Des combattants kurdes cherchaient à asseoir leur contrôle sur une zone pétrolière du nord-est de la Syrie dimanche après avoir pris aux islamistes un poste-frontière avec l'Irak, apprend-on auprès de l'opposition syrienne. Dans la ville frontière de Yaroubiya, des combattants liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) turc travaillaient à résorber des poches de résistance occupées par l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) et le Front al Nosra, deux groupes liés à Al Qaïda, ainsi que par le groupe salafiste Ahrar al Cham. «Les Kurdes contrôlent désormais le poste frontière de Yaroubiya. Ils ont désormais le champ libre pour commercialiser le pétrole de la région, qui devrait appartenir à tous les Syriens. Des milliers d'Arabes ont fui», a déclaré Yasser Farhan, membre de la Coalition nationale syrienne (CNS, opposition). La province d'Hassaké, frontalière avec l'Irak et la Turquie, compte plus d'un million d'habitants, dont 70% de Kurdes et 30% d'Arabes. Les combats qui s'y déroulent accentuent les lignes de fracture ethnique et confessionnelle en Syrie et menacent d'attirer les pays voisins dans la guerre civile syrienne. Selon un communiqué de la CNS, l'infanterie irakienne a attaqué Yaroubiya samedi en coordination avec la milice kurde. Chez les rebelles syriens, on indique que l'aviation syrienne a également bombardé la localité. «Le gouvernement irakien a commis une grave erreur par son ingérence inédite dans les affaires syriennes», lit-on dans le communiqué. Le gouvernement irakien, dominé par les chiites, participe à l'acheminement en Syrie de milices chiites irakiennes qui combattent aux côtés de Bachar al Assad, accuse le communiqué de la CNS. Le président syrien est de confession alaouite, une branche de l'islam chiite. Un responsable irakien de la sécurité a démenti une participation à la prise de Yaroubiya. «La dernière chose dont nous ayons besoin est d'être attirés dans les combats militaires en Syrie. Nous ne nous y engagerons en aucune manière.» Selon d'autres responsables irakiens, certains des combattants kurdes blessés ont été évacués par des véhicules de l'armée irakienne et emmenés dans des zones contrôlées par des combattants kurdes irakiens et ensuite en Irak. REMPART CONTRE AL QAIDA Les combattants kurdes contrôlent plus de 90% de Yaroubiya, selon Rami Abdelrahman, qui dirige l'observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG proche de l'opposition. Une vidéo publiée par l'OSDH montre des combattants kurdes s'occupant d'une tour au poste-frontière et d'autres portant le drapeau des Unités de défense populaire (YPG), une milice kurde. Dans un communiqué, la milice indique que trois de ses membres ont été tués dans les quatre jours de combats qui ont été nécessaires pour prendre Yaroubiya. Elle accuse les combattants islamistes d'utiliser cette ville-frontière pour préparer des bombes et envoyer des kamikazes dans les régions kurdes. Le rôle des Kurdes de Syrie dans la guerre civile, qui oppose des rebelles essentiellement sunnites à la minorité alaouite, est complexe. Différentes milices kurdes ont combattu dans les deux camps tandis que la montée en puissance d'Al Qaïda a renforcé les combattants kurdes liés au PKK auquel s'opposent traditionnellement les partis politiques kurdes non violents. Les Kurdes représentent environ 10% des 23 millions de Syriens. Ils sont concentrés dans la province d'Hassaké, autour de Damas et dans la province d'Ifrin au nord d'Alep, théâtre de durs combats entre Kurdes et rebelles arabes. Depuis le début du soulèvement en mars 2011, le président Assad a retiré une grande partie de ses forces du nord-est kurde mais ses services de renseignements et la police secrète ont conservé une présence à Kamichli et Hassaké, les deux villes les plus importantes de la région, selon des activistes. Massoud Akko, une figure de la dissidence kurde qui vit en exil en Norvège, explique que la communauté kurde, tout en ayant une certaine appréhension au sujet du PKK et de ses alliés, ceux-ci sont considérés comme un rempart contre Al Qaïda. «Avec la Coalition nationale syrienne qui reste silencieuse et la détérioration des conditions économiques dans le nord-est, les Kurdes n'ont personne vers qui se tourner, à l'exception du PKK et de ses alliés et du gouvernement irakien du Kurdistan», souligne Massoud Akko.