Avant toute tentative d'analyse critique de la HAT (Haute Autorité du Tourisme) et des ADT (Agences de Développement Touristique), qui restent par ailleurs sujet à discussion et à d'autres réflexions, il est à préciser que toute politique touristique ne peut réussir que si l'on met les moyens financiers suffisants et humains (compétents) qu'il faut. L'argent est le nerf de la guerre touristique. Si le Maroc ne se dote pas du budget conséquent de sa nouvelle stratégie touristique 2020, le secteur n'avancera qu'à petits pas, pour ne pas dire reculera. En effet, pour alléger le handicap de l'aérien, pour favoriser les vols de pointe à pointe vers les destinations touristiques nationales (Marrakech, Agadir, Fès, Ouarzazate ) et pour réussir une bonne promotion régionale, il faut y mettre l'argent nécessaire pour concrétiser les partenariats avec les TO et les compagnies aériennes. Pour tirer profiter de bonnes campagnes de communication, via internet et autres médias comme pour générer de la publicité sur les différents produits touristiques, il faut des budgets largement suffisants. Bref, tous les beaux discours des responsables et les réflexions de concepteurs de stratégies seraient vains s'il n' y a pas un accompagnement budgétaire devant mener à concrétiser les ambitions touristiques tant au niveau national que régional. Rappelons que le secteur du tourisme a été érigé, depuis 2001, en priorité économique nationale. Onze ans après, énormément de choses restent à faire et à corriger, dont une véritable implication des professionnels dans la gestion de la chose touristique locale et régionale. Tant que l'ONMT centralise les décisions concernant la promotion régionale, sans l'implication directe des intéressés, on n'ira pas loin. D'ailleurs les campagnes de promotion passées et actuelles ont toutes souffert de cet handicap largement dénoncé par les professionnels. La nouvelle Constitution ouvre une grande porte car avec le droit à l'accès à l'information (un devoir par la force de la Constitution vis à vis des établissements publics), on a la possibilité de savoir comment est dépensé l'argent de la promotion. Qui imprime les brochures et dépliants par exemple, où les imprime-t-on, quel est le budget relatif à chaque délégation, où passe ce budget etc etc L'objectif étant de permettre aux professionnels d'y avoir clair et de participer aussi à une gestion qui va de paire avec leurs convictions professionnelles de promotion régionale, qui leur revient d'abord car ils sont les premiers intéressés sachant quels marchés les intéressent et comment y parvenir. Cela nous conduit à parler droit des ADT qui, selon la nouvelle architecture de gouvernance, «deviendront de véritables plateformes de concertation et d'échange et constitueront le bras armé de la politique régionale». Or, les professionnels avec lesquels doit se faire cette concertation sont minoritaires dans les Conseils d'administration des ADT. La grande majorité est faite par de hauts fonctionnaires et commis de l'Etat. Alors qu'ils sont les premiers concernés en tant que vrais opérateurs de terrain, les professionnels sont peu représentatifs. Finalement, l'administration va se concerter, d'une manière formelle avec quelques professionnels, mais c'est elle qui va prendre les décisions. Où est passé donc le principe de la régionalisation, celui de la décentralisation et de la déconcentration ? Au chapitre des élus, le conseil d'administration parle uniquement des présidents de régions, or dans les villes à vocation touristique comme Agadir, Marrakech, Fès, Ouarzazate, la présence des présidents de Conseils des villes et Communes Urbaines est nécessaire. Celle des présidents de la Chambre de Commerce et de l'artisanat aussi. Toute politique touristique est vouée à l'échec s'il n'y pas une implication directe des élus locaux et régionaux. Le ministère de tutelle, en collaboration avec le ministère de l'Intérieur, doivent pousser à la constitution de divisions touristiques au sein de chaque commune rurale ou urbaine se trouvant dans un territoire à vocation touristique, pour justement l'accompagnement de la Vision 2020. Rappelons que le statut des ADT précise bien que ce sont des «établissements publics, sous tutelle du Ministère du Tourisme, piloté par un Conseil d'administration composé de représentants du secteur public, privé et élus». Cette composition doit être équitable et accordant à chacun sa place et le nombre de représentants nécessaires et légitimes, car il s'agit de l'application d'une vraie régionalisation avancée qui intègre tous les acteurs et ne doit en aucun cas faire basculer d'une manière démesurée la balance du côté de l'Administration. Cette défaillance, on la retrouve par ailleurs dans la constitution des membres de la Haute Autorité du Tourisme. L'impression que l'on tire est que l'Administration Centrale ne veut pas lâcher prise du tout. Elle veut rester seule maîtresse à bord. L'implication des professionnels et des élus reste importante pour justement permettre de la cohérence dans les futures activités de l'ADT. Ainsi, l'ADT, ne peut se permettre une application judicieuse, le fait de « mettre en œuvre une stratégie intégrée de marketing territorial pour promouvoir la région au niveau régional » qu'avec une réelle implication des professionnels et des élus. Si l'ONMT garde la main mise sur la promotion régionale, on n'avancera pas et on va continuer à vivre les disfonctionnements passés et actuels qui n'ont fait que trop duré. La promotion régionale doit revenir aux ADT, avec une gestion régionale, sur des stratégies définies en commun accord avec les professionnels et les élus, qui doivent avoir le dernier mot sur le programme de promotion qui intéresse le produit régional, auquel ils sont capables de participer à condition qu'ils soient maîtres à bord dans la décision, la conception et l'exécution de cette promotion régionale. Il est incompréhensible de constater que dans les comités Exécutifs prévus des ADT, donc des organes d'exécutions, les membres permanents sont: «Wali, gouverneurs, DG de l'ADT, directeur du CRI, directeurs de l'ADT». L'absence des professionnels et des élus, à travers leurs représentants, est tout de même incroyable. Comment ignorer les gens qui font de la gestion institutionnelle locale et régionale leur travail quotidien ? Comment ignorer ceux qui font du tourisme leur gagne pain et leur raison d'être ? La régionalisation ne se fait pas uniquement avec l'administration. Les premiers à être impliqués sont les élus, les associations professionnelles et les représentants de la société civile. La Vision 2020 veut mettre à l'avant le Développement Durable. Parfait, mais tout développement durable est tributaire d'abord de l'implication des acteurs locaux: élus, associations, coopératives, société civile, université, acteurs économiques et sociaux etc Il est évident que l'approche participative ne doit pas rester juste un slogan mené dans des réunions officielles, elle doit se concrétiser sur le terrain à travers une participation citoyenne véridique, impliquant les représentants de tous les intervenants dans le secteur du tourisme. Le tourisme est en fait l'affaire de tous et non uniquement celle du ministère de tutelle, de l'ONMT ou de la SMIT. En résumé, HAT et ADT oui, mais à condition d'asseoir une participation et une implication réelles qui respectent les doléances des acteurs locaux et régionaux et leur permettent de prend part à la gestion des ADT afin d'arriver à une dynamique qui favorise la concertation, le dialogue et surtout qui permet de corriger les erreurs et de palier aux aléas touristiques à travers les décisions efficaces qu'il faut. A suivre: «De la Haute Autorité du Tourisme: des oublis à corriger »