L'Egypte était en proie mardi à une nouvelle flambée de violence, qui a fait dix morts en moins de 24 heures dans des affrontements entre partisans et adversaires du président islamiste déchu Mohamed Morsi. Les affrontements entre pro et anti Morsi aux abords de la place Tahrir au Caire et dans le nord du pays ont déjà fait lundi au moins quatre morts et 26 blessés lundi après-midi, a-t-on appris auprès des services d'urgence. Un homme a été blessée par balle place Tahrir puis «a succombé» après son hospitalisation. Les 26 blessés l'ont été principalement par des tirs de chevrotine. Six personnes ont trouvé la mort mardi aux première heures près de l'Université du Caire, selon le ministère de la Santé, peu après un appel du président par intérim Adly Mansour à la «réconciliation». Deux d'entre elles au moins ont été tuées par un homme qui a ouvert le feu sur des militants pro-Morsi. Les abords de l'Université, proches du centre-ville, sont, avec ceux de la mosquée Rabaa al-Adawiya dans le nord-est du Caire, l'un des deux sites occupés en permanence par les islamistes depuis près de trois semaines. Quatre autres personnes avaient été tuées lundi soir - trois dans la ville de Qalioub, à la périphérie nord de la capitale, et une au Caire, près de la place Tahrir. Quelque 150 personnes ont péri dans des heurts liés aux troubles politiques depuis la fin du mois de juin. Au moins une quarantaine d'autres ont été tuées durant cette période dans la région instable du Sinaï, frontalière d'Israël et de la bande de Gaza, principalement lors d'attaques contre l'armée et la police, ou d'opérations militaires contre des radicaux islamistes. Quatre Egyptiens ont été tués lundi dans des affrontement entre partisans et adversaires du président destitué Mohamed Morsi, dont la famille a annoncé des poursuites contre le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, l'accusant d'»enlèvement». Deux ont été tués dans des affrontements à Qalioub, à la périphérie nord du Caire, tandis qu'un troisième a été écrasé par un train en tentant de s'enfuir, selon des sources de sécurité. Dans la capitale, un homme de 20 ans a succombé à ses blessures par balle aux abords de la place Tahrir, où les partisans des deux camps se sont affrontés à coups de pierres et de de chevrotine. Vingt-six autres personnes ont été blessées dans les heurts près de Tahrir, principalement par des tirs de chevrotine, selon les services d'urgences. La police est intervenue en tirant des grenades lacrymogènes. Par ailleurs, un civil a été tué et quatre militaires blessés par une série d'attaques dans le nord du Sinaï, selon des sources de sécurité. Les violences sont casi quotidiennes dans la péninsule depuis la chute du président islamiste. Dans la soirée, le président intérimaire Adly Mansour a plaidé pour la «réconciliation» nationale, dans une brève allocution télévisée, à la veille de l'anniversaire du renversement de la monarchie en 1952 par les «Officiers libres» conduits par Gamal Abdel Nasser. «Nous voulons ouvrir une nouvelle page pour notre nation: ni rancune, ni haine, ni confrontation, ni offense à ceux qui ont donné pour la patrie», a-t-il déclaré. Les autorités de transition poursuivaient leur programme, avec des consultations du public sur les amendements envisagés pour la Constitution, et la prestation de serment de deux nouveaux ministres, Adel Abdelhamid Abdallah à la Justice et Ibrahim al-Doumeïri aux Transports, des postes que tous deux ont déjà occupés. De leur côté, les Frères musulmans ont réitéré leur rejet des nouvelles autorités en réunissant des membres islamistes de la Chambre haute (Conseil de la Choura), qui assumait la totalité du pouvoir législatif jusqu'à sa dissolution lors de la destitution de M. Morsi. Lors d'une session improvisée à la mosquée Rabaa al-Adawiya, où plusieurs milliers de pro-Morsi sont installés dans un village de tentes, les parlementaires ont réclamé le rétablissement président, et de la Constitution, ainsi que «la fin immédiate de la disparition forcée» de M. Morsi. La famille de Mohamed Morsi, détenu au secret depuis sa destitution par l'armée le 3 juillet, a dénoncé son «enlèvement». «Nous sommes en train d'engager des procédures légales localement et internationalement contre Abdel Fattah al-Sissi, chef du coup d'Etat militaire sanglant, et son groupe putschiste», a déclaré la fille du président déchu, Chaïmaa Morsi, précisant les «tenir pour pleinement responsables de la santé et de l'intégrité du président Morsi». «Aucun d'entre nous n'a eu aucun contact avec notre père depuis l'après-midi du coup d'Etat», a indiqué un fils du chef de l'Etat évincé, Oussama Morsi. Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) réunis à Bruxelles ont appelé à «la fin des arrestations politiques et à la libération de tous les détenus politiques, dont Mohamed Morsi», selon un communiqué. L'UE a réaffirmé sa «profonde inquiétude» face à la situation. Elle a reconnu que «beaucoup d'Egyptiens en manifestant ont exprimé des préoccupations légitimes», en allusion à la mobilisation massive pour le départ de M. Morsi, mais souligné que «les forces armées ne devraient pas jouer un rôle politique dans une démocratie». Plusieurs pays, dont les Etats-Unis, et l'Allemagne, ont exigé la libération de M. Morsi. Les nouvelles autorités s'y sont refusées, mais ont assuré le 10 juillet qu'il était «en lieu sûr» et «traité dignement», sans toutefois livrer la moindre information sur son lieu et ses conditions de détention. M. Morsi a été interrogé le 14 juillet par la justice sur les circonstances de son évasion de prison en 2011, au début de la révolte contre le régime de Hosni Moubarak, selon des sources judiciaires. Des centaines de fidèles de Mohamed Morsi se sont également rassemblés près du ministère de la Défense, brandissant des photos et des banderoles libellées «A bas le régime militaire». Plusieurs centaines d'autres ont manifesté devant le siège du parquet au Caire, scandant «Sissi meurtrier!».