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La dégradation de la situation sécuritaire au Sahel menace le Maghreb et l'Europe
Quel terrain d'entente avec le navrant voisin de l'Est
Publié dans L'opinion le 01 - 08 - 2012

C'est une expression franche et claire de la déception du chef du gouvernement marocain, M. Abdellah Benkirane, envers les dirigeants politiques du pays voisin de l'est. «De pure forme», c'est tout ce que saurait être le prochain sommet de l'Union du Maghreb arabe (UMA), programmé normalement en Tunisie en octobre prochain, a-t-il estimé, et ce tant que les frontières terrestres entre le Maroc et l'Algérie vont demeurer fermées. On sait déjà, par ailleurs, que les autorités tunisiennes pensent que la tenue dudit sommet serait probablement reportée, le contexte actuel ne s'y prêtant pas.
Le coût du non-Maghreb est connu. 980 millions de dollars par an, en termes d'échanges commerciaux, hors hydrocarbures, deux points du PIB de manque à gagner pour chacun des cinq pays de la région. Les Marocains, toutes mouvances politiques confondues, sont pragmatiques. Et le gouvernement marocain, démocratiquement élu, a besoin de réalisations concrètes à présenter dans son bilan de fin de mandat aux électeurs. Si ce n'est pas pour contribuer de manière palpable au bien être des peuples du Maghreb, à quoi pourrait bien donc servir l'UMA ?
«Je crois que c'est politiquement et culturellement important mais pas sur le plan économique», tranche M. Hubert Vedrine, ancien chef de la diplomatie française, lors d'une intervention à la 2eme édition de la conférence économique d'Attijariwafa bank organisée le 23 juillet dernier à Casablanca. «Les échanges inter-Maghreb sont aujourd'hui insignifiants. Un jour, ça le deviendra». D'ici là, il faudrait quand même trouver du travail pour les légions de jeunes sans emploi et veiller à ce que le panier des ménagères soit toujours suffisamment rempli pour pas trop cher. Et ce que les milieux d'affaires marocains ont déjà bien compris, c'est que ce n'est pas du côté maghrébin qu'il faudrait aller chercher de nouvelles parts de marchés et opportunités d'investissement, mais visent plutôt les prometteurs marchés africain et des pays du Golf. Les Marocains n'ont pas d'hydrocarbures pour se complaire dans une économie de rente, c'est en travaillant et en commerçant qu'ils ont toujours subvenu à leurs besoins et qu'ils entendent continuer à développer leur pays.
Sauf que l'on peut tout changer, sauf la géographie. La dégradation de la situation sécuritaire au Sahel, avec l'émergence d'un pseudo-Etat au nord du Mali entièrement contrôlé par les terroristes islamistes du Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest, le Mujao, une branche sécessionniste de la tristement célèbre AQMI, allié aux salafistes touaregs d'Ansar Dine, est entrain de faire planer une sérieuse menace sur les pays voisins du Maghreb, voir même sur l'Europe. Le Mujao a réussi à organiser, juste au début de ce mois, un attentat contre un poste de gendarmerie à Ouargla, une ville de quelque 150.000 habitants dans le sud de l'Algérie, alors que ce pays est censé surveiller de près toute cette partie de son territoire où sévissent habituellement les terroristes de l'AQMI. Et c'est le même Mujao qui avait kidnappé, le 22 octobre 2011, trois travailleurs humanitaires européens en plein camp de Rabbouni, siège administratif d'un autre mouvement terroriste, le Polisario, celui-ci officiellement installé dans le sud algérien.
Le Mujao vient d'ailleurs récemment de libérer les deux otages espagnols, Enric Gonyalons et Ainhoa Fernandez Rincon, ainsi que l'Italienne Rossella Urru, contre la coquette somme de 15 millions d'euros, outre la libération de trois «combattants de Dieu» emprisonnés pour terrorisme dans des pays de la région, dont le mouvement islamiste touareg a exigé la libération. Parmi ces «combattants» remis en liberté, Memine Ould Oufkir, un résidant des camps de la honte de Lahmada, arrêté en Mauritanie pour avoir organisé le rapt des trois travailleurs humanitaires européens. Connaissant parfaitement les camps de Tindouf et ayant un accès direct au lieu de résidence des visiteurs étrangers, c'est Memine Ould Oufkir qui avait planifié et exécuté l'enlèvement desdits otages, avec la complicité d'autres éléments du Polisario acquis à l'idéologie jihadiste, avant de les céder à un groupe armé lié au Mujao.
Bref, trois naïfs sympathisants européens du mouvement sécessionniste Polisario se sont fait enlever dans la partie la mieux protégée des camps de la honte de Tindouf, en Algérie, par un terroriste jouissant de la protection des autorités algériennes, qui a livré les otages à un mouvement terroriste islamiste malien ennemi des Algériens, ayant l'audace de frapper un symbole du pouvoir du pays voisin sur le propre territoire de ce dernier. Après ça, l'Algérie voudrait faire croire qu'elle est apte à jouer le rôle de leader régional en matière de lutte anti-terroriste en ne ménageant pas ses efforts pour en tenir le Maroc à l'écart. «Jusqu'à présent, le régime algérien a prétendu s'autoproclamer le gendarme du Sahel et être le chef de file d'une structure régionale de lutte contre le terrorisme qui était surtout un moyen d'exercer une influence et de se valoriser auprès des Etats-Unis et des pays européens, qui sont par ailleurs sévères sur la situation politique et économique de l'Algérie», écrit Charles Saint-Prot, directeur de l'Observatoire d'études géopolitiques de Paris et spécialiste du monde arabe et de l'Islam. «L'échec d'une gestion sécuritaire algérienne est patent ... »
Incohérence algérienne
Cet échec, juge le géopoliticien français dans un article publié sur le site antlantico.fr, « s'explique par le fait qu'Alger s'est ingénié à écarter l'autre grand de la région, le Maroc, de toutes les structures régionales de coopération en matière de sécurité et de défense. Or, rien ne peut se faire sans le Maroc qui est naturellement un pays du champ, puisqu'il a des centaines de kilomètres de frontières avec la Mauritanie. (…) En tout cas, le jeu algérien est dangereux et d'autant plus vain que le Maroc est une puissance saharienne, sahélienne et africaine de premier ordre que personne ne peut ignorer. Les événements récents démontrent que la stabilité dans toute cette partie de l'Afrique ne peut être garantie sans une forte implication du Royaume chérifien. C'est une évidence qui n'échappe pas aux pays concernés. Lors d'une récente visite au Maroc, le Premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra a demandé l'aide du Maroc. (…) Personne ne peut prétendre se passer de l'expertise du Maroc dans la recherche d'une solution au problème malien et, plus largement, à la question de la sécurité régionale. (…) En réalité, tous les dirigeants africains savent que le Maroc est un acteur essentiel dans toute la zone».
