La crise économique mondiale est arrivée à un mauvais moment pour les pays de l'Afrique du Nord, pendant les années où la poussée démographique des jeunes est à son summum. Dans un premier temps, la crise n'a pas touché l'Afrique du Nord aussi durement que d'autres régions car les pays de la région sont peu reliés aux marchés internationaux. Toutefois, les économies de l'Afrique du Nord sont fortement dépendantes des marchés européens pour le commerce et les flux de capitaux de même que pour le tourisme, de sorte que la récession a eu des répercussions tardives sur la région. Une des conséquences de cette situation a été l'accroissement du chômage des jeunes et de la pauvreté. La récession a provoqué un ralentissement de la demande européenne (et mondiale) pour les exportations, affectant ainsi le secteur algérien des hydrocarbures et les secteurs manufacturier et agricole marocains et tunisiens (Achy, 2010). Le secteur manufacturier génère 12 % des emplois au Maroc et 20 % en Tunisie, tandis que l'agriculture représente respectivement 45 % et 16 %. Par conséquent, le ralentissement a entraîné d'importantes pertes d'emplois dans ces secteurs, qui ont touché surtout les jeunes et les femmes. Les visites touristiques ont également diminué, occasionnant une contraction dans ce secteur. Au Maroc, le chômage général a baissé légèrement entre 2007 et 2010, mais le chômage des jeunes s'est accru de 1 %. Les taux de chômage des jeunes sont plus sensibles aux chocs économiques que les taux en ce qui concerne les adultes. Avec le rétrécissement de l'économie formelle, l'économie informelle s'est développée car les entreprises ne veulent pas embaucher des personnes sur contrat en période de récession. L'augmentant les taux de chômage a eu une incidence sur les niveaux de vie. Le nombre des travailleurs pauvres a augmenté dans toute l'Afrique du Nord de 31 % en 2008 à 37 % en 2009. Les augmentations brutales des prix des denrées alimentaires et des produits pétroliers, qui ont grimpé depuis le milieu de l'année 2008, sont venues aggraver la situation, affectant ainsi le pouvoir d'achat de nombreux ménages. Au Maroc, ceci s'est traduit par une augmentation des taux d'abandon scolaire, du travail des enfants et de la malnutrition. Les gouvernements de l'Afrique du Nord ont mis en place des subventions en vue de compenser la flambée des prix des produits de base, ont augmenté les salaires minimums et ont réduit les impôts sur le revenu. Toutefois, ces mesures n'ont pas réussi à contenir les tensions sociales engendrées par le chômage, les faibles niveaux de vie et d'autres griefs politiques. Obstacles à la création d'emplois En plus des pressions créées par la crise financière mondiale, le cadre macroéconomique en Afrique du Nord n'est pas propice à la création d'emplois. Bien que ces pays réussissent bien sur différents indicateurs macro-économiques, affichant une croissance régulière et une faible inflation, suggérant un environnement stable et prévisible pour les investissements dans le secteur privé et la création d'emploi, en fait, les pays d'Afrique du Nord ont seulement ouvert leurs marchés de façon sélective. En conséquence, les investissements directs étrangers (IED) et la croissance par les exportations ont été limités. Dans les régions où les IED ont été acheminés il y a eu plus de diversification et un taux de croissance plus élevé. La Tunisie est l'un des pays les plus ouvert de la région et affiche un flux d'investissements directs étrangers parmi les plus élevés de la région. En outre, le climat d'investissement dans ces pays est considéré comme imprévisible et le coût de faire des affaires est élevé. Cela dissuade le développement du secteur privé, l'investissement et la productivité. Les lourdeurs administratives, la corruption et les coûts prohibitifs de certaines procédures de création d'entreprise telles que l'obtention du permis de construire ou le transfert des titres de propriété, encouragent les entreprises de petite taille à évoluer dans le secteur informel et à demeurer de taille modeste pour éviter d'être détectées. Les taux élevés d'imposition des sociétés, notamment pour les entreprises employant de la main-d'oeuvre, incitent les employeurs à embaucher les travailleurs « au noir ». L'accès au financement constitue un obstacle majeur à l'activité commerciale, selon 50 % des entreprises en Algérie, 19 % au Maroc et 18 % en Tunisie (WEF, 2010 ). Les entrepreneurs ont donc besoin de capitaux privés, chose qui pourrait constituer un problème pour les petites et moyennes entreprises et pour les jeunes, en particulier les jeunes femmes. Les réglementations excessives incitent peu les entreprises à embaucher les travailleurs de façon formelle, ce qui entraîne une augmentation des arrangements informels et la création d'un marché de l'emploi à deux vitesses. Les pays en Afrique du Nord ont des réglementations du marché de l'emploi excessivement rigides. Le Maroc a les politiques d'embauche les plus restrictives : les entreprises peuvent embaucher les travailleurs sur la base de contrats à durée déterminée pour une courte période, mais doivent ensuite les transformer en contrats permanents. La Tunisie et l'Algérie ont des politiques strictes de licenciement des travailleurs : les employeurs en Tunisie qui souhaitent licencier des travailleurs doivent le notifier et obtenir l'autorisation de l'office régional ou de la commission centrale de contrôle des licenciements. En Algérie, il faut en moyenne six mois pour licencier un travailleur et, en cas de licenciement collectif, l'employeur dot négocier avec les syndicats pour déterminer les personnes à licencier. ). Compte tenu du niveau élevé des coûts liés à l'embauche ou au licenciement des travailleurs, les entreprises hésitent à embaucher les travailleurs ou, si elles le font, ont tendance à les employer de façon informelle. Par conséquence, 70 % des travailleurs au Maroc et 54 % en Tunisie n'ont pas de contrat d'embauche. Les politiques en matière de salaire minimum en Afrique du Nord, qui se traduisent par des salaires artificiellement élevés qui ne tiennent pas compte des gains de productivité ou des augmentations du coût de la vie, contribuent au développement du secteur informel et au chômage des jeunes instruits. Les salaires minima au Maghreb sont proches du salaire moyen dans les pays concurrents ; ils font obstacles à la croissance des entreprises engagées dans la concurrence au niveau international.