La réforme du système des retraites au Maroc, sujet polémique entre gouvernement, syndicats et de larges franges sociales, est un chantier socio-économique d'envergure de par les enjeux de taille et les attentes qui le sous-tendent. Engagé depuis 2003, ce chantier s'est avéré d'une actualité impérieuse compte tenu des faiblesses structurelles et opérationnelles que connaît le système de la retraite, exacerbées par le vieillissement de la population ainsi que l'insuffisance du taux de cotisations et des réserves. En effet, le taux de cotisation actuel de la Caisse marocaine des retraites (CMR) est de 20 pc, se plaçant ainsi à distance des 54 pc du taux d'équilibre, selon une étude réalisée par la Direction des assurances et de la prévoyance sociale (DAPS) relevant du ministère de l'Economie et des finances. Quant au taux de cotisation de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), il s'établit à 12 pc avec l'obligation de franchir les 14 pc, afin de garantir l'équilibre financier. D'après l'étude, les fonds et réserves de la CMR sont menacés par l'épuisement à fin 2019, alors que la CNSS tomberait dans l'essoufflement en 2037, au moment où les fonds du régime RCAR, sont censés tenir le coup jusqu'à 2049. Le fardeau démographique s'ajoute à ces contraintes, puisque la population marocaine est menacée de vieillissement. Une enquête du Haut commissariat au plan (HCP) indique, dans ce sens, que l'espérance de vie est passée de 62 ans durant les années soixante à 73,1 ans en 2010, tandis que le nombre de personnes âgées a augmenté à 2,4 millions contre 833.000. Ce vieillissement démographique devrait se traduire par une dégradation du rapport actifs/retraités. Cette dégradation s'avère plus accentuée pour la CMR. Ainsi, le rapport passerait de 4,07 actifs pour un retraité en 2007 à 1,37 actifs en 2060, d'après la commission technique chargée de la réforme des régimes de retraite. La même tendance marquera le Régime collectif d'allocation de retraite, où le rapport démographique devrait passer de 2,7 actifs pour un retraité en 2007 à 0,8 à partir de 2045. Une chute de ce rapport est prévue également au niveau de la Caisse interprofessionnelle marocaine des retraites (CIMR), passant de 3 en 2007 à 1,5 à l'horizon 2060, précise la même source. Quant à la CNSS, le diagnostic de la Commission technique évoque une amélioration du rapport démographique, qui passera de 8,41 en 2007 à 12,58 en 2020 et à 3,9 en 2060. Ce trend baissier menace la soutenabilité du système de la retraite à long terme, puisqu'il faudrait, en moyenne, 3 actifs cotisant pour un seul retraité. Afin de faire face à ces problèmes, une réforme urgente ainsi qu'une révision des différents régimes de retraite ont été nécessaires. Ainsi, la CMR s'est penchée sur l'augmentation du taux de cotisation alors que la CNSS se donne pour priorité l'extension des allocations familiales. Pour sa part, le RCAR a opté pour l'intégration progressive des caisses internes de retraite, alors que la CIMR a baissé le niveau des prestations offertes. La réforme des caisses de retraite, qui “touche les aspects économique, social et politique, nécessite beaucoup de réflexion et de discussions entre les partenaires économiques et sociaux pour aboutir à un consensus , a déclaré à la MAP, M. Lotfi Boujendar, chef de la division des régimes de retraite à la DAPS. Dans ses propositions, a ajouté M. Boujendar, le cabinet Actuaria qui accompagne le gouvernement dans le chantier de la réforme du système des retraites, s'est prononcé pour une nouvelle architecture et l'application d'un paquet de réformes dans le cadre d'une mise en cohérence réglementaire du système de retraite obligatoire . La feuille de route élaborée par le cabinet a proposé une réforme de transition ou une variante alternative . Il s'agit principalement d'un régime de base national combinant répartition et capitalisation géré en système de prestation défini , et des régimes complémentaires différents selon les catégories de populations (secteur public, salariés du privé, travailleurs non-salariés). En outre, la commission technique chargée de la réforme des retraites prendra en compte plusieurs variantes de réforme analysées par rapport à leur faisabilité technique, sociale, économique et politique, tout en respectant le principe de la conservation des droits acquis des affiliés jusqu'à la date effective de la réforme, a fait savoir M. Boujendar. Ces variantes consistent en une simple réforme paramétrique avec garantie d'un taux de préfinancement de l'ordre de 80 pc, afin de redresser la situation financière préoccupante des caisses et de répondre à certaines revendications des partenaires sociaux. Il s'agit également d'une réforme systémique qui obéit à tous les besoins de la couverture de retraite pour les différentes catégories de la population, et qui remplace de façon progressive les régimes actuels, avec plusieurs options (régime obligatoire, deux régimes complémentaires obligatoires, des régimes complémentaires facultatifs des salariés et des non-salariés). Toutefois, la commission technique n'a pas encore tranché pour converger vers un système. Elle attend l'avis du Bureau international du travail (BIT) sur les conclusions de l'étude relative à la réforme du secteur de la retraite pour finaliser ses travaux, en vue de proposer un scénario à la commission nationale, a-t-il poursuivi. Dans l'attente de la concrétisation de la réforme de la retraite, les fonctionnaires et les salariés peuvent-t-ils espérer une retraite paisible et confortable ?. Plus de 1.200.000 personnes ont bénéficié de la retraite en 2010 Le nombre des bénéficiaires du système de la retraite s'est élevé à 1.210.715 en 2010, alors que celui d'actifs cotisants a été de 3.689.252, selon les rapports d'activités des différents organismes de retraite pour l'exercice 2010. Ainsi, la Caisse marocaine des retraites a compté 601.202 bénéficiaires en 2010, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) 378.418, alors que le Régime collectif d'allocation de retraite (RCAR) et la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR) ont compris respectivement 101.263 et 129.832 bénéficiaires. Pour ce qui est des actifs cotisants, ils sont répartis sur la CMR avec 862.938, la CNSS (23.605.43), le RCAR (195.785) et la CIMR (269.986), relèvent les mêmes rapports. Rappelons que la retraite obligatoire est assurée par la CMR qui couvre les fonctionnaires titulaires de l'Etat (civils et militaires) et des collectivités locales. La CNSS couvre, quant à elle, les salariés du secteur privé, alors que le RCAR s'intéresse au personnel des établissements publics et agents non titulaires de l'Etat et des collectivités locales. La retraite facultative est assurée par la CIMR au profit des salariés du secteur privé et des compagnies d'assurance. Par ailleurs, certaines institutions détiennent des caisses de retraite internes, tandis que quelques-unes sont encore gérées par leur institution d'origine telle que l'Office national de l'électricité et les Régies de distribution d'eau et d'électricité. Cependant, plusieurs caisses de retraite internes ont été intégrées au RCAR, notamment l'Office national des chemins de fer en 2002, la Régie des Tabacs et LYDEC en 2003, l'Office d'exploitation des ports en 2004 et l'Office chérifien des phosphates en 2008.