« Le grand Maghreb qu'ils disent ! On ne voit actuellement que la Libye se déchirer et la Tunisie peiner à retrouver sa stabilité, après leurs révolutions, pendant que le Maroc et l'Algérie continuent à se confronter dans une guerre froide qui ne profite qu'aux dinosaures qui ne veulent pas lâcher les rennes du pouvoir à Alger. C'est la moquerie qu'on suscite plutôt que l'admiration ! ». Ce n'est là l'avis ni d'un expert des relations maghrébines, ni d'un homme politique initié au surréalisme de la situation politique intra maghrébine. Juste celui d'un simple citoyen assez instruit, collecté au détour d'une discussion. Vox populi, vox Dei (la voie du peuple est la voie de Dieu) dit le proverbe et on n'a, effectivement, nul besoin d'être spécialiste du sujet pour se rendre compte que le Maghreb va très mal. Si la situation postrévolutionnaire, de la Tunisie et de la Libye, peut parfaitement expliquer les difficultés auxquelles font face présentement ces deux pays de l'est maghrébin, il en est autrement du vieux et épuisant conflit maroco-algérien, ponctué d'affrontements armés heureusement limités dans l'espace et dans le temps, dénudé de toute logique, à moins de tenir compte du facteur subjectif de la psychologie des dirigeants algériens. Lundi 28 octobre. Bien des articles d'analyses et de commentaires ont été publiés par des organes de presse marocains, algériens et même étrangers depuis le discours adressé par le président algérien Abdelaziz Bouteflika, depuis ce lundi là, aux participants à une conférence de soutien aux polisariens à Abuja, au Nigeria, cherchant à mobiliser des pays africains contre l'intégrité territoriale du Maroc, et le rappel pour consultations de l'ambassadeur du Maroc à Alger qui en a résulté. C'est remontant le fil des derniers événements récents que le présent article cherche à participer au débat nécessaire et incontournable sur l'aggravation actuelle du conflit diplomatique entre ces deux pays maghrébins voisins. Mardi 22 octobre, Starsbourg. Le parlement européen adopte un rapport sur les Droits de l'homme dans la région du Sahel, pour lequel Alger a encore une fois délié largement les cordons de la bourse afin d'obtenir une prise de position en faveur de sa création polisaroïde. Non seulement le parlement de Strasbourg s'est montré attaché aux résolutions de l'ONU appelant à « une solution politique, négociée et mutuellement acceptable » pour résoudre le conflit du Sahara, alors qu'Alger cherchait plutôt une prise de position clairement en faveur de la sécession, mais en plus, les députés européens ont mis l'accent dans ce rapport sur la situation humanitaire désastreuse qui sévit dans les camps de la honte de Lahmada et la double dérive mafieuse et jihadistes des miliciens du Polisario. Il va sans dire que la déception d'Alger était proportionnelle aux fonds et efforts investis à perte sans profit dans cette nouvelle manœuvre diplomatique anti-marocaine. Mais il faut remonter un peu plus loin pour retrouver ce qui pourrait constituer les motivations réelles du récent accès de rage des dirigeants algériens contre le Maroc. Jeudi 19 septembre, Bamako. SM le Roi Mohammed VI assiste en personne à la cérémonie d'investiture du nouveau président malien élu, M. Ibrahim Boubacar Keita et y prononce un discours qui symbolise un tournant historique dans les relations entre le Maroc et le Mali, considéré jusqu'alors comme faisant partie du « pré carré » algérien. Le Maroc, qui a déjà apporté son soutien politique à l'intervention militaire française au nord du Mali pour en chasser les terroristes d'AQMI et consort, s'engage, à travers la voix de son Souverain, à participer à la reconstruction de ce pays africain déchiré par la guerre. L'onde du séisme que cette nouvelle configuration géopolitique a provoqué a secoué le palais d'Al Mouradia, qui voit l'Algérie se couper petit à petit de ce qu'elle considérait comme son arrière cour sahélienne et de son environnement régional. Après la perte de l'allié Khaddafi et l'émergence à Tripoli d'un nouveau pouvoir plutôt hostile à ceux qui