Les erreurs de prévision pour la période 2007-12 ont été plus importantes pour les pays où la réglementation des marchés du travail et de produits était la plus stricte avant la crise (Graphique 3). Cela peut s'expliquer notamment par l'importance accordée à l'époque aux données d'avant la crise montrant que des réglementations rigoureuses pourraient contribuer à amortir les chocs économiques (Duval et al., 2007), ainsi que par la prise en compte insuffisante de la mesure dans laquelle des réglementations plus contraignantes pourraient retarder les réaffectations nécessaires entre les différents secteurs pendant la phase de reprise. Troisième explication possible : l'existence d'une corrélation entre les réglementations restrictives et la création de déséquilibres avant la crise qui n'a pas été totalement intégrée dans les prévisions. - La croissance a été plus fragile que prévu au moment de la reprise dans les pays où les banques avaient un faible ratio fonds propres réglementaires / actifs pondérés en fonction des risques en 2007. Cela peut donner à penser que l'impact de l'augmentation rapide du levier financier avant la crise dans un contexte de taux d'intérêt bas n'a pas été suffisamment pris en compte, tout comme la nécessité plus impérieuse pour les banques faiblement capitalisées de se désendetter par la suite. - Il existe de fortes corrélations entre les erreurs de prévision et les variations des cours des actions, de la confiance du secteur privé et des prêts improductifs dans le secteur bancaire durant la période de reprise consécutive à la crise. Cela semble indiquer que les effets de la dégradation des systèmes bancaires et de la confiance fragile ont peut-être été sous-estimés dans les projections.3 Il apparaît que ces variables étaient aussi corrélées aux erreurs de prévision au cours de la période antérieure à la crise (Pain et al., 2014). Fait qui peut surprendre, les indicateurs des facteurs de vulnérabilité avant la crise comme les hausses des prix des logements et la croissance du crédit au secteur privé ne vont en général pas de pair avec des mauvaises surprises en terme de croissance depuis le début de la crise. Une explication possible est que ces points faibles étaient généralement bien connus et incorporés dans les prévisions. Cependant, tous les déséquilibres d'avant la crise n'étaient pas aussi bien intégrés dans les projections, les mauvaises surprises étant en moyenne plus fréquentes dans les pays dont la balance courante était déficitaire avant la crise. Assainissement budgétaire, écarts de rendement des obligations et déceptions en matière de croissance en 2010-11 et 2011-12 En 2010-2012, l'accélération du rythme de la reprise mondiale maintes fois annoncée ne s'est finalement pas concrétisée. Comme indiqué ci-dessus, une sous-estimation de l'impact de la dégradation des systèmes bancaires et du désendettement des banques pourrait être un facteur d'explication (graphique 4). Ces années ont aussi été marquées par l'aggravation de la crise dans la zone euro et par le début d'un assainissement généralisé des finances publiques. Des études du FMI mettent en avant une corrélation négative entre les erreurs de prévisions de croissance du PIB en 2010-2011 dans ses Perspectives de l'économie mondiale du printemps 2010 et les projections d'assainissement budgétaire durant cette période (FMI, 2012 ; Blanchard et Leigh, 2013). Ceci suggère que les multiplicateurs budgétaires ont été fortement sous-estimés. Le tableau est plus nuancé en ce qui concerne les prévisions de l'OCDE publiées dans les Perspectives économiques en mai 2010 et mai 2011 portant sur la croissance cumulée du PIB respectivement en 2010-2011 et en 2011-2012. La projection d'assainissement budgétaire présente une corrélation négative avec les erreurs de prévision de croissance en 2010-2011 (graphique 5, en haut à gauche), mais pas en 2011-2012 (graphique 5, en bas à gauche). Dans l'hypothèse où la première illustre une sous-estimation initiale du multiplicateur budgétaire, les secondes donneraient alors à penser que les prévisionnistes de l'OCDE sont parvenus à mieux évaluer l'impact de l'assainissement dans un contexte de marge de manoeuvre restreinte de la politique monétaire. Toutefois, le résultat pour 2010-2011 n'est pas statistiquement significatif si la Grèce n'est pas incluse. En outre, parmi les pays non-européens, il n'existe aucun lien évident entre la projection d'assainissement et les erreurs de prévision, ce qui jette un certain doute sur l'hypothèse d'une sous-estimation généralisée des multiplicateurs budgétaires. Une autre explication existe : la corrélation entre assainissement budgétaire et erreurs de prévision de croissance pourrait résulter d'une sous-estimation de l'ampleur de l'assainissement, et non pas d'une sous-estimation du multiplicateur budgétaire. En moyenne, dans les économies européennes, le montant cumulé de l'assainissement budgétaire en 2010-2011 était supérieur de 0.8 % du PIB à la projection des Perspectives économiques de mai 2010.4 Le montant effectif de l'assainissement des finances publiques présente aussi une corrélation négative avec les erreurs de prévision de croissance en 2010-11 (cf. Pain et al., 2014), même si celle-ci dépend une fois encore de l'inclusion de la Grèce dans l'échantillon étudié. Les prévisions de l'OCDE au cours de ces années se fondaient sur une hypothèse « du moindre mal » : la crise dans la zone euro était censée s'estomper lentement, et les écarts de taux des obligations d'État entre les autres pays européens et l'Allemagne étaient censés se resserrer pendant la période considérée. En réalité, les écarts de rendement se sont élargis dans de nombreux pays pendant la période étudiée. Il existe une corrélation indéniable entre les erreurs dans les hypothèses d'écarts de rendement et les erreurs de prévision de croissance en 2010-11 (graphique 5, en haut à droite), la croissance étant plus fragile que prévu dans les pays européens où les écarts de rendement des obligations par rapport à l'Allemagne étaient plus importants que supposé. Malgré une évidente relation d'endogénéité entre les écarts de rendement des obligations et les chiffres de la croissance, ce résultat soulève des questions sur la pertinence des hypothèses formulées, notamment l'hypothèse courante d'une atténuation de la crise dans la zone euro durant la période de prévision. D'un point de vue empirique, les erreurs dans les hypothèses d'écarts de rendement des obligations constituent une explication plus importante des erreurs de prévision que la possible sous-estimation des multiplicateurs budgétaires ou la sous-estimation de l'ampleur de l'assainissement des finances publiques. Lorsque ces trois facteurs sont considérés ensemble, les erreurs dans les écarts de rendement des obligations continuent à présenter une corrélation fortement négative et dans la plupart des cas significative avec les erreurs de prévision pour 2010-11; en revanche, il n'existe plus aucun lien entre les erreurs de prévision et l'assainissement budgétaire, prévu ou effectif (Pain et al., 2014). La répétition de cet exercice pour 2011-12 renforce la conclusion selon laquelle l'assainissement budgétaire n'affiche pas de corrélation fortement négative avec les erreurs de prévision. La Commission européenne (2012) fait aussi état d'un résultat similaire.