Cette caricature, signée Saladdin, met en rapport le cinéma et le livre, le cinéma et l'écriture, le cinéma et le roman, voire le cinéma et la littérature. Dès l'époque du cinéma primitif, le livre avait intéressé les professionnels du cinéma. Après avoir épuisé les ressources documentaires et après avoir adapté les pièces de théâtre à grand succès, les gens du cinéma tombent en crise d'imagination. Le livre, d'histoire séculaire, va constituer la nouvelle source d'inspiration. L'écriture du scénario, qui était du ressort des cinéastes eux-mêmes, va changer de registre. Les nouveaux scénaristes sont les écrivains,les nouvellistes ou même les journalistes, c'est-à-dire qui sachent manipuler la plume. On les sollicite d'écrire pour le cinéma en élaborant un scénario ou en adaptant un roman célèbre. L'arrivée des écrivains au cinéma a certes eu un heureux impact. Le film, objet de spectacle, a fini par acquérir une notoriété spirituelle en évoquant Hugo ou Shakespeare au cinéma. Le cinéma est sorti renforcé de références littéraires intéressant le monde intellectuel. Il ne s'agit plus de visionner de vulgaires spectacles à connotation comique seulement, mais d'assister à des illustrations de situations dramatiques auxquelles avait déjà adhéré le public intellectuel. Le film va constituer le prolongement d'un imaginaire fructifié par les écrivains en complicité avec les cinéastes. Néanmoins, l'écriture pour le cinéma présente quelques difficultés. Cet écrivain, porteur le nom de scénariste, est-il censé maîtriser la technique cinématographique ou bien son travail se limite-t-il a morceler son histoire sous forme de scènes filmables. Les métiers et les fonctions de scénaristes varient d'une cinématographie à l'autre et d'un pays à un autre selon l'importance du cinéma dans ces pays et selon même ses spécificités. Il peut traiter la partie d'un roman, reprendre une adaptation ou carrément écrire une histoire à la demande d'un producteur. Dans l'exercice de leurs fonctions, les spécificités des métiers de scénaristes et de romanciers divergent. Le romancier est un écrivain libre dans son imaginaire. Il n'est pas limité d ans le temps et son public est généralement large et inconnu. Il écrit pour tout le monde et pour personne à la fin. Quant au scénariste, il subit fortement la contrainte du temps. Quand on lui confie l'écriture d'un scénario, on lui fixe tout de suite le cadre, s'il s'agit d'un film de cinéma, d'un épisode de feuilleton ou série télévisée. L'imaginaire du scénariste est libre mais cadré. En même temps, on lui fixe une date d'achèvement respectant en général un calendrier de production. En plus, le scénariste ne bénéficie que d'un nombre réduit de lecteurs, notamment le producteur, le directeur de production, le réalisateur et son assistant. En plus, son travail est repris et réécrit dans le temps et dans l'espace, à la demande de production ou pour mieux répondre aux exigences du tournage par le réalisateur. Il peut participer ou non à la rénovation de son propre scénario. Il est certain que les modifications apportées sur un scénario avec ou sans le consentement du scénariste, s'effectuent à contre-cœur par rapport à ce dernier. Lié par un contrat de cessession, le scénariste doit répondre aux exigences de la production à différents stades du tournage et même lors de la post-production. Le rapport entre le cinéma, les romanciers et les scénaristes a souvent été tacheté d'embûches. Il ne fut jamais un rapport sain. Comment l'être alors que la majeure partie des réalisateurs s'accaparent le travail des scénaristes et s'érigent, dès les premières images du film en co-scénaristes « illégitimes ».