La médiation algérienne aux pourparlers de paix sur le Mali a présenté aux parties un nouveau projet d'accord, accueilli favorablement par le camp gouvernemental, mais avec réserves par la rébellion du nord du pays. Alors que la délégation malienne et la plateforme des mouvements pro-Mali ont accepté de parapher, hier à Alger, le document préparé par la médiation, les mouvements de la coordination de l'Azawad pourraient avoir boycotté cette cérémonie. En effet, sur le terrain, les pro-Azawad sont mécontents du texte, qui n'intègre ni l'autonomie, ni le fédéralisme dans le projet d'accord de paix. Une cérémonie de clôture des discussions et de paraphe du projet d'accord était prévue hier, à Alger, en présence de toutes les parties et des partenaires internationaux qui soutiennent ce processus depuis des huit mois. Bamako et la plateforme des mouvements pro-Mali ont accepté de parapher ce texte, le jugeant équilibré. En revanche, il en va tout autrement du côté des mouvements pro-autonomie de l'Azawad. La Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) se retrouve coincée entre la médiation et sa base sur le terrain. En effet, certains délégués sont convaincus qu'un mauvais accord vaut mieux que pas d'accord du tout et se disent prêts à parapher, sans conviction. Or, sur le terrain, à Kidal, à Ber ou à Ménéka, la base pense tout le contraire : pas question de reconnaître un texte qui a oublié l'essentiel des revendications des populations de l'Azawad. Comme le souhaitait Bamako, l'accord ne parle pas d'autonomie ni même de fédéralisme, et insiste sur l'unité territoriale, l'intégrité territoriale de l'État du Mali, ainsi que sur son caractère républicain et laïque. En revanche, il cite l'appellation d'Azawad, par laquelle les groupes rebelles à dominante touareg désignent cette région, comme une «une réalité socioculturelle, mémorielle et symbolique». Six groupes ont participé aux cinq rounds de négociation depuis juillet 2014: le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), le Mouvement arabe de l'Azawad-dissident (MAA-dissident), la Coordination pour le peuple de l'Azawad (CPA) et la Coordination des Mouvements et fronts patriotiques de résistance (CM-FPR). Les négociations débutées en juillet 2014 à Alger étaient les premières à rassembler l'ensemble des parties prenantes au conflit depuis celles qui avaient abouti à un accord intérimaire en juin 2013 au Burkina Faso. L'Algérie veut nous tordre le bras La journée de samedi 28 février a donc été très compliquée pour la délégation de la Coordination des mouvements de l'Azawad. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs localités du nord du Mali, à Ber et à Kidal. Le texte proposé par la médiation a été brûlé à côté de l'arbre dit « de la Liberté », une place située près de l'aéroport de Kidal. Entre 400 et 500 personnes, selon plusieurs témoignages, se sont rassemblées devant l'aéroport avant de prendre la direction du centre-ville. Les manifestants ont demandé à leurs représentants, partis à Alger, de rentrer sans signer un texte qui ne correspond pas à leurs attentes. « Nous sommes venus manifester, car nous rejetons le projet d'accord qui est en train d'être signé, à Alger, parce qu'il n'y a pas de fédéralisme, explique un habitant de Kidal. On a reconnu le nom l'Azawad, mais en tant que simple nom. Notre révolution a commencé par l'indépendance de l'Azawad et on nous a demandé de renoncer à l'indépendance et maintenant qu'il n'y a pas de fédéralisme, nous ne signerons pas d'accord. Nous demandons à notre délégation à Alger de rentrer et de ne rien signer. » « Ce texte ne parle ni de fédéralisme ni d'autonomie, déplore un autre habitant de Kidal, il n'y a que le Mali que ça arrange ! » « Il ne faut pas accepter cet accord, il faut trouver une meilleure solution, clame cet autre manifestant, nos représentants doivent quitter les négociations, ils doivent partir d'Alger et rentrer à Kidal. » « L'Algérie veut nous tordre le bras, poursuit ce militant du MNLA, l'Algérie veut coûte que coûte valider son accord ». La manifestation s'est achevée sans qu'aucun débordement n'ait été signalé. Un nouveau rassemblement était prévu hier. La CMA a demandé un délai supplémentaire à la médiation pour aller expliquer le texte aux militants et aux responsables militaires. Cependant, des officiels algériens confirmaient, samedi 28 février, la tenue de la cérémonie de clôture des négociations pour hier matin. «Il y en a qui posent encore des conditions de délai d'une semaine. Mais la médiation algérienne semble décider à faire parapher le document par toutes les parties intéressées qui accepteraient de parapher», a déclaré un porte-parole des mouvements armés pro-gouvernementaux. Le texte qui devait être paraphé hier dans la capitale algérienne ne serait validé qu'une fois signé, à Bamako, par les acteurs du conflit, à une date qui n'a pas été fixée.