Le 20 août 1953, une demi-heure après l'enlèvement du Sultan Mohammed V, AllaI El Fassi, en exil, lance au peuple marocain et au monde libre par le biais de la «Voix des Arabes», l'appel historique, connu, depuis, par l'Appel du Caire. «Ainsi, le fait consommé. L'imprudence des Français a atteint un degré extrême: le Roi vient d'être chassé de Son Trône. Dans l'après-midi d'aujourd'hui, le général Guillaume s'est rendu au Palais impérial de Rabat, accompagné par l'armée et les blindés français et a exigé de S.M. le Roi d'abandonner le Trône. Sa Majesté a catégoriquement refusé. Le représentant de la France, dans l'exécution de ses basses œuvres, a constitué prisonniers : le Roi, le Prince Héritier Moulay Hassan et son frère Moulay Abdellah, et un avion militaire les a emmenés en Corse, là où les Français avaient l'habitude d'emprisonner les corsaires musulmans pris par les flibustiers français. Le général Guillaume a donné ordre de faire rebrousser chemin aux tribus qui, comme le veut la coutume, venaient souhaiter bonne fête au Roi et célébrer avec Lui l'Aïd El Kébir. Les forces françaises ont agi exactement comme on s'y attendait. « Mohammed V est trop grand pour un Trône placé sous un protectorat étranger. Son action et Sa lutte ne lui permettent pas d'agir au vu et au su des bourreaux français. «Aujourd'hui, les représentants de la République Française ont institué un régime reposant sur le feu et le fer, puisque chaque Marocain est pratiquement prisonnier dans sa demeure. Ordre a été lancé de tirer sur quiconque oserait sortir. Les prières de l'Aïd ont été interdites, ainsi, la grande journée de fête musulmane s'est transformée au Maroc en journée de deuil. « Par son action, la France a violé tous les principes de justice, de droit et a bafoué la liberté et la dignité humaine. Elle a méprisé la souveraineté marocaine, son Trône, l'Islam et l'Arabisme, ainsi que tout ce qu'elle avait promis de respecter, bien que sa signature et son honneur aient été engagés. Elle a fait pire. En touchant à Mohammed V, symbole de justice, de dignité, de foi et de lutte arabe, elle a atteint au fond de lui-même tout Marocain, tout Musulman, tout Arabe dans le monde. « En tant que leader du Parti de l'Istiqlal et membre du Collège des Ouléma de la Karaouiyine, qui seuls possèdent le droit de proclamer les Rois, je déclare solennellement que le Roi légitime du Maroc est, et demeure, S.M. le Roi Mohammed V et que l'Héritier du Royaume est Moulay Al Hassan, Son fils aîné. « Nous ne reconnaîtrons, en outre, aucun texte de loi qui émanerait de la France ou de ses partisans, ni conclusion d'affaires, convention, accord ou engagement pris dans ces conditions. « Nous tenons à souligner que le régime du Maroc sera celui que nous bâtirons en accord avec notre Peuple et notre Roi Mohammed V dès que sera réalisée l'indépendance du Maroc, suivie de l'évacuation des troupes françaises. « Je fais donc appel au peuple marocain pour qu'il poursuive sa lutte pour l'indépendance du pays, comme unique objectif, en déployant tous ses efforts et moyens en vue de la défense de notre Roi et Son retour sur le Trône, la tête haute et entouré du respect général. « Je fais également appel au monde islamique tout entier pour qu'il s'associe aux malheurs du Maroc et l'aide dans sa révolution. « Le Maroc, son Roi et son Peuple dont l'action vise la défense de l'Islam et la langue arabe, souffrent, en effet, de la colère ressentie par la France, en raison de notre attachement aux institutions islamiques et à la grande nation arabe. « Je déclare formellement aux Marocains, aux Musulmans et au monde libre que notre attitude ne cédera pas, que notre chemin sera poursuivi jusqu'au jour où nous aurons réalisé l'espoir de la nation dans la liberté et l'indépendance et chassé les usurpateurs. « Et tant que Dieu sera avec nous, la victoire sera de notre côté».