Les 20 centres privés de PMA réalisent 400 à 500 cycles par an. Le nouveau centre public de PMA a effectué 100 cycles pour sa première année. Pour s'aligner sur la pratique mondiale de 1 000 cycles par an, le Maroc doit adopter le projet de loi sur la PMA et reconnaître l'infertilité comme une pathologie. C'est en mai 2016 qu'ouvrait le premier centre public de procréation médicalement assistée (PMA) au CHU Ibn Sina de Rabat. Exactement à la Maternité des Orangers. Cette dernière effectue 2 500 à 3 000 consultations gynécologiques par an. Le centre a, lui, pu réaliser 100 cycles de PMA depuis son démarrage. Ce qui est faible, reconnaît le professeur Rachid Bezzad, gynécologue obstétricien et directeur du centre. Et d'expliquer que «ces résultats sont essentiellement dus, d'une part, au coût de la procréation médicalement assistée et, d'autre part, à l'inexistence de la couverture médicale de cet acte qui, il faut le souligner, n'est pas un luxe mais plutôt une nécessité, étant donné que l'infertilité est une maladie que l'on peut soigner ou à laquelle il est possible de remédier grâce à des techniques palliatives». L'objectif du centre public de PMA est d'atteindre, au cours des trois prochaines années, la moyenne nationale qui est de 300 à 400 cycles annuellement. Il est à souligner qu'avec un tel niveau les centres de procréation médicalement assistée au Maroc restent bien loin derrière les grands centres européens qui réalisent 1 000 cycles chaque année. «Ce qui est compréhensible lorsque l'on sait que ces actes sont pris en charge par la sécurité sociale et autres assurances et qu'il y a le don de gamètes qui n'existe pas chez nous», souligne le Pr Bezzad. Le don de gamètes (don d'ovocytes et de spermatozoïdes) dans le cadre de la PMA ne peut se faire au Maroc pour des raisons religieuses. Mais au-delà des statistiques, le patron du nouveau centre public tient à souligner que la création de cette unité de PMA atteste de la prise d conscience par les pouvoirs publics des problèmes de l'infertilité qui est une question de santé publique aujourd'hui. Preuve en est, la santé reproductive figure parmi les Objectifs du développement durable (le 3e objectif). Les professionnels soulignent que depuis 40 ans, le Maroc a surtout développé le programme de planification familiale mais seulement sous le prisme de la politique de la contraception alors que l'infertilité a été reléguée au second plan. Une réorientation s'impose aujourd'hui, de l'avis des professionnels, en raison des besoins de la population. Selon les estimations des praticiens, 15% des couples en âge de procréer sont concernés par l'infertilité. Ce qui représente à peu près 850 000 personnes. Dans le monde, on parle de plus de 10% des couples qui sont dans l'incapacité d'avoir un enfant et 10 à 25% connaissent une infertilité secondaire, c'est-à-dire ne parviennent pas à avoir d'autres enfants après le premier. Par ailleurs, les professionnels soulignent la nuance entre stérilité et infertilité : la stérilité pour la femme comme pour l'homme, c'est être dans l'incapacité de procréer, alors que l'infertilité signifie qu'il y a encore de l'espoir. Le coût de la fécondation in vitro va de 15 000 à 18 000 dirhams dans le public Et cet espoir a un coût, variant en fonction de la technique et de la nature privée ou publique du praticien, qui n'est malheureusement pas à la portée d'un grand nombre de Marocains. Alors quelles techniques palliatives et à quel prix ? Le traitement de l'infertilité varie en fonction des cas à traiter et les chances de réussite. Ainsi, selon les professionnels privés de la PMA, il y a l'insémination artificielle avec sperme du conjoint qui est la technique la plus ancienne consistant à injecter directement des spermatozoïdes préparés dans la cavité utérine, le jour de l'ovulation pour faciliter la rencontre avec l'ovocyte. Cette fécondation naturelle coûte environ 3 000 DH. En cas d'échec, on recourt à la fécondation in vitro (FIV) qui est envisagée pour reproduire en éprouvette ce qui se passe naturellement in vivo. Après un traitement de stimulation, le praticien féconde artificiellement les ovocytes avec les spermatozoïdes avant de les transférer dans la cavité utérine. Le coût facturé par les centres privés varie de 20 à 30 000 DH dont près de 80% couvrent les seuls injections d'hormones qui sont censés stimuler les ovaires. La FIV ICSI (Injection intracytoplasmique de spermatozoïdes) est semblable à la FIV