La justice espagnole a décidé de rouvrir le cas d'un ressortissant marocain condamné à une lourde peine de prison dans une affaire de viol jamais prouvée qui remonte à 1991 et qui a défrayé la chronique dans le pays. Selon les médias espagnols, un tribunal de Gérone (nord-est de l'Espagne) a été saisi, il y a deux mois, par un ressortissant espagnol, Manuel Borraz, pour rouvrir le cas du Marocain Ahmed Tommouhi, proposant, dans un écrit, au tribunal de prendre en considération une preuve «ADN», laissée de côté et qui pourrait innocenter le Marocain et identifier l'un des présumés auteurs d'une série de viols commis dans les années 1990 à Tarragone et Barcelone. Manual Borraz, qui n'entretient aucune relation avec le Marocain Tommouhi et son compatriote Abderrazzak Mounib, également condamné dans cette affaire et qui est décédé en prison, a eu connaissance de cette preuve «ADN» après avoir lu un livre-enquête consacré à ce cas qui faisait état de l'existence d'analyses ADN encore conservées à l'Institut de Toxicologie de Madrid, rapportent les journaux «El Pais» et «Publico». Suite à cette saisine, le tribunal d'instruction de Blanes (Gérone) a décidé le réexamen de cette affaire, en ordonnant à l'Institut de Toxicologie de Madrid d'analyser les preuves «ADN «, retrouvées il y a 20 ans, et de les comparer avec la base de données «ADN» dont dispose le ministère de l'Intérieur. Selon «EL Pais», «cette procédure pourrait non seulement résoudre un délit resté impuni, mais également rétablir la réputation de deux Marocains innocents et confondre un autre suspect dans cette affaire, un Espagnol Antonio Garcia Carbonell «, un violeur en série condamné à plus de 250 ans de prison pour une série d'agressions sexuelles en 1995 à Barcelone et Tarragone avec le même modus-operandi que celles pour lesquelles avaient été condamnés à la va-vite les deux ressortissants marocains. Ahmed Tommouhi, qui est resté en prison jusqu'à 2007 où la justice lui a accordé la liberté conditionnelle, a toujours refusé de demander la grâce, clamant son innocence et exigeant son acquittement et sa réhabilitation. Il refuse depuis de retourner au Maroc pour voir sa famille tant que sa réputation n'a pas été rétablie. Cette affaire avait défrayé la chronique en Espagne. Condamnés chacun à 100 ans de prison pour une série de viols commis en 1991 à Barcelone et Tarragone, mais que la police n'a jamais pu prouver, les deux Marocains n'ont eu de cesse de clamer leur innocence. Natif de Nador, Tommouhi, un père de famille tranquille, était arrivé en Catalogne en 1988 décidé d'améliorer le niveau de vie de sa famille laissée au bled. Après avoir travaillé, dans un premier temps, comme saisonnier dans la récolte de fruits dans la région de Gérone, il déménagera à Terrassa, dans la même région, pour travailler dans le secteur de la construction. En 1991, sa vie vire au cauchemar. Il est arrêté ainsi qu'un autre compatriote, Abderrazak Mounib, pour une série de viols et d'agressions contre des femmes et des jeunes filles. Les deux Marocains sont «les coupables idéaux», certaines de leurs présumées victimes ayant affirmé que leurs agresseurs sont deux hommes d'aspect maghrébin et parlant une «langue étrangère». Bien que ne disposant d'aucune preuve de leur culpabilité, la machine de la Justice se met en branle et les deux Marocains sont condamnés à 100 ans de prison chacun dans un procès jugé par plusieurs défenseurs des droits de l'Homme comme «une flagrante erreur de la justice espagnole». En 1995, une nouvelle série de viols et d'agressions contre des femmes secoue à nouveau la même région et la police arrête un espagnol de l'ethnie gitane, Antonio Garcia Carbonell, qui ressemble étrangement à Tommouhi, ainsi qu'un complice qui parlait, au moment des faits, le «calo», un dialecte utilisé par les Gitans. Les deux agresseurs perpétraient leurs forfaits avec le même modus-operandi utilisé lors des agressions pour lesquelles les deux Marocains avaient été condamnés. Garcia Carbonell, un habitué des bancs des accusés poursuivis à plusieurs reprises pour viols et agressions sexuelles, a reconnu toutes les charges retenues contre lui, mais la police n'a pas daigné l'interroger sur les viols en série de 1991. Un test ADN a même prouvé que le citoyen espagnol est l'auteur de l'un des viols pour lesquels Tommouhi a été condamné. Malgré cela, le ressortissant marocain «continuait de pourrir» en prison. Dans un livre-enquête «Condamnés pour leur visage», le journaliste espagnol Braulio Garcia Jaén relate comment toute cette affaire a été bâclée et comment la justice espagnole a refusé, malgré toutes les preuves, de reconnaître son erreur.