Le Maroc est vraiment à la mode, ces derniers temps, auprès de tout ce que compte l'Europe francophone comme énergumènes fantasques. Après Luk Vervaet, un gauchiste sympathisant de criminels et terroristes embastillés, voici un autre belge, Pierre Piccinin da Prata, personnage encore plus flou que le précédent, qui se porte en soutien à Ali Aarrass, membre du Mouvement des Moujahidines au Maroc, condamné à 15 ans de prison pour trafic d'armes, peine réduite à 12 ans en appel. Dans un entretien avec la sœur d'Ali Aarrass, Farida, publié sur le site «Courrier du Maghreb et de l'Orient», dont il est le rédacteur en chef, Pierre Piccinin da Prata entame ainsi son article : «Ali Aarrass, libraire à Bruxelles, accusé à tort, de toute évidence, d'association terroriste dans le cadre de l'enquête sur les attentats de Casablanca (qui avaient ébranlé le Maroc en mai 2003), puis, plus simplement, de trafic d'armes». Accusé à tort, de toute évidence ? On a de la peine à s'imaginer que l'auteur de ces propos est un professeur d'histoire, tenu par le respect d'une grande rigueur scientifique. Depuis quand les accusations pour avoir perpétré des actes criminels sont-ils jugés fondés ou non sur la base d'«évidences» ? Mais il est vrai que les faits, autant Pierre Piccinin da Prata que Farida Aarrass s'en moquent royalement. Ils vont même jusqu'à se contredire mutuellement. Quand l'un affirme au début de son article entretien qu'Ali Aarrass a d'abord été poursuivi dans le cadre de l'enquête sur les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, avant d'être accusé «plus simplement de trafic d'armes» (le trafic d'armes, c'est aussi simple que ça ?), l'autre lui précise pourtant que l'accusation relative aux attentats n'était qu'une rumeur qui n'a jamais été portée sur aucun document officiel. Farida Aarrass est une femme meurtrie par l'emprisonnement de son frère. Elle en est arrivée à affirmer, toute honte bue, que «Mellila, ce n'est pas le Maroc, c'est l'Espagne». Aucun marocain ne dirait jamais ça. D'ailleurs, elle ne se considère pas comme telle. «Nous ne parlions même pas l'arabe, seulement un peu le dialecte, que nous pratiquions avec notre mère», précise t-elle au cours de l'entretien. Pierre Piccinin da Prata, c'est un cas vraiment à part. En matière de singularité, il bat à plate couture son compatriote Luk Vervaet. Reporter en Syrie, il a estimé la révolte populaire contre le président syrien surestimée, quand elle était réellement portée par une majorité de syriens, puis que le peuple s'est effectivement soulevé contre le régime, quand les terroristes jihadistes avaient détourné cette révolution. Avant de se faire enlever par ses amis jihadistes, en avril 2013, puis libéré après que l'Italie ait payé une rançon pour sa libération et celle d'un journaliste italien. Pourtant, il a passé trois semaines en compagnie des jihadistes takfiristes à Alep, assiégée par les troupes de l'armée régulière syrienne. Pierre Piccinin da Prata s'est déjà fait arrêter par les autorités syriennes pour espionnage. Le ministère des affaires étrangères belge s'est empressé de déclarer que ce personnage flou n'appartenait ni aux services de la Sûreté de l'État, ni à ceux des renseignements militaires. Il arrive souvent qu'un journaliste se fasse accuser d'espionnage, mais rarement que les autorités de son pays annoncent publiquement qu'il ne travaille pas pour ses services de renseignement. D'ailleurs, les Syriens ne l'ont pas accusé de semer la zizanie chez eux pour le compte de son pays, la Belgique, mais pour celui de la France. Le journal français «Le Monde», qui a pourtant publié quelques uns de ses écrits, a publié un article spécialement consacré à ce drôle d'oiseau, le 6 juin 2012, intitulé «Les mésaventures de "Tintin" au pays de Bachar». Et l'écrivain franco-américain, Jonathan Littell, lauréat des Prix Goncourt 2006 et du Grand