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L'emploi se redresse moins vite que les revenus, selon le FMI : Les coûts de la tragédie du chômage
Publié dans Albayane le 10 - 01 - 2011

Le monde fait face à une crise de l'emploi. On estime à 210 millions le nombre total de chômeurs. Depuis 2007, il a augmenté de plus de 30 millions et les trois quarts de ces nouveaux chômeurs vivent dans des économies avancées.
La situation est particulièrement grave aux Etats-Unis. Epicentre de la Grande Récession, c'est le pays où le chômage a le plus progressé, avec actuellement 7,5 millions de chômeurs de plus qu'en 2007. En outre, même si la récession est censée y avoir pris fin en juin 2009, il ressort des données relatives aux deux dernières reprises économiques que l'emploi se redresse moins vite que les revenus.
L'indice dit «du malheur»
À l'heure actuelle, l'indice dit «du malheur», qui combine les taux d'inflation et de chômage, est presque entièrement dominé par le chômage (voir encadré). Le bilan humain de la lente reprise de l'emploi aux Etats-Unis et dans le reste du monde risque d'être très lourd. Des études ont montré que, pour les individus concernés, le coût du chômage inclut une perte durable de revenus liée à la dévalorisation de la carrière professionnelle, une diminution de l'espérance de vie, ainsi que le déclassement scolaire et économique de leurs enfants. Plus le chômage se prolonge et plus ces coûts sont élevés. Le problème du chômage a de multiples facettes:
Les travaux consacrés aux effets des récessions précédentes nous donnent une idée précise du coût élevé et durable du chômage pour les demandeurs d'emploi eux-mêmes et leur famille.
Perdre son emploi signifie perdre des revenus, non seulement pendant la période d'inactivité proprement dite, mais à bien plus long terme. Les pertes sont encore plus lourdes quand l'épisode a lieu durant une récession. Les effets négatifs sur les revenus de la vie entière sont particulièrement importants quand le chômage a touché un jeune, surtout juste après la fin de ses études. En période de récession, les travailleurs jeunes ont tendance à accepter de moins bons emplois qu'en période de prospérité. Une fois qu'ils ont fondé une famille et sont devenus moins mobiles, il leur est difficile de compenser ce «déclassement conjoncturel».
Même les pays dotés de systèmes de protection sociale plus généreux et moins frappés par l'inégalité des revenus que les Etats-Unis ne peuvent pas protéger leurs travailleurs des pertes de revenus sur la vie entière que cause un déclassement professionnel.
Les coûts humains ne se limitent pas aux pertes monétaires : selon des études récentes, les licenciements ont aussi des incidences sur la santé et la vie elle-même.
En ce qui concerne les Etats-Unis, on estime que la surmortalité due au chômage persiste jusqu'à 20 ans après la perte d'emploi et peut se traduire par une espérance de vie réduite de 1 à 1,5 an. La perte d'emploi peut nuire à la réussite scolaire des enfants du chômeur concerné. D'après une étude, les enfants de parents ayant perdu leur emploi ont un risque accru (+15 %) de redoublement. Plus le chômage se prolonge et plus les coûts qui y sont associés risquent d'être élevés. Non seulement les pertes monétaires sont plus importantes, mais les demandeurs d'emploi perdent confiance en eux, leurs compétences s'émoussent et leurs liens avec le marché du travail se distendent. Cela modifie le regard des employeurs potentiels et réduit les chances de décrocher un poste. Le chômage de longue durée signifie donc que le chômage conjoncturel peut s'enkyster et devenir un problème structurel.
Les gouvernements à la rescousse
La majorité des pays ont élaboré des plans d'action solides sans lesquels le chômage et les coûts humains qui lui sont associés auraient été encore plus importants. Globalement, ces dispositifs comportaient trois volets :
• soutien de la demande globale par des mesures d'ordre monétaire et budgétaire;
• formules de chômage partiel et allocations d'assurance chômage pour soulager les tensions sur le marché du travail;
• subventions à l'embauche pour limiter les licenciements et accélérer le redémarrage de l'emploi.
Les banques centrales se sont rapidement employées à stimuler la demande globale en abaissant les taux d'intérêt directeurs puis, comme les taux étaient proches de zéro et ne pouvaient pas baisser davantage, en opérant un assouplissement quantitatif, c'est-à-dire des achats directs de titres publics à long terme, et en intervenant d'autres manières.
Pour remédier aux situations douloureuses liées aux marchés du travail, des politiques actives de promotion de l'emploi sont venues compléter les mesures monétaires et budgétaires. L'une des principales initiatives a été de subventionner des programmes devant dissuader les entreprises de licencier grâce à des réductions du temps de travail et des salaires. Ces programmes de chômage partiel peuvent permettre de mieux répartir le poids de la récession entre employeurs et salariés, de diminuer le coût des embauches futures et de préserver le capital humain des travailleurs jusqu'à la reprise.
Le troisième volet de la stratégie a consisté en subventions visant à accélérer la reprise de l'emploi. Il est difficile de concevoir des subventions efficaces : les entreprises peuvent recevoir des subventions pour des emplois qu'elles auraient de toute façon créés ou qui n'auraient jamais dû l'être et sont voués à disparaître.
Marge d'incertitude
La stratégie en trois volets adoptée en pleine crise devrait être poursuivie cette année, mais l'importance de chaque volet devrait varier à mesure que la reprise se raffermira et en fonction des situations nationales.
Le redressement de la demande globale étant le meilleur antidote contre le chômage, les politiques budgétaire et monétaire devraient, autant que possible, continuer d'accompagner ce redressement. Les programmes de réduction des déficits que les pays avancés prévoient pour 2011 impliquent une baisse moyenne du solde structurel équivalant à 1,25 point de PIB. Au-delà, la demande intérieure — encore fragile — serait asphyxiée.
Quoi qu'il en soit, il est clair que l'état des finances publiques varie selon les pays. Il existe de fortes disparités en ce qui concerne le ratio dette/PIB. De quelle marge de manœuvre budgétaire, c'est-à-dire de gonflement de leur dette, les pays disposent-ils? Pour répondre à cette question, les spécialistes ont défini un «plafond d'endettement», qui correspond au ratio dette/PIB au-delà duquel la réponse budgétaire normale d'un pays à l'augmentation de sa dette ne lui permet plus d'en assurer la viabilité. La réponse considérée comme normale pour un pays est estimée en fonction de ses antécédents en matière d'imposition et de dépenses.
L'incertitude qui entoure l'estimation de la réponse budgétaire normale se répercute naturellement sur l'estimation de la marge budgétaire disponible. A l'heure actuelle, de nombreux pays avancés doivent opter pour des programmes d'assainissement budgétaire crédibles à moyen terme et non pour l'imposition immédiate de camisoles de force. La politique monétaire demeure un levier puissant pour soutenir la demande globale.
Pour que le chômeur ne sombre dans l'oisiveté
Si la reprise se confirme, les subventions liées aux dispositifs de travail à horaires réduits et les diverses subventions à l'embauche apparues durant la crise pourraient disparaître progressivement. En effet, elles grèvent les finances publiques et peuvent inciter les entreprises à continuer d'exploiter le filon même quand la conjoncture redevient favorable. En outre, si la situation de certaines entreprises ou secteurs est durablement compromise, le fait de les subventionner peut empêcher la réaffectation des ressources à d'autres secteurs. L'octroi d'allocations de chômage devrait être conditionné au suivi de formations professionnelles et à la fourniture de services à la collectivité pour éviter que les chômeurs ne se coupent complètement du monde du travail.


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