C'est au réalisateur Youssef Britel qu'on doit l'hommage cinématographique à l'artiste peintre de renommé internationale Chaïbia (1929-2004) au titre de l'année 2015. Son film «Chaïbia, la paysanne des arts» se veut un acte de reconnaissance et de gratitude à l'égard d'une figure emblématique de l'art contemporain à l'échelle mondiale. La projection de cette production filmique professionnelle le 24 février courant constitue une véritable valeur ajoutée à la 16ème édition du Festival national du film de Tanger qui se tiendra du 20 au 28 février 2015 sous l'égide du Centre cinématographique marocain, en collaboration avec les chambres professionnelles du secteur cinématographique. Sur cette production singulière, Youssef Britel, auteur de plusieurs courts métrages dont «Sellam, Centre d'accueil», «Floue» et «Courmétragique», nous a confié : « l'idée du film a germé un jour où ma petite fille m'a montré des dessins qu'elle a réalisés. J'ai montré à ma fille quelques travaux de Chaïbia Talal. À ma grande surprise, elle m'a demandé avec beaucoup d'innocence si c'était une petite fille qui avait peint ces tableaux. Cette question m'a interpellé et m'a servi de prétexte pour parler de cette grande dame. Je voulais depuis longtemps rendre hommage à cette grande artiste-peintre reconnue mondialement grâce à ses travaux artistiques, ses contributions dans le domaine des droits de la femme, des causes humanitaires. J'ai besoin de raconter sa vie à travers un film monographique pour revenir sur les traits saillants de ce personnage emblématique qui, pourtant analphabète, constitue une école en soi. Ce film raconte, donc, l'histoire d'une femme, simple et aimante, aux origines modestes, qui est devenue une icône et un modèle de part sa force de caractère et son génie artistique. ». Et d'ajouter : « Chaïbia est un hymne au Maroc moderne, de son indépendance à sa reconnaissance internationale en passant par ses luttes internes. Elle nous apprend à être fiers de nous-mêmes, de nos origines, de notre histoire. Chaïbia est tout simplement une magnifique, une sublime «histoire Marocaine». C'est aussi un vibrant hommage au Maroc des années 40 et 80. ». Produit par H-Films, cet opus de 1 h 30 retrace le parcours de l'artiste-peintre Chaïbia Talal, figure de proue de l'art au Maroc et à l'étranger, décédée en 2004. Le film tourné à Casablanca, Marrakech, El Jadida, Rome et Paris, met aux prises des acteurs marocains de renom dont Younèss Mégri, Saadia Azgoun, Latefa Ahrrare, Driss Roukh, Issam Abou Ali, Mourad Zaoui, entre autres grosses pointures du septième art national. Coécrit par David Villemin et Youssef Britel lui-même, cet opus relève de la nouvelle tentation qui traverse le cinéma marocain, celle du genre des biographies filmées que les Américains ont institutionnalisé sous l'appellation «Biopic», ou Biographical Picture. Dans l'ouvrage de référence « Dictionary of African Biography » publié par la prestigieuse Oxford University Press( New York), l'historienne d'art de renom Osire Glasier( History Department) a écrit: « La mahboula, la folle du petit village de Chtouka séduit un grand public entre autres à Copenhagen, Frankfort, Ibiza, Tunis, Brésil, Rotterdam, Irak, Barcelone, Nouvelle-Zélande et Beverly Hills. Les grands critiques d'art ont consacré Chaïbia grande peintre du 20ème siècle, d'ailleurs avec raison puisque les œuvres de cette dernière côtoient celles de Miro, Picasso et Modigliani pour ne citer que ceux-là. Aussi, dès 1971, Chaïbia figure dans le Larousse de l'art dans le monde ; et en 1977, elle entre dans le dictionnaire de référence Bézénit. Mais nul n'est prophète chez lui. En effet, pendant que l'Occident s'extasie devant le talent de Chaïbia Tallal, les ténors de l'art contemporain au Maroc lui réservent un mépris souverain. Il faut dire que pour eux, la production de cette dernière se réduit au mieux à de l'art naïf. Pourtant, les critiques d'art sont quasi unanimes à cet égard : le style, de Chaïbia ne relève pas de cette forme d'expression. Et s'il faut à tout pris classifier ce style, certains critiques s'accordent pour dire qu'on est en présence d'un « art brut », c'est - à -dire un idéal plastique tel que préconisé par le mouvement européen Cobra en 1945, à savoir un art dégagé de toute influence savante, culturelle et historique. En réalité, le style de Chaïbia est inclassable. Plus tard, on dit un « Chaïbia » comme on dit un « Picasso »...mais aussi comme on vend un « Picasso »: Chaïbia est la seule peintre marocaine à être cotée en bourse ; et les collectionneurs sont prêts à débourser la bagatelle d'un million de dirhams pour acquérir une seule de ses toiles ! Chaïbia Talla s'éteint à Casablanca en 2004, à l'âge de soixante quinze ans, suite à une crise cardiaque.Chaïbia a livré à la postérité une abondante production artistique. Ses toiles alimentent les collections de nombreux Etats, dont la France, l'Italie, le Japon, la Suisse, l'Inde, Haïti, l'Australie, la Grande Bretagne et les Etats –Unis. Ses toiles alimentent également les plus grandes collections privées du monde, dont celle du Roi du Maroc, et celles d'autres collectionneurs entre autres en France, Italie, Liban, Egypte, Inde, Canada,Espagne,Suisse,Hollande,Belgique,Haïti,Japon,Suède,Danemark,Allemagne,Australie,Etats-Unis,Grande Bretagne, Nouvelle-Zélande, et Afrique du sud .Somme toute, la mahboula de Chtouka a été une baraka, une grâce pour le Maroc entier. ».