Prix du Roman de l'Académie française de la même année, l'a qualifié de «crétin». C'est donc à ce «chercheur sans qualification», comme l'a si bien qualifié le journal «Le Monde», que l'on doit l'entretien avec la sœur d'Ali Aarrass, en soutien à sa prétendue innocence. «Qu'est-ce qu'on lui reproche ?» demande Piccinin à Farida Aarrass, à propos de l'arrestation, le 3 novembre 2006, de son frère par la police espagnole. Trafic d'armes, répond la soeur. C'est-à-dire exactement la même accusation pour laquelle il a été extradé de l'Espagne vers le Maroc, où il a été jugé et condamné. Toutefois, précise Farida Aarrass, «plusieurs juges l'interrogent et, finalement, ils déclarent qu'il n'y a aucune charge contre lui et qu'il peut être libéré sous caution». Une caution de 26.000 euros ! Vous en connaissez des personnes arrêtées, mais contre lesquelles aucune charge n'a été retenue, qui doivent néanmoins verser 26.000 euros de caution pour être libérées, avec interdiction de quitter le territoire ? Ali Aarrass a été arrêté à nouveau, par la police espagnole, le 1er avril 2008. Le traitement réservé à ce gentil père de famille, membre d'une organisation terroriste et trafiquant d'armes, par les autorités espagnoles au cours de son séjour dans les geôles espagnoles ? A l'isolement, 23 heures sur 24, et ce pendant deux ans et demi. Avant d'être extradé au Maroc. Les autorités belges, selon les dires mêmes de Farida Aarrass, n'ont pas bougé le petit doigt à son sujet, ni pendant son séjour en détention en Espagne, ni au Maroc. Bref, à en croire Farida Aarrass, les autorités espagnoles ont arrêté, détenu et extradé son frère à tort, les autorités marocaines l'ont également jugé et condamné à tort, après l'avoir soi disant torturé, et les autorités belges ont refusé, tout aussi à tort, de croire en son innocence. Tout le monde à tort, sauf Ali Aarrass, sa sœur, Luk Vervaet et Pierre Piccinin da Prata. Le comble du ridicule est atteint quand Farida Aarrass raconte le périple de la torture qu'aurait subi son frère au Maroc. Elle prétend qu'il a été torturé à Témara, le siège de la DGST, puis ligoté contre un arbre dans bois, aux environs de Nador, puis dans un commissariat dans le Rif, région du Maroc de 7 millions d'habitants et qui compte plusieurs grandes villes, dont celle de Nador justement, mais que Farida Aarrass désigne comme «la campagne» ! Enfin, retour à nouveau à Témara, pour complément de torture... A aucun moment l'interviewer ne demande à la jeune femme une explication pour ces délocalisations successives et totalement irrationnelles des lieux où son frère aurait été soi disant torturé. En fait, tout journaliste doté d'un minimum de bon sens aurait arrêté l'entretien dès qu'il fût question de séance de torture dans un bois. A moins d'être malintentionné... Même Asfari et Lamtalsi, pourtant grands affabulateurs devant le Créateur, n'ont pas osé proférer une pareille sottise. Seul Moumni, le boxeur escroc qui entend des voix lui parler au téléphone sans personne à l'autre bout du combiné, a raconté plus idiot ; l'épisode où, affamé, assoiffé et torturé pendant plusieurs jours, selon ses assertions, il avait brisé ses menottes, arraché son bandeau et vu passer au même moment le directeur du contre-espionnage, qui s'est alors enfui à sa vue... Fatigué des accusations de tortures qui ont plu comme la grêle dernièrement sur le Maroc, le ministre de la justice a publié un communiqué où il précise que le parquet engagerait des poursuites contre tout agent des services de sécurité de l'État accusé de torture, en application de la législation en vigueur, mais aussi contre quiconque s'amuse à ternir l'image du Maroc, de son appareil judiciaire et de ses services de sécurité en avançant des accusations de ce genre sans fondements. Après «Les mésaventures de Tintin au pays de Bachar», «Les fables de Bart Lecoq sur les Marocains» !