Dans un contexte marqué par l'amenuisement des réserves, l'élargissement de la couverture constitue un véritable défi pour les pouvoirs publics. En attendant 2016, les Caisses de retraite doivent mettre les bouchées doubles pour assainir leur situation actuelle et mieux se préparer à la nouvelle réforme. Dès 2011, les différentes Caisses doivent entamer des réformes paramétriques pour parer aux urgences et assainir la situation actuelle, avant de converger progressivement vers le système cible. La réforme de la retraite est plus que jamais d'actualité. Chaque fois que le débat est ouvert, on ne manque pas de remettre sur la table les erreurs du passé relatives à la générosité des systèmes. Cette dernière est la cause principale des déséquilibres financiers qui planent sur les Caisses comme une épée de Damoclès. A la Caisse marocaine de retraite, les premiers déficits sont attendus dès 2012 et l'épuisement des réserves à partir de 2019. Les déficits seront de l'ordre de 315 millions de dirhams en 2012. Cette Caisse, qui dispose de 65 milliards de dirhams de réserves, sera confrontée à la vague des départs massifs à la retraite : de 149.000 retraités en 2007, ils passeront à 300.000 en 2020 et à 441.000 en 2060, soit le triple des niveaux actuels. La survie de la CMR, dans les conditions actuelles, est tributaire d'une augmentation significative du taux de cotisation : 55% contre 20% en vigueur. Le RCAR, géré par la CDG, devra également faire face à la dégradation de son rapport démographique : 2,73 en 2007 à 2,11 en 2010, avant de tomber à 0,8 en 2040 et 0,78 en 2060. Ce régime enregistrera ses premiers déficits à partir de 2021 où ils atteindront 126 millions de dirhams, avant de chuter à 8 milliards de dirhams en 2060. Pour sa part, la CNSS dispose d'un atout : l'aubaine d'un accroissement de ses cotisants. Leur nombre sera multiplié par 7, passant de 1,8 million de cotisants à 12,3 millions en 2060. Mais, en parallèle, elle connaîtra une évolution du nombre de ses retraités et des ayants-droit. Les premiers atteindront 3,1 millions de retraités, alors que le nombre des ayants-droit sera multiplié par 17 pour atteindre 2 millions de personnes. Contrairement à la CMR et au RCAR, le rapport démographique au niveau de la CNSS passera de 8,4 actuellement à 12,5 en 2020, avant de baisser à 4 en 2060. Cette Caisse connaîtra l'apparition des premiers déficits à partir de 2026. La pérennité de ce régime, dans les conditions de fonctionnement actuelles, est tributaire de l'application d'un taux de cotisation de 14% contre 11,89%. Quant à la CIMR, le bilan actuariel pour l'exercice 2009 confirme la pérennité du régime au-delà de l'horizon de projection (60 ans). Cette année encore, la projection du fonds de prévoyance répond aux deux critères de pérennité fixés par la charte de pilotage. Il demeure ainsi positif sur la durée de projection, et la courbe de projection est ascendante en fin de période. Les tests de sensibilité effectués ont montré que le régime reste sensible au taux de rendement financier et à l'évolution du nombre des actifs cotisants. Globalement, on remarque que les Caisses privées sont mieux loties que celles publiques. Une nouvelle réforme paramétrique Après finalisation de l'étude sur la réforme confiée en 2008 à un cabinet international, mandaté pour faire un diagnostic du système de retraite marocain et proposer des scénarii de réforme adaptés aux contextes démographique, économique et social de notre pays, ce dernier a rendu son rapport en avril 2010. La commission technique a tenu plusieurs réunions pour étudier les scénarii proposés ainsi que les recommandations formulées par l'expert. Le scénario de réforme proposé par le cabinet en charge de la réforme est structuré autour d'un régime de base unique pour les travailleurs (public, privé, professions libérales et travailleurs indépendants), et d'un régime complémentaire autonome pour chaque catégorie de salariés. Récemment, un rapport a été soumis à la commission nationale, présidée par le Premier ministre, pour valider la vision et les choix politiques de la réforme globale du système de retraite au Maroc. La commission technique a fixé l'année 2016 comme date d'entrée en vigueur de la réforme. En attendant, les différentes Caisses devraient normalement entamer, dès 2011, des réformes paramétriques (taux de cotisation, taux de pension, revalorisation des pensions, âge de la retraite…) pour parer aux urgences et assainir la situation actuelle avant de converger progressivement vers le système cible. En parlant de paramètres, le report de l'âge de la retraite à 65 ans est cité comme variable clé pour limiter le déséquilibre financier des Caisses de retraite. Cette réflexion avait provoqué une vive réaction chez les syndicats qui bannissent fortement l'action sur le paramètre âge de la retraite. Les responsables des Caisses de retraite sont tous unanimes pour dire que cette mesure est de nature à améliorer la situation des Caisses de retraite à court et moyen termes. Mais ils sont conscients que le relèvement de l'âge de la retraite ne devrait pas s'appliquer à toutes les catégories socioprofessionnelles et qu'il doit prendre en considération la pénibilité du travail. Pour le cas du régime des pensions civiles géré par la CMR, l'augmentation de l'âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans repousse la date du premier déficit du régime de 3 ans, et la date d'épuisement de la réserve de 2 ans. En dehors du paramètre âge, il en reste deux autres sur lesquels les pouvoirs publics peuvent agir. La baisse du niveau relatif des pensions, soit par une baisse du taux de rendement des cotisations dans le cadre des régimes à cotisations définies, soit de manière indirecte en modifiant les règles de revalorisation des pensions, se veut également une solution. Il existe aussi une autre solution qui consiste à augmenter les ressources de financement de manière directe par une augmentation des taux de cotisation, ou de manière indirecte par un élargissement de l'assiette des cotisants. Par rapport à cette dernière solution, force est de constater que l'élargissement de la couverture constitue un véritable défi pour les pouvoirs publics.