature, n'est-elle pas cet idéal de la vie commune qui se cherche en culbutant entre écriture et parole vivante? Si une certaine règle de la littérature supposerait une priorité de l'écriture, il faut nécessairement rappeler qu'il s'agit d'une écriture en soi inerte qui doit être mise en usage par la lecture. » - Op.cit., p.2 La raison profonde pour Sanaj Causam réside dans le recours de Bob Dylan à la citation abondante d'illustres écrivains dans ses chansons : «Dylan a manifesté son intérêt pour d'autres auteurs que Rimbaud, comme T.S. Eliot cité dans plusieurs chansons, et Ezra Pound. Dylan les cite dans ses chansons mais il les critique aussi. « J›ai aimé T.S Eliot. Il valait la peine de le lire «. James Joyce est une autre figure littéraire intéressante dans le monde de Dylan. Il explique dans ses Chroniques que James Joyce semblait être l'homme le plus arrogant possible, «il avait deux yeux grands ouverts et une grande faculté d'expression». D'autres figures littéraires dont les œuvres ont surgi dans le paysage de la musique de Dylan au fil des ans sont Lewis Carroll («Tweedle Dee et Tweedle Dum»), Anton Tchekhov (Blood on the Tracks), Arthur Conan Doyle ( «Talkin ‘ John Birch Paranoid Blues «), F. Scott Fitzgerald («Ballad of a Thin Man «et» Summer Days»), les frères Grimm (Highway et «Sara»), Victor Hugo («Desolation Row»), Herman Melville («115 e rêve» et «et voilà!»), Friedrich Nietzsche et Wilhelm Reich («Joey»), Junichi Saga et John Greenleaf Whittier («Scarlet Town»).» - in « 10 poèmes Bob Dylan mérite son prix Nobel de littérature », www.webcache. google usercontent.com, p.2. Comme ultime raison, Sanaj Causam dévoile l'érudition littéraire quasi universelle de Dylan, lauréat digne du Nobel de littérature 2016, émanant de ses propres Chroniques, en y soulignant : «Dans ses Chroniques, Dylan décrit ses liens avec les écrivains qui ont façonné ses idées, les penseurs des Lumières comme Voltaire, Rousseau, Locke et Montesquieu, les Modernistes comme Eliot, Fitzgerald et Faulkner, les romantiques comme Victor Hugo, les réalistes comme Balzac (que Dylan trouve «hilarant»), des théoriciens comme Nietzsche, Marx et les écrivains grecs et romains classiques comme Sophocle et Ovide. Il décrit également ses amours pour Byron, Milton, Coleridge, Shakespeare, Villon, Poe. » - Op.cit., pp.2-3. Bob Dylan, prix Nobel de littérature 2016 et ses chants En bref, on pourrait se faire une idée et un sentiment plus propre du mérite littéraire de « la poésie pour l'oreille » et pour sa foi en l'homme universel issue de la contre-culture populaire américaine et sa portée littéraire intrinsèque d'hier et d'aujourd'hui, à travers les propres textes de Bob Dylan, tels que : - Blowin› In The Wind, (Soufflé Dans Le Vent), Bob Dylan, 1963 : « Combien de routes un homme doit-il parcourir/ Avant que vous ne l'appeliez un homme ? Oui, et combien de mers la colombe doit-elle traverser/ Avant de s'endormir sur le sable ?/ Oui, et combien de fois doivent tonner les canons/ Avant d'être interdits pour toujours ?/ La réponse, mon ami, est soufflée dans le vent,/ La réponse est soufflée dans le vent// ». -A Hard Rain's Gonna Fall," The Freewheelin', Bob Dylan, 1963 « Je vais marcher dans les profondeurs de la plus profonde forêt noire/ Lorsque les gens sont nombreux et leurs mains sont tous vides/ Lorsque les boulettes de poison inondent leurs eaux/ Lorsque la maison dans la vallée rencontre la prison sale et humide/ Lorsque le visage du bourreau est toujours bien caché/ Lorsque la faim est laide, où les âmes sont oubliées/ Lorsque le noir est la couleur, là où il n'est le nombre/ Et je le dis et je pense et parle et respire/ Et refléter de la montagne afin que toutes les âmes puissent le voir// ». - «Ballad of a Thin Man," Bob Dylan, 1965 : « Ah, vous avez été avec les professeurs et ils ont tous aimé vos regards/ Avec de grands avocats que vous avez discuté des lépreux et des escrocs/ Vous avez traversé tous les livres de F. Scott Fitzgerald/ Vous avez très bien lu, cela est bien connu/ Mais quelque chose se passe ici et vous ne savez pas ce que c'est le sais-tu monsieur Jones?// ». - «Desolation Row», Bob Dylan, 1965 : « Le Titanic navigue à l'aube/ Et les cris de tout le monde/ «De quel côté es-tu ?»/ Et Ezra Pound et T.S Eliot/ Les combats dans la tour du capitaine/ Alors que les chanteurs calypso se moquent d'eux/ Et les pêcheurs détiennent des fleurs// ». - «You›re Gonna Make Me Lonesome When You Go,» Blood on the Tracks, Bob Dylan, 1975 : « Les relations ont tous été mauvaises/ Les miennes étaient comme celles de Verlaine et Rimbaud/ Mais il n'y a aucun moyen de comparer/ Toutes ces scènes pour cette liaison/ tu vas me transformer en solitaire quand tu partiras// ». - « I Feel a Change Comin ‹On,» Ensemble Through Life, Bob Dylan 2009 : « Je suis à l'écoute Billy Joe Shaver/ Et je lis James Joyce/ Certaines personnes me le disent/ J'ai le sang de la terre dans ma voix// ». («10 poèmes Bob Dylan mérite son prix Nobel de littérature», Op.cit., pp.6-7.) En conclusion, il y a évidemment lieu de dire sans ambages et loin de toute polémique avec Sanaj Causam sur ce judicieux choix du Nobel de littérature 2016, attribué à Bob Dylan, que : « Bob Dylan, pop music, troubadour moderne, de la contre-culture des années 1960, underground, presque le seul chanteur auteur-compositeur génial de musique populaire de la seconde moitié du xxe siècle, lumineux et tragique, viscéralement américain, blues, folk, country et rock. Ni penseur, ni théoricien, mais lucide et sincère. », a amplement, depuis longtemps, et avec justes raisons, mérité son prix Nobel de littérature. – Op.cit. p.1.