avec en plus la prise en charge des défaillances morphologiques des spermatozoïdes. Ceux-ci sont sélectionnés par le médecin avant de faire l'injection dans l'utérus. Cette technique se fait au même prix que la FIV classique. Dans le Centre de santé reproductrice de la Maternité des Orangers, le coût d'une FIV est de l'ordre de 15 000 dirhams et celui d'une FIV ICSI est de 18000 dirhams.Il est à noter que ce coût englobe également les médicaments alors que dans le privé, les médicaments ne sont pas compris. Ce qui alourdit davantage les frais qui ne sont pas couverts par les régimes de couverture médicale. Le coût de la PMA reste donc dissuasif, selon Hamid Bennis, spécialiste de la FIV et directeur du Centre de fertilité Ghandi à Casablanca opérationnel depuis une quinzaine d'années. «Notre centre est conforme aux normes internationales et nous a coûté 10 MDH hors locaux. Nous pratiquons les techniques les plus récentes de PMA afin d'apporter une solution aux couples souffrant d'infertilité qui, parfois, partent à l'étranger pour pratiquer la FIV ou toute autre technique», dit le docteur Hamid Bennis qui ne manque pas de signaler que les 20 centres privés existant actuellement pratiquent environ 3 500 FIV par an pour 34 millions de Marocains. Ce qui demeure, selon lui, faible, en raison de l'absence d'une prise en charge des frais engagés par les couples. Le projet de loi 14-14 relatif à la PMA n'aborde pas le remboursement des frais Actuellement, la PMA n'est pas couverte par les assurances. La Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale prend en charge ces frais à hauteur de 5 000 dirhams pour une seule tentative. On retiendra aussi que le personnel de certains organismes bancaires bénéficie d'une prise en charge assurée par leur employeur. Le Maroc reste ainsi, en ce qui concerne la couverture médicale de la PMA, en retard par rapport à des pays européens comme la France, la Belgique ou des pays du Maghreb notamment la Tunisie. En effet, en Tunisie où se pratiquent annuellement 10000 cycles FIV, les frais de la PMA, variant de 1300 à 1 800 euros, sont totalement pris en charge par l'Etat. En France, les diverses techniques de la PMA sont totalement prises en charge sous les conditions suivantes: l'âge ne doit pas dépasser les 43 ans et la limite est de 6 tentatives d'insémination artificielle et 4 FIV. Les frais en France s'élèvent à 5000 euros pour une FIV. En Belgique, le docteur Sanaa Jabry, gynécologue obstétricienne spécialiste de la PMA à Charleroi, explique que «la sécurité sociale couvre la PMA, notamment l'IA et la FIV à hauteur de six essais et lorsque l'âge ne dépasse pas les 43 ans. Cependant, le patient doit verser un ticket modérateur de 50 euros couvrant les consultations, les échographies ainsi que les prises de sang». Le prix d'une FIV en Belgique s'élève à 1800 euros. Le docteur Jabry entend promouvoir la destination Maroc auprès des patients belges, les MRE, les Africains et autres originaires des pays arabes pour qu'ils viennent faire leurs FIV au Maroc. «Le coût est moins cher qu'en Belgique ou ailleurs et le Centre de fertilité Ghandi, avec qui j'ai mis en place un partenariat, dispose de la technicité et du savoir-faire médical nécessaires», explique Dr Jabry En tout cas, avec un taux de réussite de 30%, les patients, doublement découragés par le niveau du coût et l'absence de la prise en charge, ne font qu'une seule tentative. Réduisant ainsi leur chance de devenir un jour parents. Et le projet de loi n°47-14, initié par les professionnels privés de la PMA, n'aborde pas le volet remboursement. Ce qui est, déplore le Pr Bezad, «une faille importante. Le projet doit réglementer cet aspect afin d'aboutir au Maroc à une meilleure accessibilité aux techniques de la PMA». Le texte repose sur cinq axes : la détermination des principes généraux régissant la PMA, la définition des conditions de la pratique des techniques, la fixation des conditions relatives à certains actes accomplis sur les gamètes ou les embryons, la création d'une commission consultative de l'assistance médicale à la procréation et l'exigence pour les établissements de santé agréés à pratiquer la PMA de se soumettre aux contrôles. Le volet financier n'étant pas pris en considération par le projet et à défaut d'une nomenclature des actes de la PMA, les tarifs resteront élevés et pénaliseront les couples au pouvoir financier limité. Ceux-ci pourront, en dernier ressort, envisager l'adoption...