Lors d'un tête-à-tête impromptu à Moscou, le président français et son homologue russe ont évoqué la crise ukrainienne. À l'issue de la rencontre, Vladimir Poutine a dit espérer que la Russie sera remboursée si la France ne livrait pas les Mistral. «J'ai entendu votre discours. Il faut éviter qu'il y ait d'autres murs qui viennent nous séparer. À un moment, il faut être aussi capable de dépasser les obstacles et trouver les solutions», a lancé d'entrée de jeu le président français, François Hollande, samedi 6 décembre, à l'aéroport de Vnoukovo, près de Moscou. C'est là que l'attendait son homologue russe Vladimir Poutine pour un tête-à-tête impromptu. Le discours en question a été prononcé deux jours plus tôt par le chef du Kremlin, qui n'a cessé de pointer la responsabilité des Occidentaux dans la crise ukrainienne et l'absence de dialogue entre l'Europe et la Russie. En provenance du Kazakhstan, où il effectuait une visite officielle de deux jours, le président français, premier dirigeant occidental à se rendre en Russie depuis le début du conflit en Ukraine, s'est entretenu pendant un peu moins de deux heures avec son hôte. Une brève rencontre que les deux hommes affirment avoir essentiellement consacrée à la crise en Ukraine mais qui, au final, n'a donné lieu qu'à des déclarations d'intention. «Utiliser tous les instruments pour sortir de cette crise» «Aujourd'hui, je voulais envoyer un message qui est celui de la désescalade. Elle est possible», a souligné à l'issue de la rencontre le président français, qui plaide pour une fin du conflit en Ukraine. Et d'ajouter : «Nous devons utiliser tous les instruments pour sortir de cette crise. L'instrument, c'est tout simplement le protocole de Minsk», du nom de la capitale biélorusse, où un accord de cessez-le-feu fut conclu le 5 septembre, avant d'être progressivement rompu par les deux camps. De son côté, Vladimir Poutine a indiqué que la Russie soutenait l'intégrité territoriale de l'Ukraine et qu'il espérait «dans un proche avenir, qu'une décision finale liée au cessez-le-feu sera prise. Nous en avons parlé de façon très détaillée avec le président français», a-t-il fait savoir, sans préciser s'il faisait référence aux nouvelles négociations de paix, qui doivent se dérouler le 9 décembre prochain dans la capitale biélorusse. Mistral : «Nous espérons qu'on nous rendra l'argent que nous avons dépensé» À en croire les deux dirigeants, la livraison, pour l'heure suspendue, du premier des deux navires Mistral que Paris a vendus à Moscou n'aurait pas été évoquée. Tout juste Vladimir Poutine a-t-il espéré à l'issue de la rencontre que la Russie serait remboursée si la France venait à annuler la livraison. «Il y a un contrat, nous partons du principe qu'il sera respecté, sinon nous espérons qu'on nous rendra l'argent que nous avons dépensé», a indiqué le chef de l'État russe. Le 25 novembre, François Hollande a en effet annoncé le report «jusqu'à nouvel ordre» de la livraison du premier Mistral, considérant «que la situation actuelle dans l'est de l'Ukraine» ne la permettait toujours pas. «On pourrait ne jamais livrer, a même indiqué, vendredi, son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Il faut que les Russes se rendent compte de cette situation», a-t-il insisté. Face au refus de Paris d'honorer la vente des deux navires conclue en juin 2011 par son prédécesseur Nicolas Sarkozy, Moscou profère régulièrement des menaces d'amendes et de dédommagements. La France «doit remplir toutes ses obligations» pour la livraison à la Russie du navire de guerre Mistral, qu'elle s'est engagée à lui vendre, faute de quoi sa «réputation» sera en jeu, a insisté vendredi le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. De fait, le dossier des Mistral constitue un véritable dilemme pour Paris. Soit la France livre le premier navire et se met à dos ses alliés, les États-Unis en tête, avec lesquels elle impose des sanctions à la Russie pour l'obliger à négocier dans la crise ukrainienne. Soit elle ne le livre pas, et sa crédibilité en matière de contrats internationaux en sera affectée, alors qu'elle tente de vendre son avion de combat, le Rafale, à plusieurs pays. François Hollande a déclaré à plusieurs reprises que le cessez-le-feu devait être pleinement respecté en Ukraine avant la livraison du Mistral. Mais cet espoir s'amenuise à quelques jours de l'entrée en vigueur d'une trêve, les combats entre forces loyalistes et séparatistes pro-russes ont redoublé d'intensité dans l'est du pays, où six soldats ukrainiens ont été tués en 24 heures.