Avant même la présentation des résultats du recensement général de la population de cette année, tout le monde s'attendait à une baisse du taux de fécondité au Maroc, confirmant ainsi une tendance constatée depuis plus d'un demi-siècle. Ce qui est surprenant, c'est la brutalité de cette chute, qui flirte avec les pires scénarios des démographes. Selon les chiffres du HCP, ce taux atteint désormais 1,97, soit en dessous du seuil de remplacement des générations qui est de 2,1 enfants par femme. En comparaison, le taux de natalité dans les années 60 se chiffrait à 7,04 enfants par femme. Cette baisse vertigineuse est certes commune, à des degrés différents, à toute la région MENA, et encore plus marquée dans les pays avancés. La spécificité marocaine est que ce basculement démographique est intervenu trop rapidement, et trop tôt. Alors qu'avant de vieillir, les pays européens ont profité d'une exceptionnelle fenêtre d'opportunité démographique (baby boom) pour réaliser des taux de croissance économiques exceptionnels, rien de cela n'a eu lieu dans notre pays. Lorsque la jeunesse constituait l'essentiel de la pyramide des âges, elle n'a trouvé devant elle qu'un système éducatif défaillant, un taux de chômage très élevé et l'immigration comme seul échappatoire. Par ailleurs, les expériences internationales nous démontrent que les politiques natalistes entreprises par d'autres pays, notamment à travers des "baby bonus", ne produisent que des résultats mitigés. Il s'agit donc d'une tendance lourde presque impossible à inverser. Au mieux, on peut espérer stabiliser le taux de fécondité au cours des prochaines décennies. Afin d'aborder ce problème, des débats doivent être ouverts sur plusieurs fronts : la rétention ou le rapatriement de notre jeunesse installée à l'étranger, l'accueil d'immigrants pour combler le vide démographique, ou encore l'encouragement des nouvelles méthodes de procréation médicalement assistée, telles que la fécondation in vitro, l'insémination artificielle, la congélation des ovocytes, le don de gamètes ou encore le transfert d'embryons congelés. Ces options, bien que nécessitant un encadrement éthique et légal rigoureux, pourraient offrir des solutions concrètes pour contrer le déclin démographique.