Ce titre n'évoque peut-être plus rien pour les générations actuelles de cinéphiles nourris de « Avatar », « Harry Potter » et autres « Bandits ». C'est pourtant le titre d'un film marocain réalisé il y a 40 ans par Hamid Bennani, lauréat depuis quelques années de l'IDHEC, la prestigieuse école de cinéma en France. Le hasard a voulu que la promotion de Bennani comportera un autre nom tout aussi célèbre pour le cinéma marocain pour l'époque postérieure : Moumen Smihi, auteur en 1975 du film « Chergui ou le silence violent ». « Wechma » couronné de la médaille de bronze au festival de Carthage, est le film qui va faire connaître l'authentique cinéma marocain à l'étranger au moment où « Vaincre pour vivre », « quand mûrissent les dattes » et « Soleil de printemps » ne sont qualifiés que de sous-produits occidentaux voire même de paresseuses reproductions. Car le film ne manque pas d'audace qui élabore un sujet en rapport avec la religion. « Messoud », naît presque sous le drapeau et finit mort dans un cimetière isolé poursuivi jusqu'à sa dernière demeure par des paroles utopiques et contradictoires, émises de la bouche d'un fquih sans scrupule. Le film traite de l'éducation en mettant en exergue un père adoptif guidé par la soif de l'autorité que le cinéaste charge au maximum : tenue militaire, fusil et bottes de chasseur, nettoyage et recharge d'arme, tout fait de ce « père » une autorité qui fonctionne sans cervelle. A l'opposé de « Si Mekki », le père, on retrouve un enfant dénué de tout : de ses racines, de son véritable nom, de sa famille. Il est livré au destin par le biais de « Si Mekki » sans avoir d'armes pour l'affronter, plutôt de fausses armes. D'où le malentendu, la fissure accentuée par la trace voulue et exercée par le père, empreinte gravée à jamais sur le corps faible de « Messoud ». Blessé moralement et physiquement, « Messoud » doit affronter seul sa route après la mort symbolique de « Si Mekki », et leurs deux mondes sont séparés par un grillage qui s'érige en mur de séparation de deux univers diamétralement opposés, celui de « Si Mekki », un monde utopique et abstrait, et celui de « Messoud » réel et concret. « Messoud » n'a pas reçu l'éducation qu'il faut pour affronter le sien. De fait l'intégration devient difficile. Il va tourner en rond à la recherche d'une issue sans y parvenir et se retrouve dans la même situation que ce motard de cirque qui tourne inlassablement en rond, sans jamais dépasser son cercle. Ensuite, il va essayer de tout voir en vert et ignorer la dureté de la réalité, sans jamais parvenir non plus. Seule la fuite va être présentée comme solution à « Messoud » qui, dans sa dernière tentative pour sortir de l'impasse, va subir un dernier échec qui lui est fatal cette fois. La mort devient son ultime fin et vient clôturer un parcours amplement hasardeux et puéril. Tout est dit dans « Wechma » qui ne souffre, malgré une multitude de sujets, d'aucune surcharge thématique. C'est une véritable histoire, concise et efficace, contée par le seul pouvoir de l'image. Cette image qui interpelle la raison, l'esprit, l'intelligence. Le style implicite de l'auteur dévoile tout de suite ses intentions dans un esprit de communication hautaine et spirituelle. En revoyant « Wechma » aujourd'hui, on ne peut être consterné par le niveau tellement bas de la production cinématographique actuelle. Les films ne constituent plus une matière de réflexion nécessitant l'adhésion de tous, auteur et publics confondus. Ils prêtent à la dérision autour de sujets bâclés et des styles qui n'obéissent ni à des règles connues et acceptables, ni à une logique cohérente. On a souvent dit que le cinéma marocain est qualitativement en train de mourir. Oui, mais tué par les faiseurs de films eux-mêmes.