La criminologie est la science par excellence pour comprendre, expliquer et traiter le phénomène criminel. Elle s'apparente à la sociologie, la psychologie, le droit et autres disciplines. Certaines théories criminologiques avaient abordé la criminalité en référence à des facteurs physiologiques, héréditaires, et biologiques, d'autres plus récentes l'étudient sous des angles, psychologique, ou socio-économique, enfin des courants de pensée évoquent la combinaison des facteurs contextuels et personnels. De plus en plus, des considérations économiques, culturelles, et politiques sont au cœur des préoccupations des criminologues. Chose certaine, la criminalité évolue, parfois plus vite que la réaction sociale, notamment celle des agences de répression, si l'action se limite à mettre en hors état de nuire. En effet, les arrestations et l'emprisonnement des auteurs de crime peut générer un certains calme précaire, malheureusement, le milieu carcéral n'est pas toujours propice à la réadaptation et la réinsertion. Pour les jeunes délinquants, le recours exclusif à des mesures répressives a un effet pervers, pour cette catégorie de contrevenants, la prison peut devenir une école du crime, une graduation dans le cheminement criminel. Si le crime est un fait social inévitable, son ampleur et sa nature, sont des indicateurs pour les agents sociaux et pénaux. Minimiser l'apparition d'un phénomène est une imprudence qui peut couter cher. La criminalité agit et réagit, les mesures de défenses sociales, doivent être élaborées en antidote au virus de la criminalité. Au Maroc, les vagues de Tcharmil que viennent de connaitre certaines grandes villes, ont été une épreuve pour la sécurité du public, la prévalence du sentiment de sécurité, et la mobilisation des forces de l'ordre. La réaction répressive n'est pas toujours le remède, ses effets qui sont de courte durée, laissent souvent des effets pervers. En fait, entre la répression abusive et l'indifférence, il y a une marge de discernement et de savoir-faire. Il n'est pas surprenant de constater qu'au lieu d'être un instrument pour les solutions, des agents des forces de l'ordre deviennent partie prenante du problème. À Oujda, un policier est sous enquête après un usage disproportionné de la force, ayant entrainé la mort d'un jeune en état d'ébriété, à Sidi Bettache un Caid reçoit une mesure disciplinaire, après avoir rasé les cheveux d'un jeune, qui s'est suicidé pour s'être senti humilié par le Caid. Des nouvelles de cette catégorie sont de nature à changer le focus de la problématique du crime à celle des interventions abusives, malhabiles des forces de l'ordre. Au manque de rigueur dans le recrutement et la formation de ces agents, il y a lieu de relever l'absence de données fiables, et de repères professionnels. L'intervention policière au Maroc n'a pas un passé reluisant, la terreur semée par les années de plomb a défiguré le rôle du policier, dont l'image demeure ternie par cette époque. La régulation de la répression depuis l'avènement des droits de l'Homme au Maroc, semble désorienter le policier de la vieille école, qui a appris à agir par et seulement pas la force. Ainsi, les délinquants qui se livrent au Tcharmil, crient à leur tour au meurtre, et se cachent derrière la maladresse policière, pour se présenter en victime. Autre source de confusion et d'inquiétude que le citoyen vit quotidiennement, est générée par le décalage des discours, celui des officiels qui minimisent, dédramatisent, et rassurent, et une autre perception alarmante voire alarmiste, que présentent les médias et le grand public. Le citoyen déjà préoccupé par sa survie et celle de sa famille, ne sait à quel saint se vouer. Et les solutions dans tout ça ? Elles existent et même de plusieurs natures, à court à moyen et à long terme. Toutefois des conditions sont nécessaires, pour leur déploiement, dont le courage politique, des planifications stratégiques, et le développement du savoir et du savoir-faire pour. La complexité du phénomène criminel, les changements profonds et les mutations qui se produisent au Maroc, de même qu'ailleurs dans le monde, militent tous en faveur de la création d'un Institut National de Criminologie. * L'auteur de l'article est un spécialiste en protection et réadaptation juvénile au Québec, Commissaire aux libérations Conditionnelles, il a contribué activement dans l'élaboration des législations et politiques pénales des mineurs au Canada. 514 730 5615 [email protected]