Il est parfois de bonnes nouvelles dans ce Proche-Orient bouleversé par la guerre syrienne. Celle venant des Kurdes de Turquie, proche de la paix qui devrait mettre fin à trois décennies d'une guerre fratricide (45.000 morts) avec Ankara, en est une. Le 14 mai, le premier groupe de quinze combattants du PKK (le parti des travailleurs du Kurdistan) est entré au Kurdistan irakien, au nord de l'Irak. Au grand dam des autorités de Bagdad auxquelles personne n'a demandé leur avis. Cette arrivée correspond à la deuxième phase du processus de paix entamé, à la fin de 2012, entre la Turquie et le chef kurde du PKK, Abdullah Ocalan, emprisonné en Turquie. Le 21 mars, il avait appelé ses troupes à un cessez-le-feu unilatéral et au retrait de la Turquie. Cette fois, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan avait répondu favorablement à la main tendue par Ocalan. Pour plusieurs raisons. La première est l'abandon, par le PKK, de ses rêves indépendantistes. Au fil des années, ils se sont évanouis, et Ocalan n'a plus revendiqué que l'autonomie du Kurdistan turc et la reconnaissance de sa langue et de sa culture. Deuxième raison : Erdogan a, lui aussi, intérêt à la paix. Il lutte pour ne pas être entraîné dans le maelström syrien. La chute de Bachar el-Assad inciterait une partie de la minorité kurde de Syrie à soutenir le PKK (c'est déjà le cas), en vue de mettre sur pied un embryon de Kurdistan indépendant. Forts de 25 à 35 millions de personnes, la plus grande communauté kurde est en Turquie (13 à 19 millions), les autres sont disséminés entre l'Irak, la Syrie et l'Iran. De plus, le Kurdistan est une épine dans le pied d'une Turquie qui n'a pas abandonné son désir d'Europe. L'armée turque, kémaliste, très anti-kurde, a toujours mené une répression sévère contre le PKK. Son non-respect des droits de l'homme a toujours été violemment critiqué par l'Europe et handicape Ankara dans sa demande d'adhésion à l'UE. Dernière raison pour Erdogan : il voudrait se présenter à la présidence de la république après deux mandats à la tête du gouvernement. Il estime avoir besoin du vote des députés kurdes pour obtenir une majorité à l'Assemblée nationale. Cette paix qui se profile entre le PKK et la Turquie pourrait cependant être lourde de menace pour l'Irak. Les pourparlers de paix entre Ocalan et Ankara prévoient que 2000 combattants du parti rebelle vont quitter le sol turc avec armes et bagages pour le Kurdistan irakien. Ce transfert inquiète les populations kurdes d'Irak qui craignent, comme par le passé, les bombardements turcs dans l'hypothèse où les combattants relancent la guerre à partir d'Irak. Des milliers de rebelles du PKK y ont leur base arrière. Bagdad, de son côté, est outré d'avoir été mis devant le fait accompli d'une arrivée de rebelles en armes du PKK. Si le Kurdistan est autonome, les autorités irakiennes s'estiment la puissance souveraine sur la partie nord du pays. Et craignent que les Kurdes d'Irak ne finissent par proclamer leur indépendance. Déjà, non seulement le Kurdistan irakien signe des contrats d'exploitation pétrolière avec des sociétés étrangères (avec Total, entre autre) sans en référer à Bagdad, mais il est économiquement tourné vers la Turquie. Le commerce entre les deux pays est florissant.