Après une accalmie, la rougeole refait surface avec vigueur dans plusieurs régions du Maroc, ravivant les angoisses des autorités sanitaires. Les experts soulignent ainsi l'urgence de renforcer les dispositifs de veille, tout en adoptant une nouvelle approche de vaccination. La recrudescence inquiétante des cas de rougeole, accompagnée de décès tragiques parmi les enfants, souligne des failles inquiétantes dans la surveillance sanitaire et la couverture vaccinale. En 2023, cette maladie virale a frappé plus de 10 millions de personnes à l'échelle mondiale, un bond de 20 % par rapport à l'année précédente, et a coûté la vie à plus de 100.000 individus, principalement des nourrissons et des enfants de moins de cinq ans. Pour beaucoup de ceux qui ont survécu, la bataille n'est pas terminée : des séquelles irréversibles telles que la cécité ou l'encéphalite les accompagneront toute leur vie. Au Maroc, la situation est tout aussi alarmante. Chaque mois, des centaines de cas sont enregistrés, avec des décès tragiques dans les régions de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma et Souss-Massa, où la lutte contre l'augmentation des cas devient une priorité absolue. En mars de cette année, le ministère de la Santé a lancé une campagne pour relancer la vaccination contre la rougeole, visant à rétablir les niveaux d'avant la pandémie. Les familles étaient invitées à vérifier les carnets médicaux de leurs enfants pour garantir l'administration des doses nécessaires. Malgré ces efforts, le virus est réapparu avec force, déclenchant une nouvelle alerte sanitaire. Le Dr Tayeb Hamdi, expert en systèmes de santé, avertit que cette prolifération est en grande partie causée par une baisse de la couverture vaccinale et un affaiblissement de la surveillance épidémiologique. Les chiffres sont accablants : aucune région ne parvient à atteindre le seuil de 95 % de couverture vaccinale nécessaire pour prévenir la propagation de cette maladie mortelle.
La rougeole, un péril qui couve La rougeole, causée par le virus Paramyxovirus, est une maladie hautement contagieuse qui affecte principalement les enfants, bien que les adultes non vaccinés ne soient pas épargnés. Les symptômes se manifestent généralement entre 10 et 14 jours après l'exposition et comprennent une forte fièvre, des éruptions cutanées caractéristiques, une toux sévère, ainsi qu'une inflammation des yeux. Lorsqu'elle n'est pas traitée, la rougeole peut entraîner des complications dramatiques, allant de la pneumonie à des lésions cérébrales, voire la mort. Selon les observations du Dr Tayeb Hamdi, un enfant porteur du virus de la rougeole peut devenir un véritable vecteur de contamination, transmettant la maladie à 16 à 20 personnes autour de lui par simple respiration, toux ou éternuements. Le virus se propage également de manière indirecte, via les mains et les surfaces contaminées. C'est pourquoi la sensibilisation est essentielle. Il est crucial de reconnaître les premiers symptômes : une fièvre soudaine, un écoulement nasal, des yeux rouges et irrités, une toux persistante, suivis d'une fatigue intense et d'une irritabilité croissante. Puis, l'apparition d'une éruption cutanée rouge envahit progressivement tout le corps, marquant l'aboutissement de cette contagion implacable. Si les vaccins sont la clé pour stopper la propagation de cette maladie dévastatrice, la situation actuelle montre que les efforts de vaccination doivent être intensifiés de toute urgence pour éviter de nouvelles tragédies.
Le point de rupture Le Docteur Hamdi met en lumière des facteurs sous-jacents, soulignant qu'un enfant non vacciné (n'ayant reçu aucune dose) ou partiellement vacciné (une seule dose au lieu des deux requises) se retrouve grandement vulnérable à la rougeole. Le tournant où tout a basculé, selon l'expert, remonte au moment où la menace de la rougeole n'a pas été prise au sérieux, exacerbée par l'hésitation vaccinale et l'impact de la pandémie de COVID-19. Pourtant, réduire la problématique à la réticence des familles ou à l'ignorance collective serait trop simpliste. La véritable cause de ce déclin réside dans le relâchement des campagnes de sensibilisation, le manque de mobilisation des autorités sanitaires et l'absence de programmes de rattrapage efficaces. Ce n'est pas une question de volonté populaire, mais plutôt d'une inertie institutionnelle qui a laissé la situation se dégrader.
Les mesures à prendre Pour remédier à cette situation, la vaccination contre la rougeole demeure une solution éprouvée. Deux doses suffisent : une à neuf mois, puis une autre quelques mois plus tard, pour offrir une protection durable à l'enfant. Cette vaccination, sûre et efficace, est le meilleur rempart contre l'infection, la maladie et les épidémies. Entre 2000 et 2021, elle a sauvé 56 millions de vies dans le monde, un témoignage de son impact crucial. Les groupes les plus vulnérables à des formes graves et au décès incluent les enfants de moins de 5 ans, les adultes de plus de 30 ans, les femmes enceintes, les enfants malnutris et les personnes immunodéprimées. Bien que l'hésitation vaccinale et la pandémie de COVID-19 expliquent en partie le retour de la rougeole, il est essentiel d'examiner les causes profondes de la sous-vaccination et du relâchement de la surveillance épidémiologique au Maroc, un pays longtemps reconnu pour ses succès en matière de vaccination infantile. 3 questions à Docteur Tayeb Hamdi : « Pour combattre la rougeole, il faut vacciner massivement» * Quelles sont les principales actions nécessaires pour lutter efficacement contre la rougeole ?
Pour combattre la rougeole, il faut vacciner massivement : dès neuf mois pour la première dose et rattraper les enfants non vaccinés ou partiellement vaccinés. Les campagnes de rattrapage sont essentielles. Ensuite, la sensibilisation des familles et des professionnels de santé est cruciale pour rappeler l'importance de la vaccination. Il faut aussi informer les parents que les enfants présentant des symptômes de la rougeole doivent être isolés pour éviter la propagation. Enfin, il est indispensable de réactiver et renforcer le système de surveillance épidémiologique pour une réponse rapide et efficace.
* Qu'est-ce que la surveillance épidémiologique et quel rôle joue-t-elle dans la gestion des épidémies ? La surveillance épidémiologique consiste à collecter, analyser et interpréter les données sur la santé des populations pour détecter, suivre et prévenir les épidémies. Elle permet de suivre les cas de maladies, d'identifier les foyers épidémiques et d'évaluer la propagation des infections. Lorsqu'un cas suspect est détecté, une enquête épidémiologique est réalisée pour retracer son origine et sa contamination. Cela permet d'isoler le cas, de prendre en charge son entourage et de prioriser la vaccination des personnes exposées, tout en vaccinant tous les enfants non vaccinés ou partiellement vaccinés.
* Quelles recommandations ont été mises en place pour prévenir la rougeole au Maroc ? Parmi les recommandations, il est crucial que le ministère de la Santé cherche à comprendre les raisons de la baisse significative de la couverture vaccinale. Bien que l'hésitation vaccinale soit un facteur, elle ne suffit pas à expliquer cette chute. Le relâchement de la surveillance épidémiologique y a contribué, mais il est nécessaire de savoir pourquoi la vaccination a diminué. Il est urgent de tirer la sonnette d'alarme : la courbe de vaccination a progressivement chuté, passant de 95 % à 90 %, puis à 12 %. Le ministère doit agir rapidement pour éviter l'apparition de foyers et d'épidémies dans les régions.