Nombreux sont des écrivains de scénarios qui ignorent jusqu'à l'écriture du scénario. Ce n'est pas parce que vous avez eu l'occasion d'écrire un «scénario», de votre propre gré ou à la demande, que cela fait de vous un «scénariste» attitré. Loin de là. Car l'écriture de scénario obéit à des règles, des techniques, des normes professionnelles qui ne sont pas à la portée de tout le monde. Cela nécessite de l'inspiration, du savoir-faire et surtout une capacité d'imagination peu commune, un pouvoir peu ordinaire à illustrer des histoires par l'image ou par l'image et le son. Cela exige des qualités intellectuelles potentielles ralliant plusieurs qualités à la fois. Mais tout cela ne garantit en rien un bon film. Contrairement à l'écrivain, qui récolte directement le fruit de son imagination, de son travail, le scénariste est tributaire d'autres intervenants tous aux rôles réducteurs. D'abord le producteur, principal commanditaire du scénario dans les pays à forte industrie cinématographique, exige souvent des modifications introduites sous forme d'enrichissement scénaristique et ce,pour mieux répondre aux attentes du public. Pour lui, le souci financier est primordial. Le scénariste, lié au pourvoyeur de fonds par un contrat non équitable, s'exécute à contre-cœur. Puis vient le réalisateur au rôle tout aussi réducteur. S'il ne demande pas une révision officielle du scénario pour une meilleure commodité technique et humaine, l'honneur du scénariste est miraculeusement sauvé. Même s'il s'avère inoffensif de prime abord, le réalisateur a toute latitude de «rénover» le scénario lors du tournage. C'est souvent le cas. Apportant plus de modifications qu'il en faut, il exige que son nom soit mentionné en tant que co-scénariste. Rares sont aujourd'hui les génériques de films qui ne respectent pas cette «intrusion». Ce n'est pas encore fini. Le montage est considéré comme une deuxième écriture. C'est l'occasion de tout revoir à la baisse tenant compte du facteur temporel et rythmique. Supprimer volontairement des scènes revient à affecter sérieusement le scénario original. Parfois, ces suppressions sont effectuées à la demande du producteur, le maître d'ouvrage, à l'insu même de celui qui les a filmées, le réalisateur. Enfin que reste-il d'un scénario constamment diminué, et qui exigé des mois d'écriture et de concentration, payé parfois au plus fort? Un squelette littéraire qui, tout seul, ne peut plus tenir debout.