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Syrie / Turquie : Ankara impute l'attentat de samedi aux partisans d'Assad Davutoglu estime nécessaire d'intervenir pour éviter la propagation du conflit syrien
Le gouvernement turc a imputé dimanche le double attentat à la voiture piégée qui a fait 46 morts la veille près de la frontière syrienne à des partisans de Bachar al Assad et a invité la communauté internationale à agir contre le régime de Damas. Neuf suspects, tous de nationalité turque, ont été arrêtés, a annoncé le vice-Premier ministre turc Besir Atalay, ajoutant que le cerveau présumé des attentats était du nombre. Selon son collègue de l'Intérieur, Muammer Güler, l'attentat a été commis par un groupe connu des autorités qui entretiendraient des liens avec les services secrets syriens. Le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu, en visite à Berlin, a affirmé que les auteurs de l'attentat de Reyhanli, ville de la province de Hatay où se trouvent de nombreux réfugiés syriens, étaient également responsables du massacre qui a fait 62 morts il y a une semaine à Banias, sur la côte syrienne. D'après lui, il s'agit de gens qui «appartiennent à une vieille organisation terroriste marxiste» liée au régime d'Assad. «Nous devons être attentifs aux provocations ethniques en Turquie et au Liban après le massacre de Banias», a poursuivi le ministre, qui a en outre jugé le moment venu d'intervenir pour éviter une propagation du conflit syrien. «Il est temps pour la communauté internationale d'agir contre ce régime. Comme la Jordanie, nous accueillons des centaines de milliers de Syriens. Les risques sont de plus en plus importants pour la sécurité des pays voisins», a-t-il souligné. Dans l'après-midi, le chef de la diplomatie turque a fait un point précis de la situation avec son homologue français Laurent Fabius, qui lui a exprimé «la solidarité de la France envers le peuple et les autorités turcs», indique le Quai d'Orsay dans un communiqué. «Les deux ministres sont convenus de se concerter étroitement dans les jours à venir sur les suites à donner à ces événements graves», ajoute-t-il. A la télévision turque, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a affirmé que son pays ne tomberait pas «dans le piège». «Nous garderons notre calme et notre bon sens et nous ne tomberons pas dans le piège où on tente de nous entraîner», a-t-il dit. «Mais quiconque s'en prend à la Turquie devra un jour ou l'autre en payer le prix», a-t-il ajouté. Omran Zoubi, ministre syrien de l'Information, a nié toute implication de Damas dans l'attentat de Reyhanli et l'a jugé de la responsabilité d'Ankara, qui a selon lui pris le parti d'activistes liés à Al Qaïda. «La Syrie n'a pas commis et ne commettra jamais un tel acte, parce que nos valeurs ne le permettent pas. Nul n'a le droit de lancer des accusations sans fondement», s'est-il indigné, selon les propos rapportés par presse officielle. Banias est une enclave sunnite en pays alaouite, minorité issue de l'islam chiite à laquelle appartiennent Bachar al Assad et la plupart des caciques du régime syrien. Côté turc, Reyhanli est devenu une base logistique des insurgés syriens et les milliers de réfugiés qui s'y trouvent sont majoritairement sunnites. L'attentat a été commis alors que les Etats-Unis et la Russie semblaient avoir décidé de mettre leurs divergences sur le conflit syrien de côté. En visite à Moscou, le secrétaire d'Etat américain John Kerry avait déclaré mardi en présence de son homologue russe Sergueï Lavrov, qu'une conférence internationale avec des représentants de Bachar al Assad et de l'opposition pourrait avoir lieu avant la fin du mois. Samedi, un membre de l'administration russe a toutefois jugé le délai trop court et a fait état de divergences sur les personnalités à inviter. La coalition nationale syrienne (CNS), qui fédère l'opposition, se réunira à Istanbul le 23 mai pour décider de sa participation, ont annoncé dimanche des responsables de l'organisme. Le drame de samedi vient en outre souligner la charge que les réfugiés syriens font peser sur les pays voisins, aussi bien sur le plan économique que sur celui de la sécurité. La Turquie en accueille 300.000 à elle seule. L'attentat a été suivi des mouvements de protestation à Reyhanli, dont certains habitants tiennent les réfugiés pour responsables de l'extension du conflit. Des manifestants ont brisé les vitres de voitures immatriculées en Syrie. D'autres s'en sont pris à la politique étrangère d'Ankara. «C'est la politique d'Erdogan (le Premier ministre) qui est responsable. La Turquie n'aurait jamais dû se mettre dans ce pétrin. Nous avons 900 km de frontière avec la Syrie. Ils vont et viennent comme ils l'entendent. Tout le monde a peur ici», a déploré un enseignant. Dimanche, plusieurs centaines de manifestants ont aussi défilé dans le centre de la ville turque d'Antakya, à 50 km de la frontière syrienne. Le cortège, composé surtout de militants de gauche et de nationalistes, a scandé des slogans contre la politique du gouvernement Erdogan. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), ONG proche de l'opposition anti-Assad, le conflit qui dure depuis 26 mois en Syrie a fait au moins 82.000 morts et 12.500 disparus. La plupart des morts sont imputables aux forces gouvernementales et aux milices pro-Assad et la majorité des disparus auraient été arrêtés par la police secrète ou des groupes fidèles au président, ajoute l'ONG basée en Grande-Bretagne.