Face aux défis croissants liés au contentieux, le Royaume a lancé des Assises nationales pour repenser la prévention et la gestion des litiges impliquant l'Etat. Les Assises nationales sur la prévention et la gestion du contentieux de l'Etat ont officiellement débuté mardi 15 avril à Rabat, sous le thème : « Un levier pour la préservation de la légalité, la stabilité de l'investissement et la rationalisation des dépenses publiques ». Cette initiative, orchestrée par le Ministère de l'Economie et des Finances via l'Agence judiciaire du Royaume, « vise à renforcer la réflexion stratégique autour des mécanismes de prévention des risques juridiques et de gestion efficiente du contentieux impliquant l'Etat et ses démembrements, dans une perspective de bonne gouvernance, de sécurité juridique et de performance administrative », selon un communiqué de presse. La cérémonie d'ouverture a été marquée par la présence de hautes figures institutionnelles, dont la ministre de l'Economie et des Finances, le ministre délégué chargé du Budget, le Premier Président du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, le Procureur général du Roi près la Cour de cassation, le Ministre de la Justice, ainsi que l'Agent judiciaire du Royaume. Les intervenants ont unanimement souligné l'impératif de placer la prévention des litiges au centre de la modernisation de l'action publique. Ils ont également insisté sur la nécessité de professionnaliser la gestion du contentieux afin de protéger les finances publiques, de sécuriser les investissements et d'améliorer les services aux citoyens et aux partenaires de l'administration. Près de 100% d'augmentation des litiges étatiques en dix ans Dans son allocution d'ouverture, la ministre de l'Economie, Nadia Fettah Alaoui, a souligné l'importance cruciale de la gestion des litiges pour l'efficacité de l'Etat et la protection des deniers publics. Elle a notamment mis en lumière une tendance préoccupante, déclarant : « Conformément à ce que confirment les statistiques relatives aux litiges impliquant l'Etat, lesquelles ont connu une augmentation de près de 100% en l'espace de dix ans, puisque le nombre de nouvelles affaires reçues par l'Agence Judiciaire du Royaume est passé de 14 505 nouvelles affaires en 2014 à 21 218 nouvelles affaires en 2024. Il est particulièrement alarmant de constater que ce chiffre ne concerne que le tiers des litiges de l'Etat. En effet, les tribunaux administratifs du Royaume enregistrent 60 000 affaires par an, tandis que l'Agence Judiciaire ne reçoit que 20 000 nouvelles affaires annuellement, ce qui s'ajoute au stock considérable d'affaires en cours, avoisinant les 200 000. » Cette situation, a-t-elle ajouté, appelle à une réflexion approfondie et à des mesures concrètes pour optimiser la gestion des contentieux et renforcer la transparence. Ces assises s'inscrivent dans une dynamique nationale de réforme et d'amélioration de l'efficience administrative. Elles visent à instaurer une gouvernance juridique proactive, capable d'anticiper les risques contentieux et de favoriser une coordination accrue entre les divers acteurs publics concernés, indique-t-on. Un moment significatif de cette première journée a été la signature de la Charte portant création du Réseau de coopération et de coordination en matière de gestion du contentieux. Ce réseau, initié par l'Agence judiciaire du Royaume et regroupant les Ministères de l'Intérieur, de la Justice, de l'Equipement et de l'Eau, ainsi que de l'Education nationale, du Préscolaire et des Sports, ambitionne de renforcer la défense des intérêts de l'Etat devant les tribunaux et les instances d'arbitrage. Il prévoit également des programmes conjoints de prévention, le développement des compétences juridiques et une veille stratégique sur les risques contentieux. La Charte prévoit notamment la création d'une plateforme numérique pour centraliser et suivre les données des litiges étatiques, offrant ainsi un outil d'aide à la décision stratégique. Les meilleures pratiques issues de ce réseau seront progressivement étendues à l'ensemble de l'administration, lit-on dans le document. Parallèlement, une convention de partenariat a été signée entre l'Agence judiciaire du Royaume et l'Ecole Nationale Supérieure de l'Administration, ouvrant la voie à des programmes de formation continue et de renforcement des capacités pour les fonctionnaires en matière de gestion du contentieux. La ministre a ensuite exprimé son espoir quant à l'issue de cette rencontre : « j'espère que ces Assises seront l'occasion d'élaborer des recommandations et des conclusions permettant de mettre en place une stratégie nationale pour la gestion et la prévention des litiges de l'Etat, qui prenne en considération les contraintes constatées au niveau juridique dans le domaine de l'expropriation, la nécessité de promulguer la loi régissant le domaine privé de l'Etat et de réviser le cadre juridique organisant l'Agence Judiciaire du Royaume, ainsi que d'autres problématiques de nature juridique ». Les travaux des Assises se déroulent sur deux jours et réunissent un large éventail de parties prenantes. Des experts et de hauts responsables du Maroc et de plusieurs pays étrangers (France, Espagne, Sénégal, Egypte, Royaume-Uni) participent à des sessions plénières et des ateliers thématiques axés sur des enjeux clés tels que les fondements d'une stratégie nationale, l'anticipation des risques, l'adaptation du cadre juridique, le traitement des litiges liés à l'investissement, le rôle de la gouvernance numérique et les défis liés aux litiges fonciers et à l'exécution des décisions de justice.