Saint-Prot n'oublie pas de souligner l'incohérence de la politique étrangère du voisin de l'est. «Il est remarquable que la position actuelle de l'Algérie est assez incompréhensible puisque, d'une part, elle prétend défendre l'intégrité du Mali et être hostile à l'instauration d'un Etat de l'Azawad, sachant qu'il y a une forte minorité touarègue en Algérie, et, d'autre part, elle travaille à la création d'un Etat fictif au Sahara marocain, c'est-à-dire qu'elle porte atteinte à l'intégrité du Maroc. De plus, on peut se demander comment l'Algérie concilie ses déclarations visant à préserver la stabilité au Sahel et au Sahara alors qu'elle soutient le mouvement Polisario qui est l'un des facteurs de déstabilisation et d'insécurité dans la région».
Le calvaire des populations des camps de la honte de Lahmada doit cesser. Toute une génération a déjà été sacrifiée et la suivante est promise à un sort encore moins enviable s'il n'est pas permis aux habitants de ces camps de rentrer dans leur pays. 70% des enfants vivant dans les camps polisariens en Algérie présentent des symptômes d'anémie. 30% des enfants de 5 à 12 ans souffrent de malnutrition selon des organisations humanitaires. Et le Haut Commissariat aux Réfugiés, dépendant des Nations Unies, n'arrive toujours pas à recenser les habitants des camps de la honte, puisque l'Algérie le refuse.
Combien de familles ont été privées de leurs enfants, envoyés apprendre la subversion armée à Cuba, où ils ont été exploités dans les champs de canne à sucre et de tabac et même sexuellement en ce qui concerne les jeunes filles, avant de les voir revenir acculturés, meurtris dans leurs chairs et dans leurs âmes, déshumanisés. De l'aveu même de travailleurs humanitaires espagnols, généralement sympathisants de la cause des séparatistes, les jeunes des camps, privés de toute perspective d'avenir, prêtent une oreille de plus en plus attentive aux discours des propagandistes jihadistes. Et le niveau de dégénérescence de l'appareil politique polisarien, rongé par le tribalisme et le détournement des aides humanitaires, n'est pas pour rassurer sur l'évolution de la situation dans les camps. Il y a bien longtemps que même les sécessionnistes polisariens les plus radicaux ont compris que leur mouvement a été créé et soutenu uniquement pour servir les intérêts géopolitiques de l'Algérie dans sa vaine lutte de leadership régionale contre le Maroc.
En fait, c'est là le nœud gordien qu'il faudrait bien un jour aux dirigeants algériens finir par trancher ; l'Algérie ne peut prétendre jouer un rôle positif dans les régions du Maghreb et du Sahel tout en continuant à mener une guerre froide au Maroc. Les généraux algériens doivent bien se rendre à l'évidence, ils n'ont pas réussi à diviser le Maroc, ni à le marginaliser à l'échelle régionale. Les années et les moyens investis pour tenter de mettre des bâtons dans les roues du Maroc ont été tout simplement gâchés, générant une perte sèche des deux côtés de l'Oued Isly. Et malheureusement, ça continue, avec tous les immigrés clandestins subsahariens déversés par la gendarmerie algérienne sur les frontières marocaines, dans le but de lui créer des problèmes et ternir sa réputation. En fait, il s'agit d'une pratique ancienne mais qui aurait pris de l'ampleur depuis le changement de régime en Libye.
Qu'attendre d'un régime qui n'arrive même pas à fournir du courant électrique de manière régulière à sa population alors que le pays regorge de richesses naturelles et que les exportations d'hydrocarbures lui assurent depuis des décennies d'énormes revenus ? Les habitants du désert algérien, d'où sont extraites les richesses qui permettent d'entretenir les terroristes parasites du Polisario, sont les derniers à bénéficier de ces richesses. Le système de prédation et de corruption mis en place par l'élite politique algérienne est si écœurant qu'il en est dissuasif pour les investisseurs étrangers, malgré l'importance du marché du pays voisin. L'Algérie acquiert à l'étranger quasiment la totalité de ce que consomme le peuple voisin et ne produit que bien peu de choses, le marché des importations étant partagé entre les généraux algériens. La mafia au pouvoir qui pille les Algériens a pour ces derniers une telle méprise qu'elle falsifie leur volonté exprimée dans les urnes de manière flagrante et éhontée, comme ce fût encore le cas lors des dernières élections législatives.
Malgré tout, les Marocains auront à trouver un terrain d'entente avec les dirigeants du pays voisin, puisque maintenant c'est de la sécurité de toute la région qu'il s'agit. En attendant que les vents de changement finissent par souffler du côté d'Al Mouradia…


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