La troisième édition de Gitex Africa s'est ouverte ce lundi à Marrakech. Durant trois jours, le plus grand salon technologique du continent réunit acteurs publics, entreprises, startups et experts autour des enjeux du numérique et de l'intelligence artificielle. Marrakech devient, pendant trois jours, la capitale africaine de l'innovation numérique. Pour la troisième édition du Gitex Africa, organisée par le ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l'Administration, en partenariat avec l'Agence du Développement du Digital (ADD et Kaoun International, le Royaume entend réaffirmer son positionnement en tant que catalyseur d'un écosystème africain technologique dynamique. L'événement accueille des délégations venues de plus de 130 pays, dont des ministres, décideurs, leaders d'industrie, chercheurs et investisseurs. La cérémonie d'ouverture a donné lieu a été marquée par plusieurs inteventions. Chacun a dressé les contours d'un futur numérique pour l'Afrique, où l'intelligence artificielle devient un levier de souveraineté, de croissance et de coopération. L'Afrique à l'aube de l'âge de l'intelligence artificielle La ministre déléguée, chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l'administration, Amal El Fallah Seghrouchni, a ouvert les travaux en mettant en lumière l'ambition du Royaume de faire de la digitalisation et de l'intelligence artificielle des piliers centraux de son développement. Rappelant que le numérique représente désormais 15% du PIB mondial, elle a insisté sur l'impératif pour l'Afrique de ne pas rester en marge de cette transformation. "Nous ne sommes plus dans l'ère de la simple digitalisation. Nous entrons dans l'ère de l'intelligence, portée par l'essor de l'intelligence artificielle agentique, capable d'agir de manière autonome et de raisonner à travers des domaines multiples", a-t-elle affirmé. Selon elle, cette transition profonde doit être saisie par le continent non pas comme un défi, mais comme une opportunité historique. Le Maroc, dans cette perspective, a adopté une stratégie claire : devenir un "technology maker and shaper", et non un simple récepteur. La stratégie Digital Morocco 2030, lancée en 2024, s'appuie notamment sur deux axes : la transformation des services publics et la dynamisation de l'économie numérique. Elle se concrétise par des initiatives comme les JAZARI Institutes, conçus pour irriguer les douze régions du pays en innovation et en formation, ou encore la création d'un hub régional Digital for Sustainable Development (D4SD). La ministre a aussi alerté sur les fractures à combler : seulement 1% des capacités mondiales de data centers sont en Afrique, moins de 0,5% des publications en IA proviennent du continent, et 95% des données d'entraînement des modèles ignorent les langues et contextes africains. Elle a donc lancé un appel à une mobilisation collective pour co-développer des modèles ouverts, investir dans des infrastructures souveraines, et former les 10 millions de professionnels en IA que l'Afrique devra compter. Préserver la sécurité numérique pour bâtir une souveraineté digitale Prenant la parole au nom des Émirats arabes unis, Dr Mohamed Al Kuwaiti, Head of Cybersecurity du gouvernement, a insisté sur l'importance de la cybersécurité dans toute stratégie de développement numérique. "La sécurité est un pilier sans lequel aucune souveraineté numérique ne peut émerger. C'est une condition de la confiance, sans laquelle les citoyens, les entreprises et les États ne peuvent s'approprier les technologies de demain", a-t-il indiqué. Il a salué la vision du Maroc en matière de transformation numérique, affirmant que celle-ci fait du Royaume un exemple à suivre sur le continent. Dr Al Kuwaiti a également souligné l'urgence de bâtir des systèmes résilients, interopérables et alignés avec les standards internationaux, tout en étant adaptés aux contextes régionaux. La cybersécurité, a-t-il ajouté, n'est pas uniquement une affaire de technique : elle doit être pensée dans un cadre de coopération entre gouvernements, entreprises et centres de recherche. C'est dans cet esprit que les Émirats poursuivent leur engagement dans le Gitex Africa, qu'ils considèrent comme une plateforme idéale pour développer des synergies Sud-Sud. Le Maroc entend jouer un rôle de pionnier dans l'avènement d'une Afrique numérique souveraine Le directeur général de l'Agence de développement du digital (ADD), Sidi Mohammed Drissi Melyani, a réaffirmé pour sa part l'engagement du Maroc à jouer un rôle central dans l'émergence d'un écosystème numérique africain. Il a insisté sur la nécessité de bâtir des solutions locales à partir des spécificités africaines. "Nous avons besoin d'un modèle africain d'innovation numérique, enraciné dans nos réalités, nos défis et nos talents", a-t-il expliqué. Le Maroc, à travers l'ADD, pilote plusieurs projets pour renforcer les capacités locales, structurer les écosystèmes régionaux et favoriser les transferts de savoir-faire. M. Melyani a également évoqué l'importance des partenariats public-privé, de l'implication des jeunes, et de l'investissement dans des infrastructures pérennes. Un événement pour rassembler et accélérer la transformation La CEO de Kaoun International, Trixie LohMirmand, est d'avis quant à elle que l'Afrique est à un tournant majeur de son histoire numérique. Selon elle, l'intensité des échanges et la diversité des acteurs présents à Marrakech témoignent de l'aspiration du continent à prendre sa place dans l'économie mondiale de l'innovation. "Gitex Africa est une plateforme de convergence. Nous avons ici des startups, des gouvernements, des chercheurs et des investisseurs. C'est ce croisement qui permet de faire émerger des idées audacieuses, des collaborations inédites, et des solutions adaptées aux enjeux africains", a-t-elle expliqué. Mme LohMirmand a également insisté sur le rôle des femmes et des jeunes dans l'accélération de la transformation numérique. Elle a salué l'effort du Maroc pour faire du digital un moteur de croissance inclusive, tout en appelant à davantage de coordination entre pays africains pour bâtir une souveraineté collective dans le domaine des technologies. "L'ère de l'intelligence n'est pas une compétition. C'est une mission pour tous. Et l'Afrique peut en devenir l'un des leaders, à condition de marcher ensemble", a-t-elle conclu.