L'Union pour la Méditerranée (UpM) est une «nécessité stratégique» au sein de laquelle le Maroc se veut un acteur «fort et actif» pour défendre ses intérêts. C'est, en substance, la conception que se fait le Maroc du partenariat euro-méditerranéen, exprimée par le président de la Chambre des représentants, M. Karim Ghellab, au cours de la tenue de la 8ème session de l'assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée, les 24 et 25 mars à Rabat. De prime abord, ça peut sembler un pari perdant, surtout que les pays d'Europe s'enfoncent dans une crise économique systémique, dont personne ne voit jusqu'à présent le bout du tunnel. Encore plus si l'on prend en considération la tension permanente au Moyen Orient, exacerbée ces derniers temps par les troubles sanglants en Syrie et les menaces d'attaques israéliennes contre l'Iran. Sans même invoquer le problème palestinien, qui n'est pas prêt d'être résolu et continue de susciter les haines les plus meurtrières. L'UpM, créée en 2008, a peiné jusqu'à présent pour s'ériger comme la structure organisationnelle de rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée et l'avenir ne semble pas plus prometteur. Si l'UpM a besoin, pour s'épanouir, que tous ses pays membres se montrent plus engagés et actifs, à l'instar du Maroc, ces mêmes pays ont et auront encore plus besoin de l'UpM. Les faits sont là, à condition d'ouvrir les yeux pour bien les voir. Le monde est entrain d'assister à un glissement géoéconomique progressif de l'Atlantique et la Méditerranée vers le Pacifique. De plus d'un tiers de la production industrielle mondiale, il y a vingt ans, l'Europe n'en représente plus que le quart actuellement. Le Brésil a surclassé la France, la Corée du sud est positionnée désormais devant la Grande Bretagne dans le tableau des nations les plus industrialisées. L'avenir s'annonce meilleur en Asie, toujours plus dynamique et productive, alors que sur le vieux continent, la rigoureuse austérité prônée pour résorber les déficits et payer les dettes ne manquera pas de juguler la croissance, amenuisant de la sorte les opportunités de relance. Il arrivera le moment où il faudra choisir entre l'Euro et la stabilité sociopolitique de certains pays d'Europe, un choix que finira par trancher l'Allemagne, où l'opinion publique est de moins en moins encline à financer leurs «prodigues» cousins européens. Sur la rive sud de la Méditerranée, c'est un autre chamboulement en profondeur qui est entrain de se dérouler, à travers ce qu'il est devenu convenu d'appeler le «printemps arabe». Et nul ne peut prédire encore avec certitude quels en seront les conséquences sociopolitique et économique aussi bien sur ces pays que sur leur voisinage. Ce qui est d'ores et déjà certain, c'est qu'il faudra du temps à la Tunisie pour regagner la confiance des investisseurs et des touristes étrangers, si d'ici là le conflit idéologique entre Salafistes et militants laïcs tunisiens ne dégénère pas en affrontements plus violents. Alors qu'en Libye, c'est le spectre de la partition qui plane, le conseil des tribus de Cyrénaïque ayant proclamé, le 6 mars dernier, la semi autonomie et l'établissement d'un gouvernement dirigé par le prince Ahmed Al Zoubaïr Al Senoussi, cousin du roi Idriss 1er renversé par Kaddhafi. Il est à souligner que l'essentiel des richesses en pétrole de ce pays maghrébin est justement situé dans cette région. En dépit de la crise et pour la surmonter L'Egypte, toujours dirigée à titre «transitoire» par une junte militaire, c'est un déficit de 24 milliards de dollars qui lui faudra combler et cherche à emprunter 3,2 milliards de dollars au FMI, en se pliant aux «recommandations» si tristement célèbres de cette institution du Bretton Woods, gardienne du «Consensus de Washington». Car, sur les dix milliards de dollars promis par les pays arabes à titre de soutien à l'Egypte d'après la révolution, seul un milliard a été effectivement versé. A Gaza, les missiles israéliens se sont remis à pleuvoir sur les têtes des Palestiniens et l'efficacité dont a fait preuve le système anti-missile appelé «dôme de fer» pourrait encourager les dirigeants sionistes à tenter l'aventure d'une attaque contre les installations nucléaires iraniennes, prélude à un embrasement généralisée de la région, voir de la troisième guerre mondiale, la Russie et la Chine ayant déjà fait comprendre qu'ils n'avaient nullement l'intention de rester les bras croisés en cas de guerre au Moyen Orient. Pendant ce temps, en Syrie, le bain de sang continue, tout en exacerbant les tensions interconfessionnelles chez le voisin libanais. Quand à la Turquie, c'est toute sa stratégie de politique étrangère, conçue et mise en œuvre par le chef de sa diplomatie, M. Ahmet Davutoglu, au cours des dernières années et tournée vers le Moyen Orient, après le refus d'adhésion essuyé face à l'Union Européenne, qu'elle voit maintenant fortement contrariée à cause des évènements en Syrie. Et c'est bel et bien parce que les choses vont si mal que l'UpM prend toute son importance. Mais il faudrait que tous les pays du bassin méditerranéen en prennent conscience et les décisions qui s'imposent. «En faisant preuve de vision et de volonté politique, nous pouvons ensemble avancer concrètement dans bien des domaines de coopération, et ce en dépit de la crise économique mondiale et des tensions régionales qui rythment notre environnement quotidien», fait si bien remarquer M. Martin Schulz, président du Parlement Européen. Seul l'empire romain, dans l'antiquité, avait réussi à unifier les deux rives la Méditerranée, après le déclin de l'influence hellène et la victoire dans les guerres puniques contre Carthage. Mais les deux rives de la Méditerranée n'ont jamais cessé d'influencer réciproquement l'une sur l'autre, le long d'une histoire jalonnée de conflits longs et meurtriers. Maintenant que la «Mare Nostrum» est devenue un espace de partenariat, elle suscite beaucoup moins de passions. Jusqu'au moment où les habitants des deux rives vont se rendre compte que leur histoire commune, forgée autour de cette mer, les rapproche bien plus qu'elle ne les oppose. Et qu'elle constitue le socle d'un regroupement régional qui seul peut leur permettre de tenir tête aux dragons d'Asie et autres condors d'Amérique latine.