Le phénomène criminel connu sous le nom du TCHARMIL semble connaitre et faire connaitre un répit, les journaux en parlent moins, les politiciens l'ont expliqué selon la position des partis, et les forces de l'ordre ont répondu selon les moyens disponibles. Certains délinquants ont retrouvé le chemin des cellules, d'autres se sont cachés derrière maman, ou se sont carrément convertis en changeant de coupe de cheveux. Devant cette description quasi virtuelle, et teintée de sarcasme, la question de la sécurité demeure une préoccupation constante. Le quotidien du citoyen se poursuit tantôt rassurant, tantôt inquiétant, le discours officiel fait état de baisse de la criminalité, alors que les médias rapportent des faits qui disent le contraire. Cette confusion n'arrange pas les choses, amplifiant le sentiment d'insécurité chez les citoyens. Mais alors, qui dit vrai ? et à quel saint se vouer ? Des explications savantes ont été avancées par des spécialistes, dont certains ont poussé la réflexion jusqu'à faire un rapport entre la délinquance juvénile et l'art culinaire, en donnant des recettes sur le Tcharmil. La couverture médiatique a mis ces comportements criminels au devant de la scène, en générant un état de panique, la réaction officielle n'a pas tardé à se manifester, avec des vagues d'arrestations, pour mettre en hors état de nuire, puis des discours rassurants qui ont laissé des sceptiques. En fait, il est vrai qu'il y a lieu de discerner entre l'insécurité et le sentiment d'insécurité, tout comme il faut reconnaitre l'existence d'un certains chiffre noir, sur la criminalité non répertoriée, des nuances qui risquent de faire bondir les statistiques, sur le taux de la criminalité. Par ailleurs, fait à noter, le profil d'âge des auteurs du Tcharmil, permet aisément de déduire qu'il s'agit d'une délinquance juvénile. Cette première caractéristique est un indicateur important, qui suppose l'implication des agences, institutions, autorités et intervenants spécialisés. La délinquance juvénile n'est pas toujours un acte de menu larcin, elle peut se manifester par des comportements aussi graves que la criminalité chez les adultes. Toutefois, en s'intéressant aux mobiles, en étudiant les circonstances, la délinquance juvénile est souvent porteuse de messages. Détresse, désespoir, appel a l'aide, cri du cœur, des réactions à un mal de vivre. Un premier survol nous permet donc de référer les causes de ce mal à des considérations socio-économiques. La pauvreté n'est pas nécessairement un facteur criminogène, par contre les conditions que génèrent cette pauvreté, peuvent servir de tremplin à la délinquance. Faute de recherches, de centre d'études, d'Institut criminologique, la réaction sociale demeure impulsive, au lieu de s'intéresser au message, on s'attaque au messager. La répression peut, en effet, ramener le calme temporairement, mais celui-ci reste précaire, le mal persiste, la crise demeure en latence, avec un haut risque de récidive. Dans une société en mutation, comme c'est le cas au Maroc, le tissu social est mis à rude épreuve. La démocratisation des institutions, l'ouverture sur le monde, l'avancement technologique, interpellent le mode de vie en place, la culture et les valeurs. Les jeunes sont exposés à des modèles de sociétés, qui exportent des clichés, ou à des idéologies obscurantistes. La libéralisation des moyens de communication a mis devant ces jeunes des produits de consommation, qui ne sont pas toujours a la portée. Face a l'incitation, voire l'excitation des impulsions adolescentes en ébullitions, le jeune est plongé dans le paradoxe, celui qui le conduira vers la violence et des aberrations comme le Tcharmil. Noureddine RAZIK Expert en Criminologie Spécialiste en protection et réadaptation juvénile au Canada [email protected]