Le chef de l'exécutif espagnol a maintenu les ministres des finances, de l'économie et de l'emploi, qui ont piloté la reprise économique, et s'est défait de trois ministres controversés, ceux de l'intérieur, des affaires étrangères et de la défense. On ne change pas une équipe qui gagne. Mariano Rajoy semble avoir fait sien ce vieil adage en composant la liste des ministres de son nouveau cabinet, dévoilée jeudi 3 novembre à Madrid, dans un simple communiqué. Même équipe économique, absence de rajeunissement, peu de surprises. Le chef de l'exécutif espagnol, investi samedi 29 octobre après dix mois de blocage grâce aux voix des centristes de Ciudadanos et à l'abstention des socialistes, a ignoré les appels à la « régénération » formulés par l'opposition. Et celle-ci, de Podemos aux socialistes, a utilisé le même mot pour définir le nouveau cabinet : « continuité. » Or, à la tête d'un gouvernement minoritaire, Mariano Rajoy devra obtenir le soutien de l'opposition pour approuver chaque nouvelle loi et réforme. « Nous espérons tout de même un changement d'attitude », a averti le porte-parole de Ciudadanos, Juan Carlos Girauta – dont la formation centriste ne participe pas au gouvernement. Pour une bonne raison : « Avec les manières d'avant, [ce gouvernement] ne pourra rien faire. » Plus sévère, le porte-parole socialiste, Mario Jiménez, estime que le nouveau cabinet est « un mauvais présage pour le dialogue et l'entente », car il maintient « certains des ministres qui ont fait le plus de mal à l'Espagne ». Une référence au ministre des finances, Cristobal Montoro, responsable des coupes budgétaires pendant la crise, ou à celle de l'emploi, Fatima Bañez, auteure de la polémique réforme du travail qui a réduit les indemnités de licenciements. Après n'avoir cessé de vanter, ces deux dernières années, la reprise économique – forte croissance, baisse du chômage, réduction du déficit public –, Mariano Rajoy n'est pas disposé à amender sa politique économique et à revenir, par exemple, sur la réforme du travail, comme lui a demandé le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Il a d'ailleurs renforcé l'aire d'influence du ministre de l'économie, Luis de Guindos, celui qui avait négocié avec les pays de la zone euro et la Commission de Bruxelles le sauvetage du secteur financier en 2012, puisqu'il récupère le portefeuille de l'industrie. Mariano Rajoy ne s'est en fait défait que de trois de ses anciens ministres, parmi les plus controversés. Celui des affaires étrangères, José Manuel Garcia Margallo, un électron libre aux positions tranchées, qui a fait de l'annexion de Gibraltar son principal cheval de bataille depuis le référendum britannique en faveur du Brexit, est remplacé par l'ambassadeur espagnol auprès de l'Union européenne, le discret diplomate Alfonso Dastis. Le ministre de l'intérieur, Jorge Fernandez Diaz, un ultra-conservateur proche de l'Opus Dei, à l'origine de la loi de sécurité citoyenne, surnommée « loi bâillon », dont le PSOE demande l'abrogation, part aussi. Mis en cause dans une affaire d'écoutes pour avoir tenté d'orienter des enquêtes judiciaires sur des indépendantistes catalans, il est remplacé par un modéré, l'ancien maire de Séville et ex-juge, Juan Ignacio Zoido. Quant au ministre de la défense, Pedro Morenes, dont les liens passés avec l'industrie de l'armement avaient provoqué un scandale, il est remplacé par la secrétaire générale du Parti populaire (PP, droite), Maria Dolores de Cospedal. Celle-ci se voit ainsi remerciée de ses loyaux services. C'est elle qui avait été chargée de donner des explications, semaine après semaine, aux accusations de corruption éclaboussant le PP particulièrement vives en 2012 et 2013, encaissant les coups pour son chef, Mariano Rajoy, retranché à la Moncloa et refusant les conférences de presse. Mariano Rajoy n'a pas intégré de représentants de la jeune garde du PP, et a préféré s'entourer de proches sans grande envergure politique, des modérés, fidèles et discrets. Une équipe qui devra s'atteler rapidement à de nombreux défis. A commencer par l'actualisation du budget 2017, indispensable pour économiser 5,5 milliards d'euros supplémentaires et respecter ainsi les objectifs de déficit fixés par Bruxelles. Le gouvernement devra aussi faire face au défi séparatiste en Catalogne et travailler sur un pacte d'Etat pour l'éducation. « S'il ne peut pas générer le dialogue, le Parlement devra prendre des décisions qui le placeront dans une situation inconfortable », ont d'ores et déjà averti les socialistes, laissant entendre que la législature risque d'être courte.