De nombreuses entreprises recourent à l'emploi atypique car il est souvent moins coûteux, les salaires comme les coûts non salariaux étant inférieurs. Dans certains cas, la réglementation peut, intentionnellement ou non, encourager le recours aux formes atypiques d'emploi, par exemple lorsque le recours aux contrats de durée déterminée est autorisé pour l'exécution de tâches permanentes ou lorsque les travailleurs à temps partiel n'atteignent pas les seuils ouvrant droit aux prestations de sécurité sociale. - Déréglementation partielle. À partir des années 1970, nombre de pays européens ont partiellement déréglementé les marchés du travail avec pour objectif d'en accentuer la flexibilité et de stimuler la création d'emplois. Les réformes ont permis un recours plus large à l'emploi temporaire, en l'étendant à des travaux qui n'étaient pas temporaires par nature, et en augmentant leur durée maximale et le nombre des renouvellements possibles. Il en a résulté une croissance de l'emploi temporaire dans maints pays européens. Des réformes du même ordre ont eu lieu dans certains pays en développement dans les années 1990, notamment dans la région andine16. Depuis, certains pays d'Europe ont engagé des réformes en sens contraire pour limiter la croissance de l'emploi temporaire, mais dans bien des cas la tendance a été difficile à renverser. -Incitations faussées. Les différences de protection en matière de sécurité sociale pour les travailleurs qui n'atteignent pas certains seuils de rémunération ou de durée du travail ont incité les entreprises à recourir à des arrangements atypiques à des fins de réduction des coûts. Ainsi, en Allemagne, avant la réforme de 2013, les travailleurs engagés dans des «mini-emplois» dont la rémunération était inférieure à 400 euros par mois ne versaient pas de cotisations de sécurité sociale, et les employeurs versaient des cotisations à taux réduit. Un autre type d'exclusion peut découler du fait que la législation du travail ne s'applique qu'aux entreprises dépassant une certaine taille. Tel est le cas en Inde, avec pour résultat que les travailleurs employés dans des petites entreprises et la plupart des travailleurs occasionnels sont exclus du champ d'application de la réglementation. - Déclin de la syndicalisation et du rôle normatif de la négociation collective. Une autre évolution souvent sous-estimée est le déclin de la syndicalisation qu'ont connu certains pays au cours des dernières décennies. Ce déclin signifie que moins de conventions collectives ont été négociées, surtout dans les pays où le niveau prépondérant de la négociation collective est celui de l'entreprise. En outre, l'absence de syndicats a permis aux entreprises de développer des modalités d'emploi alternatives, ce qui n'était pas interdit par les lois applicables, mais allait à l'encontre des pratiques en vigueur. Par exemple, la multiplication des contrats «zéro heure» au Royaume-Uni et des contrats «si et quand» en Irlande, ou la progression de la gestion des effectifs «à flux tendu» aux États-Unis ou au Canada ne sont pas la conséquence d'une nouvelle législation. Elles découlent plutôt du fait que les entreprises ont réalisé qu'il n'était pas nécessaire de garantir un nombre minimal d'heures dans le contrat de travail, et qu'elles pouvaient recourir à de nouvelles modalités pour accroître leurs possibilités d'employer la main-d'oeuvre de façon plus flexible. Fluctuations et crises macroéconomiques Les conditions macroéconomiques, y compris les crises économiques, ont une influence sur la proportion d'emplois atypiques dans l'emploi total. Toutefois, les résultats peuvent différer selon les réglementations et les politiques menées: - Déclin de l'emploi atypique. Les travailleurs temporaires et ceux qui sont engagés dans des relations d'emploi multipartites sont les premiers licenciés lorsque la situation macroéconomique se dégrade. Ainsi, durant la récession de 2008-09 aux États- Unis, les travailleurs intérimaires ont représenté 10,6 pour cent des pertes nettes d'emplois alors qu'ils ne constituaient que 2 pour cent de la main-d'oeuvre. De même, l'emploi temporaire a chuté en Espagne, passant de 29 pour cent en 2008 à 22 pour cent en 2013 en raison de la crise économique. ■ Réduction temporaire de la durée du travail. Dans d'autres cas, les entreprises, plutôt que de licencier, réorganisent le travail de façon interne en réduisant la durée du travail, selon la formule «partager l'emploi pour sauver des emplois». En conséquence, une plus forte proportion de la main-d'oeuvre travaille à temps partiel. Durant la dernière crise économique, ces programmes de partage du travail ont été soutenus par des mesures financées en partie par l'assurance-chômage et visant à compléter le revenu des travailleurs concernés. En Allemagne, à l'apogée de la crise économique en 2009, environ 1,2 million de travailleurs avaient une durée du travail réduite, d'un tiers en moyenne, tout en conservant leur relation de travail. On trouve aussi des exemples de réduction temporaire de la durée du travail dans certaines entreprises de Bulgarie, d'Estonie, d'Indonésie et de la Fédération de Russie. - Accroissement de l'emploi atypique en raison de l'incertitude économique. Les préoccupations relatives à la situation économique après une récession peuvent inciter les entreprises à faire preuve de précaution en matière de recrutement, et donc à recourir plutôt à des contrats temporaires. Cela s'est produit, par exemple, en République de Corée après la crise financière qui a frappé l'Asie à la fin des années 1970, et aux États-Unis dans le sillage de la Grande Récession.