ont soutenu le tyran déchu dans sa guerre contre son propre peuple, c'était donc au tour du Mali de quitter l'orbite d'Alger et renforcer ses liens avec « l'ennemi marocain », préférablement apprécié en Afrique subsaharienne pour son pragmatisme géopolitique et son dynamisme économique, dont il fait profiter d'autres pays du continent à travers des partenariats mutuellement bénéfiques. Le Maroc, fort de sa profondeur historique concrétisée par douze siècles de continuité étatique, n'est pas un Etat « idéologique » et ne court pas après un quelconque leadership géostratégique régional, au risque d'offusquer ses alliés africains par une arrogance messianique, comme ce fût le cas pour l'Algérie, malgré sa politique des « mallettes » remplies des dollars de la rente gazière. Les Marocains ont plutôt les pieds sur terre et cherchent surtout à faire de bonnes affaires, puisque c'est ce qui nourrit le peuple de préférence aux slogans idéologiques. C'est affligeant à souligner, mais il est indispensable de prendre en considération les facteurs « rancoeurs » et « jalousie » pour mieux saisir les motivations de l'anti-marocanisme des dirigeants algériens. Malgré, ou plus exactement à cause de son importante rente gazière, l'économie algérienne n'a jamais réussie à se diversifier et se soustraire de sa totale dépendance des recettes des hydrocarbures. La rente a nourrit le clientélisme plutôt que de financer l'économie réelle, avec toutes la dépravation sociopolitique et les conséquences socioéconomiques qui a découlé de cette situation. A la fin des années 2000, l'Etat algérien délivrait encore par centaines des attestations de reconnaissance du statut d'ancien « Moujahid » alors que la guerre d'indépendance a pris fin en 1962. Quiconque en Algérie s'étonne de cet état de fait est automatiquement étiqueté de « harki » (nom donné aux supplétifs algériens de l'armée française au cours de la guerre d'indépendance). Le pire est que, les années de propagande servant à justifier les multiples et graves échecs des politiques économiques mises en œuvre depuis l'indépendance, dont les tristes ratés de la révolution agraire et de l'industrialisation lourde de l'ère du Boumédiénisme, ont vicié la manière même de raisonner des dirigeants algériens. Ainsi Alger a préféré, par exemple, chercher des explications scabreuses au choix de Renault d'installer et ensuite d'accroître les capacités de production de son unité industrielle au Maroc plutôt qu'en Algérie -qui est pourtant un plus important débouché pour les produits estampillé du losange, alors que c'est du côté d'une législation algérienne dogmatique, anachronique en ces temps de mondialisation et donc peu attractive pour les investisseurs étrangers que le bât blesse, outre une administration hyper corrompue. Le coût de la non réalisation de l'union maghrébine est de 2% du PIB de chaque pays de la région. Les dirigeants algériens le savent. Mais rongés par leur animosité et leurs ressentiments envers le Maroc, ils se targuent de pouvoir renoncer à ce manque à gagner grâce à leurs recettes gazières, pourvu que cette situation porte nuisance au voisin de l'ouest. Sans se rendre compte qu'ils ne font ainsi que renforcer les capacités d'adaptation, la combativité et la compétitivité des opérateurs économiques marocains qui se taillent actuellement des marchés en Afrique subsaharienne, avec le soutien des décideurs politiques marocains, tout en renforçant leur partenariat avec leurs homologues européens. De leur côté, la gérontocratie algérienne a tout échoué, mais s'accroche telle une sangsue au pouvoir. Et Il y en a qui souhaiterait qu'elle le reste encore, ne serait-ce que le temps qu'elle mette fin à cette confrontation avec le Maroc qu'elle a crée de toute pièce. Les dinosaures d'Al Mouradia savent pertinemment qu'il s'agit d'un faux problème dont ils ont sciemment intoxiqué leur population. Qu'ils aient au moins la décence de ne pas cracher sur l'avenir de leur nation et celui de toute la région en mettant un terme à cette mascarade qui n'a déjà que trop duré et coûté.