L'armée turque a attaqué des positions occupées par des rebelles kurdes en Irak et la Turquie amasse des forces à la frontière irakienne mais Ankara ne prévoit pas d'opération majeure dans l'immédiat, apprend-on de sources militaires. Lors de ces incursions entre dimanche et mardi soir, des avions turcs ont pénétré de 20 km en Irak et environ 300 soldats d'infanterie ont marché 10 km en territoire irakien, accentuant la pression sur Bagdad pour qu'il prenne des mesures contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) basés dans le nord du pays. Selon les sources militaires, 34 rebelles du PKK ont été tués lors de ces opérations. Tous les soldats turcs impliqués dans ces opérations sont rentrés en Turquie. Washington et Bagdad craignent qu'une offensive turque de grande envergure dans le Kurdistan autonome ne déstabilise une région jusqu'ici relativement épargnée par les troubles qui mettent le reste du pays à feu et à sang. Espérant échapper à une telle offensive, le Premier ministre irakien Nouri al Maliki a affirmé mardi que les autorités irakiennes allaient interdire leur territoire aux séparatistes du PKK. Ankara assure encore privilégier un règlement diplomatique de la crise. Mais malgré les promesses irakiennes, le gouvernement du Premier ministre turc Tayyip Erdogan fait l'objet de fortes pressions visant à ce qu'il agisse, qui se sont accentuées après la mort dimanche de 12 soldats turcs tués par des rebelles du PKK près de la frontière. A Ankara, le Conseil turc de la sécurité nationale, qui comprend des responsables politiques et de hauts gradés de l'armée, envisage d'éventuelles mesures de rétorsion économique contre l'administration kurde dirigeant le nord de l'Irak en raison de son incapacité à régler le problème. DES OPÉRATIONS "À CHAUD" "Nous renforçons nos effectifs près de la frontière à Silopi et Uludere, avec des soldats venus d'autres régions du pays", a déclaré une source militaire à Reuters. La Turquie, qui dispose de la deuxième armée de l'Otan, a déployé environ 100.000 hommes appuyés par des chars, des chasseurs F-16 et des hélicoptères de combat le long de la frontière en prévision d'une éventuelle frappe de grande ampleur. Des sources militaires interrogées par Reuters affirment que les opérations menées entre dimanche et mardi soir s'apparentent à d'autres frappes ponctuelles menées par le passé. "D'autres opérations 'à chaud' dans le nord de l'Irak pourraient avoir lieu même si aucune n'a été menée encore aujourd'hui (mercredi)", a déclaré un responsable militaire. Mardi, l'Irak a promis au chef de la diplomatie turque Ali Babacan, en visite à Bagdad, qu'il fermerait les bureaux des rebelles kurdes et s'efforcerait de les empêcher d'attaquer la Turquie. Mais Bagdad n'a pas précisé ce qu'il ferait pour limiter la capacité de nuisance du PKK, caché dans les montagnes près de la frontière, où le gouvernement central n'exerce qu'une faible influence. La publication de photos censées montrer huit soldats turcs capturés par le PKK a accentué la pression sur Ankara. Le Conseil turc de la sécurité nationale, présidé par le chef de l'Etat, Abdullah Gül, doit évoquer les derniers développements dans ce dossier lors d'une réunion débutant à 11h00 GMT. "Le Premier ministre a laissé entendre que cette réunion pourrait aboutir à des sanctions économiques, par exemple une rupture de l'approvisionnement en électricité du nord de l'Irak ou la restriction, voire la fermeture, de la circulation au poste-frontière d'Habour", a déclaré Suat Kiniklioglu, un député de l'AKP, au pouvoir. Le nord de l'Irak dépend fortement de la Turquie pour son électricité, son eau et une partie de son approvisionnement en nourriture.