Dans «Face Value», Adjei Tawiah donne à voir une exploration intime et sensorielle du portrait. Entre voilement et révélation, il questionne l'identité, la vulnérabilité et le poids des apparences. Suivez La Vie éco sur Telegram Il y a dans les œuvres d'Adjei Tawiah une présence vibrante. L'artiste ghanéen, figure montante de la scène contemporaine africaine, sculpte ses portraits comme on recueille des silences : avec une infinie délicatesse, une tension retenue, une profondeur qui semble affleurer sous la peau de ses personnages. Sa technique, qu'il nomme Sponge Martial, est née d'un geste intime, presque sacré : l'usage de l'éponge en nylon, traditionnellement employée au Ghana pour les ablutions rituelles et les rites funéraires. Cet outil, qu'il détourne en un instrument pictural, devient le médium d'une purification symbolique. Tawiah ne peint pas seulement des visages, il les révèle dans leur fragilité essentielle. Il gratte la surface des apparences pour donner à voir ce que l'œil ne capte pas immédiatement : l'empreinte du vécu, la persistance de l'émotion. L'exposition Face Value, présentée à la So Art Gallery, interroge la manière dont nous nous présentons au monde, comment les visages que nous montrons dissimulent des strates d'émotions inexprimées. Tawiah excelle dans l'art de traduire cette dualité entre force et vulnérabilité, dans une esthétique où la douceur du trait contraste avec l'intensité des regards. Ses portraits, aux textures veloutées et presque palpables, ne figent pas l'expression de leurs modèles : ils la laissent en suspension, entre doute et résilience, entre espoir et mélancolie. «Green Jewel», 2025, 90x70cm. Son approche trouve un écho particulier dans la série I Miss Us, présentée à l'Opera Gallery de New York. Là encore, Tawiah explore les rémanences du passé, les traces laissées par l'absence et la mémoire. Les figures qu'il peint ne sont jamais isolées dans un simple espace pictural : elles portent en elles des récits, des silences pleins, des échos d'un monde intérieur que seule la peinture parvient à capter. Dans Face Value, chaque œuvre devient ainsi une surface sensible, un miroir déformant où les identités se redéfinissent en fonction du regard posé sur elles. L'éponge, outil de recouvrement et de révélation, transforme le support en une peau poreuse, capable d'absorber autant qu'elle restitue. Une dialectique subtile s'opère entre ce qui est montré et ce qui demeure indicible. C'est précisément dans cet interstice, dans ce jeu entre opacité et transparence, que réside toute la force de son travail. Adjei Tawiah ne peint pas seulement des visages : il peint des présences. Il capture ces instants où l'individu vacille entre ce qu'il veut donner à voir et ce qu'il retient en lui. Sa peinture, d'une douceur incisive, nous invite à regarder autrement, à ne pas nous contenter de la surface. Dans un monde saturé d'images, il redonne au regard toute sa puissance d'introspection. * «Face Value», Adjei Tawiah, du 18 février au 30 mars, à la galerie So Art, à Casablanca.